Elle fait partie de ces femmes entrepreneures africaines qui m’inspirent un profond respect. Elle ne lâche rien. Elle tient fermement la barre comme guidée par une mission.
Toujours guidée par l’une de ses citations préférées : « Mon lieu de défaite sera mon lieu de victoire » … Elle, c’est Patricia Zoundi. 42 ans, mariée, mère de deux garçons et diplômée en droit des affaires de l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso), mais aussi de la Standford University.
Enfant, elle avait déjà les atouts d’une leader. « J’étais une meneuse de troupe. J’ai successivement endossé le rôle de chef de classe, de responsable CVAV, j’ai intégré des associations comme la JEC », dit-elle. Elle avait de qui tenir, en particulier de cet homme qui est une source d’inspiration pour elle : son père. « Mon père a commencé sa carrière en tant que manœuvre agricole pour finir cadre, chef d’entreprise et diplomate. Un exemple du travail bien fait. »
En janvier 2003, elle débute sa carrière professionnelle en aidant son oncle à développer une activité de transfert d’argent (Western Union) avec une banque de la place. Malheureusement cette première expérience n’est pas concluante et Patricia se retrouve endettée : « Je me suis retrouvée en faillite. Je n’avais pas vraiment de vision à ce moment-là. Je n’avais pas suffisamment mis de procédures en place. », avoue-t-elle. « J’ai failli abandonner… ».
Mais quelques années plus tard, Patricia décide de se lancer dans un défi bien plus grand « Je me suis rendue compte que dans les zones rurales, les gens mettaient quelque fois deux jours pour pouvoir faire une opération. Je me suis aperçue que les plate-formes de transfert d’argent européennes ne pouvaient pas fonctionner dans le monde rural parce qu’il fallait la connexion Internet, l’électricité…Ce qui est un luxe pour certaines populations. »
Elle a démarré modestement dans la FinTech : juste avec un ordinateur d’occasion qu’elle a payé à 60.000Fcfa et un téléphone portable de 10.000Fcfa.
Elle a ensuite mis en place une équipe avec laquelle elle a réfléchi pour répondre à ce problème de transfert d’argent dans le monde rural. « Je n’avais pas d’argent pour les payer mais je leur ai partagé ma vision et ils m’ont suivi. », ajoute-t-elle.
Au bout de deux ans, ils ont pu mettre en place une solution qui marche sans connexion Internet et qui permet d’interconnecter les villages. Depuis lors, les paysans peuvent en deux minutes environ, faire leur opération de transfert et aller vaquer à leurs activités champêtres.
Patricia ZOUNDI devient ainsi la première femme à créer en 2010 la société de transfert d’argent QUICKCASH dont elle est l’Administrateur Général. Le projet QuickCash a démarré avec 3 villages ; aujourd’hui, la couverture de ce réseau de transfert d’argent dédié au monde paysan, s’étend à plus de 300 villages. Elle s’appuie notamment sur la promotion du genre pour donner un impact significatif et social à son activité dans les lointaines contrées du pays. « La femme rurale m’inspire. Son courage, son abnégation au travail, son potentiel multitâches, sa capacité à se surpasser, et à ne jamais baisser les bras. »
Grâce à son courage et à son management, Patricia engrange de nombreux succès avec QuickCash. D’ailleurs, deux moments sont à jamais gravés dans sa mémoire. D’une part, son entrée au Programme Seed Stanford. « Je suis passée par ce programme de transformation qui m’a permis de concevoir les choses autrement. Un véritable training du mindset. J’ai eu accès à des mentors, des business coaches et un vaste réseau de networking qui m’a valu cette rencontre avec plus de 700 autres entrepreneurs. Je me suis dit : Yes i can do anything. Je me suis challengée pour apprendre l’anglais en un temps record »
Et d’autre part, sa participation au GES 2016 (Global Entrepreneurship Summit) : « Je n’oublierai jamais ma rencontre à la Silicon Valley avec Barack Obama. »
Mais ses différents succès ne lui font pas perdre de vue ses ambitions. « De QuickCash sont nées deux autres entreprises. Digital hub, dans la finance digitale, orientée vers les jeunes qui démarrera dans les prochains mois et Cannan land orientée vers l’agriculture durable et un volet qui consiste à transformer les agriculteurs en entrepreneurs ruraux. Ce qui nous amene à mettre sur pied, la Farmer Visit School ; du coup nous avons créé le groupe Trust, qui coordonne les activités des filiales. »
En plus de connecter de nombreux pays grâce à sa solution de transfert d’argent, Patricia s’investit désormais dans l’agro-business à travers la production et la commercialisation de produits maraichers. Elle y voit un potentiel important : « Les opportunités ont toujours existé dans ce domaine. Il faut surtout êtres passionné. C’est important parce que c’est l’un des secteurs le plus défavorisé en termes de financement et de produits d’assurance. Pour intéresser les jeunes, il faut un minimum de mécanisation car le travail manuel reste encore pénible. Il faut surtout aimer la terre sinon l’éponge est vite jetée. Mais c’est un secteur encore sous exploité, pauvre en chaîne de valeur mais avec des potentialités énormes. », affirme-t-elle.
Patricia voit grand. Très grand. Elle rêve de contribuer à l’émergence d’un monde rural, prospère et actif. Je n’ai aucun doute sur la réalisation de cet objectif. « L’échec n’existe pas chez moi. C’est une forme d’apprentissage pour moi. », conclut-t-elle.
Avec instantafricains