Il y a des tas de raisons de créer une boîte et elles changent selon le profil et l’expérience de chacun. Assurez-vous de faire le bon choix, quels que soient votre âge et votre parcours.
À 20 ANS… BOOSTER SON EXPÉRIENCE
Diplômé d’HEC, il avait été approché par McKinsey dès la fin de ses études. Dédaignant l’offre du prestigieux cabinet de conseil, David Le Louarn a préféré lancer sa boîte. Snatch, sa plateforme B to B, permet aux entreprises de créer leur propre base de données sur l’innovation.
Comme David, les jeunes diplômés sont toujours plus nombreux à tenter l’entrepreneuriat. «Et ce, quand ils sont encore étudiants», souligne Julien Morel, directeur exécutif de l’incubateur Essec Ventures. «Leur obsession est moins de réussir que d’expérimenter», ajoute Nathalie Carré, chargée de mission entrepreneuriat à la CCI France.
Climat propice. «Les incubateurs nous tendent la main», se réjouit David, en passe d’être couvé chez EuraTechnologies. La principale difficulté de ces créateurs juniors ? «Passer de l’idée à la réalité en se frottant aux clients», répond Michel Coster, directeur de l’incubateur EM Lyon.
L’échec, en revanche, n’est plus perçu comme une tache infamante sur un CV. «A l’Essec, tous ceux qui ont stoppé l’aventure ont très vite trouvé des superjobs», raconte Julien Morel. Les entreprises organisées en mode projet convoitent ces entrepreneurs agiles. David Le Louarn, lui, se dit qu’il n’aura aucun mal à valoriser son expertise en open innovation dans un cabinet de conseil ou au sein d’un groupe.
Témoignage d’Alexandre Cadain, confondateur d’Akt Co., plateforme d’art digital :
« L’art a toujours été ma passion. A 18 ans, j’ai ouvert ma première galerie à Paris. A 22 ans, en parallèle d’HEC, j’ai étudié à Normale sup la relation entre l’art et les technologies. Mon moteur, c’est de penser «nouveaux modèles». J’ai fondé Akt Co. Avec un ingénieur croisé à HEC-Entrepreneurs. Au départ, nous avions sous-estimé les difficultés techniques. Mais nous avons vite rectifié le tir.
L’échec ? Ce n’est pas le sujet. Si j’échoue, j’aurai acquis une expertise dans un domaine neuf, l’art digital. Et je me serai forgé un beau carnet d’adresses auprès de réseaux d’entrepreneurs, de pépinières comme la Gaîté Lyrique et le CentQuatre-Paris. De plus, j’ai trouvé un mentor, Philippe Riss, le fondateur de la galerie XPO.»
À 30 ANS…VOLER DE SES PROPRES AILES
C’est un espace de coworking comme il en existe tant aujourd’hui. Dans ses locaux tout neufs du 13e arrondissement de Paris, Digital Village héberge une cinquantaine de free-lances et de start-uppers. Moyenne d’âge : 30 ans.
Bertrand Moine y a trouvé un environnement idéal pour lancer SAV.flights, une plateforme qui traite les litiges entre les compagnies aériennes et leurs clients. Il trouve sur place les compétences techniques pour développer son site. Ce juriste, passé par un cabinet ministériel et par le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara), a mûrement réfléchi avant de sauter le pas. «A 20 ans, je débordais d’idées, mais j’étais encore immature. Je me serais cassé les dents. A 30 ans, je me suis dit : c’est maintenant ou jamais.»
Projets plus ambitieux. Comme lui, les jeunes actifs n’hésitent plus à tenter l’aventure. «Les barrières psychologiques tombent, car le modèle de réussite change pour cette génération qui a vu éclore les géants de la Net économie, décrypte Martin Villelongue, directeur senior chez Michael Page. Les trentenaires qui se lancent sont en quête d’autonomie et de sens, d’une adéquation entre ce qu’ils sont et ce qu’ils font.»
