Linda* est preneuse de paris à Libreville. Un métier vers lequel la Gabonaise s’est dirigée pour échapper au chômage. Pour ce nouvel épisode de notre série sur l’argent des Africains, elle nous a ouvert son portefeuille
Dans sa petite guérite rose vissée au trottoir d’un quartier chic de Libreville, Linda* soupire. Ces derniers jours, les parieurs se font plus rares. À 31 ans, le quotidien de cette employée du Pari mutuel urbain gabonais (PMUG) consiste à attendre le joueur, venu miser sur des courses ayant lieux dans les hippodromes français.
Des jeux d’argent dont les Gabonais sont particulièrement friands. Mais depuis qu’elle a été transférée il y a peu dans ce quartier prisé de Libreville, les affaires marchent beaucoup moins bien.
« Dans les quartiers chics, ça ne joue pas », déplore Linda, qui a vu son salaire fondre lorsque le PMUG lui a demandé en novembre de changer de quartier.
152 euros par mois en moyenne
Avant, la trentenaire tenait sa guérite dans un quartier plus animé de la capitale, où les Librevillois parient beaucoup plus. Elle y gagnait environ 160 000 francs CFA par mois, soit 243 euros. Depuis, son pécule, qui varie selon l’humeur des parieurs, a significativement diminué.
Désormais, Linda gagne environ 152 euros par mois. Soit l’équivalent du revenu minimum mensuel gabonais, fixé en 2010. Un maigre salaire, qui plus est grignoté par les 12 euros de cotisation que Linda doit chaque mois reverser au PMUG. « C’est comme ça », élude-t-elle, résignée.
La trentenaire se destinait au départ à devenir archiviste. « Je fais ce travail pour subvenir en partie à mes besoins et ceux de ma famille », sourit cette mère de deux enfants.
Loyer et alimentation à la charge de son compagnon
Même si sa première fille, qu’elle a eue jeune, vit avec ses parents, son salaire ne lui permet pas d’assumer seule sa famille. « C’est mon compagnon qui paie tout : le loyer et la nourriture », assure-t-elle, précisant ne pas savoir combien ce dernier gagne. « Il dit qu’il ne veut pas que je m’intéresse à son salaire », sourit-elle amèrement.
Son compagnon, commercial à Libreville, prend donc en charge le loyer et s’occupe de remplir le frigo pour le couple et leur fille de 6 ans. « Le coût de la vie a vraiment augmenté. Pour nourrir trois personnes, il faut parfois débourser jusqu’à 150 euros, et c’est la même chose pour le logement », s’agace Linda. Des sommes qui correspondent à peu près au budget de la famille, croit-elle savoir.
La répartition des dépenses de Linda :
Épargne : 76 euros
En échange, Linda économise presque la moitié de son salaire pour sa famille. « Je mets 76 euros par mois dans une tontine », explique-t-elle. Ce système d’épargne roulant très populaire sur le continent.
« Avant, quand j’avais de l’argent, je le dépensais en allant groover [danser, NDLR]. Mais depuis que je suis devenue mère, je ne groove plus », s’amuse Linda, avant de s’interrompre pour noter les numéros des quelques parieurs.
Au moins 30 euros pour la coiffure
La jeune trentenaire dépense parfois son pécule pour acheter des vêtements à sa fille. Le reste, elle le garde pour ses achats personnels. « Je suis très coquette », sourit Linda, qui explique « dépenser beaucoup d’argent » pour ses cheveux.
Un tissage ou un lissage lui coûte 30 euros par mois. Et quand les parieurs affluent, la trentenaire confie pousser une seconde fois la porte du salon de coiffure. Quant au reste de son salaire, Linda le dépense en vêtements et chaussures. « Je m’achète toutes mes affaires personnelles : des chaussures au maquillage en passant par les produits intimes », glisse Linda, avant de consigner les mises des derniers parieurs de la matinée.
*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée.
avec jeuneafrique