Deux patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge ont retrouvé la vue grâce à un traitement à base de cellules souches. Une première qui n’est pas sans risque mais qui témoigne des progrès de la « médecine régénérative ». Les chercheurs espèrent que les cellules souches pourront à terme soigner des maladies comme Parkinson ou le diabète.
Douglas Waters, âgé de 86 ans, avait une vue extrêmement faible et ne voyait plus rien de son oeil droit. « Je devais lutter pour voir les choses nettement, même de très près, explique-t-il. Après l’opération, ma vue s’est améliorée au point que je peux maintenant lire le journal et aider ma femme à jardiner. »
Thérapie cellulaire sur patch
Cet Anglais ainsi qu’une femme d’une soixantaine d’année, tout deux atteints d’une forme sévère de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) dite « humide », ont bénéficié d’un traitement expérimental mené par le London Project to Cure Blindness. Les chercheurs ont cultivé des cellules souches embryonnaires et ont réussi à les transformer en cellules d’épithélium pigmentaire rétinien. Ces cellules, précisément celles endommagées dans la rétine des personnes souffrant de DMLA, ont ensuite été placées sur un patch et insérées sous la rétine des patients pour remplacer les cellules déficientes.
« Ils sont passés de ne pas pouvoir lire du tout à lire 60 à 80 mots par minute »
Les résultats de cette étude expérimentale, publiés le 19 mars dans Nature Biotechnology, sont un succès pour les deux patients, dont les progrès ont été mesurés pendant un an après leur opération. « Ils sont passés de ne pas pouvoir lire du tout, même avec des lunettes, à lire 60 à 80 mots par minute avec des lunettes standards », se réjouit dans un communiqué le Moorfields Eye Hospital NHS Foundation Trust, où opère le chirurgien Lyndon da Cruz qui a mené l’étude.
Les cellules souches embryonnaires humaines sont généralement prélevées sur des embryons quelques jours après une fécondation in vitro. Elles sont étudiées de près par de nombreux chercheurs pour leurs qualités remarquables : celle de se multiplier à l’infini et celle de donner naissance à tous les types de cellules de l’organisme.
L’espoir au bout : la thérapie cellulaire. Pouvoir créer n’importe quel type de cellules permettrait de les greffer pour restaurer la fonction de tissus ou d’organes abimés. Une équipe de l’Inserm a ainsi greffé avec succès en 2014 des cellules cardiaques issues de cellules souches embryonnaires à une patiente atteinte d’insuffisance cardiaque sévère.
La DLMA, elle, est « la principale cause de perte de la vision dans les pays développés. Plus de 600 000 personnes sont touchés au Royaume-Uni », rappelle le Moorfields Eye Hospital. Les chercheurs espèrent que leur étude permettra à terme de soigner l’ensemble des patients, touchés par la forme sévère mais aussi la forme « sèche » de la DMLA.
Vers un âge d’or des cellules souches
À ce jour toutefois, si les essais cliniques se multiplient, « ces approches thérapeutiques ne sont pas encore validées », rappelle l’Inserm sur son site. « Une seule cellule restée indifférenciée se renouvellerait indéfiniment dans l’organisme du patient la recevant, risquant de provoquer un cancer ». D’où l’importance d’encadrer et suivre précautionneusement les traitements expérimentaux.
Les auteurs de l’étude britanniques, eux, sont confiants pour l’avenir de la médecine régénérative. « Nous espérons que cela conduira à des thérapies abordables qui pourraient être accessibles aux patients du NHS dans les 5 prochaines années », espère le Professeur Pete Coffey, de l’UCL Institute of Ophtalmology et co-auteur de l’étude.
Après 20 ans de recherches, les cellules souches embryonnaires « arrivent dans les cliniques » et « ont déclenché une révolution », constate un article de Nature. Le succès britannique « est le premier signe fort de l’efficacité sur des humains et il encourage de nouvelles études sur d’autres parties du corps », réagit dans le journal l’ophtalmologiste Alan Marmorstein de la clinique américaine Mayo, à Rochester (Minnesota). Parmi les essais en cours ou à venir que liste Nature, des chercheurs s’attaquent au diabète et d’autres à la maladie de Parkinson. Un « nouvel âge d’or » à venir pour la recherche sur les cellule souches.
Avec weforum