“Les classements universitaires permettent de communiquer des informations facilement compréhensibles au grand public et d’effectuer des comparaisons entre établissements. Mais ils sont parfois réducteurs, voire trompeurs sur ce qui est effectivement mesuré et classé”.
C’est par cette analyse que Bernard Zuppinger, directeur de l’Institut de la Francophonie pour la gouvernance universitaire (IFGU), un établissement de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), basé à Yaoundé, au Cameroun, appelle à relativiser les classements des universités tels qu’ils sont produits chaque année par diverses organisations à travers le monde.
Sollicité par SciDev.Net, l’intéressé réagissait ainsi à la rareté des universités d’Afrique subsaharienne francophone dans le classement 2018 de l’organisation australienne UniRank, publié le mois dernier.
“Nous ne prétendons nullement classer les établissements d’enseignement supérieur ou leurs programmes par la qualité de l’éducation ou le niveau de services académiques fournis”
Fabio Fatuzzo
Dans ce palmarès qui classe les deux cents (200) meilleures universités d’Afrique, ne se trouvent que neuf établissements d’Afrique subsaharienne francophone, issus de cinq pays : Cameroun (3 universités), Sénégal (2), Togo (2), Burkina Faso (1) et Madagascar (1).
Ces universités arrivent par ailleurs très loin dans le classement, la mieux classée étant l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar au Sénégal (48e), suivie de l’université de Lomé au Togo (82e) et de l’université de Yaoundé I au Cameroun (134e).
Au total, l’Afrique francophone ne compte que 37 établissements dans ce palmarès, l’essentiel étant basé en Algérie et dans une moindre mesure au Maroc et en Tunisie.
Au plan général, ce classement place sans surprise les établissements des pays anglophones (Afrique du Sud, Nigeria, etc.) en tête.
Les huit premières places reviennent ainsi à des universités sud-africaines avec un podium occupé respectivement par l’université de Pretoria, l’université du Cap et l’université de Witwatersrand.
“L’objectif du classement UniRank University Ranking est de fournir un classement approximatif de la popularité des universités et collèges en fonction de la popularité de leurs sites web en termes de trafic, de confiance et de popularité des liens de qualité”, explique l’organisation sur son site web.
“Veuillez noter que notre classement n’est pas un classement académique et qu’il est basé sur des statistiques du web”, martèle Fabio Fatuzzo, le directeur général d’UniRank.
Qualité de l’éducation
Dans un entretien avec SciDev.Net, ce dernier se veut même plus catégorique : “Nous ne prétendons nullement classer les établissements d’enseignement supérieur ou leurs programmes par la qualité de l’éducation ou le niveau de services académiques fournis”.
En somme, “le classement UniRank University Ranking ne devrait pas être adopté comme critère principal pour choisir un organisme d’enseignement supérieur où s’inscrire et étudier”, conclut l’intéressé.
Sur la faible présence des universités d’Afrique subsaharienne francophone dans ce classement, “peut-être que leur présence sur le web n’est pas aussi forte que celle des autres universités”, croit savoir le promoteur du classement.
Une opinion que partage Bernard Zuppinger, le directeur de l’IFGU.
“Compte tenu de ses spécificités, dit-il, il apparait difficile de porter des conclusions fermes sur la présence effectivement faible des universités d’Afrique subsaharienne francophone dans ce classement, si ce n’est que les universités francophones ont une présence sur Internet généralement moins développée et moins active”.
“Il y a toutefois des exceptions”, souligne la même source qui, au passage, encourage les universités francophones d’Afrique à renforcer leur présence sur Internet.
Précautions
“Non pas pour satisfaire aux critères du classement UniRank, mais pour améliorer la qualité des services qu’elles apportent aux étudiants et au public en général”, insiste Bernard Zuppinger, qui en profite pour inviter l’opinion à prendre les classements avec beaucoup de précautions.
“En règle générale, les classements n’apportent que peu d’informations pertinentes pour le pilotage des établissements”, dit-il.
Mais, “ils restent toutefois importants de par l’impact qu’ils ont auprès du grand public et sont donc souvent pris en compte par les autorités politiques dans les décisions qu’elles prennent à l’égard du système universitaire”, conclut-il.
Il y a quelques jours d’ailleurs, une polémique a éclaté au Sénégal, après que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche eut déclaré que l’UCAD se classait au premier rang des universités d’Afrique francophone dans le classement 2017 de Shanghai, surclassant même les universités francophones du Maghreb.
Or, vérifications faites, l’UCAD ne figurait pas parmi les 800 établissements classés dans ce palmarès qui est le plus réputé au monde.
Avec scidevafrique