Mais pas question de tout plaquer sur un coup de tête. En poste chez Vestiaire Collective, Maxime Grandjean, fondateur de Bonnie&Car (lire le témoignage ci-dessous), a pris le temps de peaufiner son projet avant de négocier une rupture conventionnelle, un avantage du système français qui offre aux créateurs la sécurité financière du chômage.
«A 30 ans, les projets sont plus ambitieux et la préparation est plus professionnelle que chez les plus jeunes, même si l’agilité est moindre», observe Julien Morel, qui coiffe les deux pépinières de l’Essec, à Cergy-Pontoise pour les jeunes diplômés et à la Défense pour les confirmés. Comme leurs cadets, les trentenaires ne craignent pas le rebond en cas d’échec. Ils savent que leur audace, leur esprit d’initiative ou leur culture de l’innovation sont prisés en entreprise.
Expérience bénéfique. Lorsqu’il a quitté L’Oréal, où il était directeur international du recrutement de la branche coiffure, pour monter un restaurant, Guillaume Da Mota n’envisageait pas de retourner dans le sérail. Son ex-patron a pourtant gardé le contact avec lui. Et il l’a même convaincu de revenir au bout de deux ans… pour piloter les RH des métiers du digital à l’échelon du groupe !
«Je pense qu’il a apprécié d’avoir en face de lui quelqu’un qui avait des envies et la capacité de les réaliser», analyse Guillaume a posteriori. A la tête d’un restaurant, il a appris à décider rapidement, à négocier un budget au plus près et à gérer des profils variés au sein de son équipe. Des «plus» qui ont fait mouche.
Témoignage de Maxime Grandjean,fondateur de Bonnie&Car :
« J’envisageais déjà de créer une boîte dans le secteur de la mode après mes études (Centrale Lille et master à HEC). En cherchant des conseils pour mon projet, j’ai rencontré Sébastien Fabre, cofondateur de Vestiaire Collective, un dépôt-vente de luxe en ligne. Il m’a proposé d’intégrer sa société. Sans ma démarche entrepreneuriale, je n’aurais jamais décroché un tel job, loin des voies classiques pour mon profil d’ingénieur ! En trois ans chez Vestiaire Collective, j’ai été analyste puis responsable de l’interface mobile qui génère 50% du chiffre d’affaires. J’y ai appris le fonctionnement d’une place de marché, notamment le coût d’acquisition des clients.
Lorsque j’ai eu l’idée de transposer le modèle de Vestiaire Collective dans le marché des voitures d’occasion, l’avis et les conseils de Sébastien Fabre m’ont été précieux. J’ai aussi fait jouer le réseau école en faisant plancher des élèves d’HEC sur mon projet. Par ailleurs, je suis épaulé par Melcion, Chassagne & Cie, un cabinet de conseil aux entrepreneurs. Je me suis fixé un an pour que les ventes démarrent. Sinon, mon esprit d’initiative sera toujours un plus pour rebondir !»
À 40 ANS… VALORISER SON EXPERTISE
Sortir de son confort professionnel, se lancer de nouveaux défis pour ne pas regretter un jour de ne pas avoir franchi le pas… Autant de raisons qui ont poussé Valérie Sabineu, 42 ans, et Jérôme Goaër, 43 ans, deux anciens de Publicis, à monter Verbatee, une agence de communication et d’influence. Valérie s’est lancée sans filet il y a deux ans. Jérôme vient juste de la rejoindre dans l’aventure, à l’occasion d’un plan de départs volontaires.
Remise en jeu. «Nous travaillons évidemment plus qu’avant, puisqu’il faut en même temps développer l’activité et délivrer une prestation aux clients, souligne Valérie Sabineu. Mais nous avons le plaisir de participer à une expérience excitante et l’impression de concentrer notre énergie aux bons endroits. Nous sommes par ailleurs beaucoup plus proches de nos clients, avec lesquels nous avons noué une relation de partenaires plus que de prestataires.»
