ANALYSE. A l’issue de la primaire de l’Indiana, le parti républicain est en lambeaux, son investiture emportée par un outsider discrédité par ses dirigeants depuis le début de la campagne. Le duel Clinton-Trump pour l’élection générale est lancé avec pour objectif la conquête, dans les « swing states », des indécis et des électeurs de Bernie Sanders qu’ils vont essayer de s’arracher.
« Chers amis, nous sommes ici réunis pour pleurer le Grand Old Party, qui fut un grand parti avant d’être tué par une épidémie de Trump ». La « Une » du « Daily news », mercredi matin, illustrée d’un éléphant aux couleurs de l’Amérique à terre, expose un parti républicain en lambeaux que les caciques commencent à quitter. Un tweet du sénateur républicain du Nebraska, Lindsey Graham était on ne peut plus clair : « Si nous nommons Trump, nous serons détruits…et nous l’aurons mérité ».
Les dés sont jetés
Les dés sont pourtant jetés. Le chef du parti, Reince Priebus, a appelé, mardi, à se rassembler derrière le magnat de l’immobilier pour battre Hillary Clinton. Mais de nombreux républicains ont déjà fait une croix sur cette élection. Certains sont déjà résolus à voter « Hillary », un choix rationnel face à un Trump imprévisible, outrancier et potentiellement dangereux. « Hillary est préférable à Trump, comme la malaria est préférable à Ebola » explique crûment Jaimie Weinstein, du « Daily Caller ». D’autres ont déjà annoncé qu’ils préféraient renoncer et quitter l’organisation.
Duel plus complexe que prévu pour Hillary
Le milliardaire new-yorkais, critiqué, fustigé, attaqué par l’establishment républicain, est donc désormais le candidat « présumé » du GOP. L’abandon de Ted Cruz le plonge directement dans un duel frontal avec Hillary Clinton, alors que celle-ci est encore encombrée de son rival, le sénateur du Vermont, Bernie Sanders . Mardi, l’Indiana « felt the Bern » et lui a donné la majorité des voix lors de la primaire démocrate. Ce dernier, s’il n’a aucune chance d’emporter l’investiture du parti car il n’aura pas le nombre de délégués suffisants, n’ a pas l’intention de laisser tomber. Porteur d’un message « révolutionnaire », il entend bien influencer jusqu’au bout la conquête de la Maison blanche. Son argument pour rester : « je suis le seul qui peut battre Trump ». En réalité, il essaie de se constituer un maximum de capital avant la convention de Philadephie, au mois de juillet, pour obtenir le plus de promesses possibles de celle qui sera la candidate. Et en attaquant sans relâche l’ex-First lady, qu’il appelle « Crooked Hillary » (« Hillary l’arnaque »), il lui fait du tort.
Un tournant
S’il reste encore quelques primaires à jouer, avec notamment la Californie et 5 autres Etats le 7 juin prochain, le tournant vers l’élection générale est pris. Avec en ligne de mire, pour les deux candidats, deux catégories d’électeurs qui pourront faire la différence en novembre dans les « swing states », notamment la Floride, l’Ohio, la Pennsylvanie ou la Caroline du Nord : les indécis et les supporters de Bernie Sanders. Ces derniers sont du même terreau que les supporters de Donald Trump. Blancs, prolétaires ou de classe moyenne, et surtout anti-establishment. Ils ne se reconnaissent pas dans l’outrance et les positions à l’emporte-pièce « du Donald », mais ils ont envie d’essayer quelque chose de différent.
Tout le talent des équipes que le géant de l’immobilier est en train de constituer va être d’attirer le vote de ces électeurs pour essayer d’emporter l’élection. Le pari n’est pas si impossible : ce n’est pas la première fois qu’un parti de gauche sera délaissé au profit d’un parti populiste. C’est aussi là que le réservoir de voix reste important, car Donald Trump s’est largement privé du vote hispanique. Les équipes d’Hillary feront de même, en comptant sur la loyauté au parti démocrate et en diabolisant son opposant. Mais le chemin n’est pas si aisé : un récent sondage du Wall Street Journal/NBC News montre que son image se dégrade auprès des indépendants : elle a perdu quinze points en quatre mois, leur opinion favorable passant de 35 % à 20 %.