L’audace, l’envie de remettre en jeu son expertise tout en la valorisant, c’est sans doute ce qui caractérise les quadras entrepreneurs. «Ils portent des projets aux enjeux souvent plus forts que ceux qui se lancent plus tard, passé la cinquantaine», confirme Olivier de Clermont-Tonnerre, directeur associé d’Atomos Conseil, cabinet de conseil en évolution professionnelle et coaching pour cadres et dirigeants. Le champ des possibles est d’autant plus large qu’à 40-45 ans, ceux qui se mettent à leur compte débordent d’une énergie parfois étouffée dans leur ancienne entreprise et ont encore une bonne capacité d’adaptation au changement.
Virages à 180 degrés. Leur enthousiasme débordant a toutefois son revers. «Leur grand défaut est souvent de vouloir aller très vite, alors que, pour monter un projet qui tient la route, il faut savoir prendre son temps. Entre un et deux ans pour le mûrir, s’il n’avait pas été anticipé, et deux à trois ans pour faire décoller l’activité», assure Marc Saunder, directeur du cabinet de conseil en management Nexmove.
Parmi ces créateurs, certains opèrent des réorientations à 180 degrés, comme Jérôme Bailblé, ancien directeur qualité qui a monté en 2011 une librairie spécialisée dans la bande dessinée à Bordeaux. La plupart décident cependant d’exercer en solitaire le métier dans lequel ils ont fait leurs preuves, à l’instar de Valérie Sabineu et Jérôme Goaër, ou choisissent d’appliquer leurs compétences à une nouvelle activité assez proche de leur secteur d’origine, comme cette responsable marketing d’un groupe de luxe qui a lancé sa boutique de bijoux en ligne.
«Enfin, conclut Marc Saunder, si les hommes voient dans l’entrepreneuriat un changement de statut gratifiant, les femmes privilégient souvent des activités de services dont elles ont déploré l’absence en tant que consommatrices : assistance scolaire, petits travaux, soutien informatique… »
Témoignage d’Emmanuelle Moranne, gérante d’une entreprise de courtage en travaux :
« J’ai longtemps apprécié l’ébullition d’une entreprise en plein croissance. Je travaillais chez Bouygues Telecom depuis 2000. Puis les processus se sont industrialisés, engendrant luttes internes et frustrations. En 2014, à l’annonce d’un plan de départs volontaires, j’ai monté un dossier. D’abord pour chercher un emploi, finalement pour créer ma boîte.
Venant de vendre et de racheter des appartements, j’avais vu les difficultés à trouver un bien immobilier. Mon projet portait alors sur la mise en relation d’acheteurs et de vendeurs. J’ai multiplié les rendez-vous, couru les salons professionnels pour affiner mon idée. C’est ainsi que j’ai découvert le courtage en travaux. Aider des clients à trouver des professionnels coordonner des techniciens qui n’ont pas forcément la fibre commerciale, c’est un peu ce que je faisais déjà… dans l’informatique ! Et j’ai retrouvé l’énergie de mes débuts chez Bouygues.»
À 50 ANS… RÉALISER SON RÊVE EN FIN DE CARRIÈRE
Consultant en management, en informatique ou en marketing… Le conseil est l’un des débouchés privilégiés des quinquagénaires. Quoi de plus naturel – et valorisant que de capitaliser sur les compétences et les expériences de toute une carrière pour les mettre au service d’entrepreneurs et de dirigeants ?
C’est le parcours – un peu atypique d’Anil Sharma. Ancien chef, spécialiste de la cuisine indienne, il tente sa chance dans l’émission MasterChefdevient consultant pour une productrice mettant en scène des restaurateurs indiens puis, après des missions de conseil auprès d’autres chefs, décide, à 54 ans, de devenir coach d’entrepreneurs et de dirigeants. C’était il y a un peu plus d’un an.
Quête de sens. «A 50 ans, se mettre à son compte est plus souvent qu’à n’importe quel autre âge un choix par défaut, notamment à la suite d’une rupture de carrière», nuance Olivier de Clermont-Tonnerre, directeur associé du cabinet de coaching Atomos Conseil.
Un constat que corrobore Marc Saunder, du cabinet de conseil en management Nexmove : «Les gens «s’achètent» un job, sans forcément posséder une mentalité d’entrepreneur. Derrière leur choix se cache souvent une déception liée au monde de l’entreprise et plus encore à la pression de la hiérarchie, à une succession de rachats, de fusions, de changements de boss… Ils préfèrent créer leur propre activité, en acceptant de gagner moins, mais en ayant la satisfaction d’être aux commandes.»
Les licenciements ne sont pas le seul déclencheur. Alors que les enfants ont fini leurs études et qu’on arrive à un âge où, les crédits étant payés, le confort matériel est plus grand, les choix peuvent se révéler plus radicaux, dans une logique de quête de sens, d’envie de se rendre utile ou de recherche d’une nouvelle qualité de vie. Ainsi, certains montent un gîte rural ou se reconvertissent dans l’artisanat (lire le témoignage ci-dessous) ou l’économie sociale et solidaire.
PRISE DE RECUL. Passé les 50 ans, ces projets font souvent écho au rêve de toute une vie, que l’on se décide à réaliser dans la dernière ligne droite de sa carrière. Exemple typique, celui de ce directeur financier d’une association qui, à l’occasion d’un héritage, quitte son emploi pour reprendre une petite PME du bâtiment, après avoir caressé pendant des années l’idée d’être son propre patron.
Attention cependant aux projets trop éloignés de son savoir-faire initial, car il est souvent plus difficile de se remettre en cause à partir de 50 ans. «Certains ont développé une résistance au changement, concède Marc Saunder. Mais tous ont une grande force : leur capacité à prendre du recul et à s’appuyer sur leurs nombreuses années d’expérience. Ils bénéficient aussi d’un large réseau, même si beaucoup l’ont négligé au fil des années.»
Témoignage de Jean-François Génasi, ancien manager devenu artisan cordonnier :
« Mordu de belles chaussures, j’ai décidé en quelques heures de monter une cordonnerie. C’était en décembre 2011, responsable de cinq agences commerciales dans l’est et le nord de la France, j’ai reçu mon avis de licenciement de RCI Banque, une filiale de Renault où je venais de passer vingt-six ans. J’avais toujours dit que je ferais ça ou vendeur de pizzas si je me retrouvais sur le carreau. De toute façon, je n’avais pas le choix : à 54 ans, je n’aurais pas été réembauché. Durant ma période de préavis, j’ai rencontré des artisans, sollicité le Fongecif, suivi un CAP en cordonnerie…
Accompagné par le réseau d’appui aux entrepreneurs BGE, j’ai ouvert mon magasin en mars 2014, à deux pas de chez moi, à Bondues, dans le Nord, en m’appuyant sur mon expérience pour offrir une qualité de service qui valorise mon savoir-faire d’artisan. Moi qui passais ma vie en voiture, je vais désormais travailler à vélo. Je gagne 35% de moins qu’avant, mais j’exerce un métier qui me passionne et je jouis d’une reconnaissance de la part de mes clients que je n’aurais jamais espérée.»
♣ COACHING PERSONNEL: LES BONS LEVIERS À ACTIONNER POUR RÉUSSIR ♣
L’avis de Bénédicte de Raphélis Soissan, fondatrice de Clustree : «Confrontez-vous vite aux investisseurs et au marché. Et sachez rester agile avec peu de moyens. Tout ce qu’on fait doit pouvoir resservir.»
Appuyez-vous sur votre employeur avant votre départ. Profitez de toutes les possibilités qu’il vous offre : vous former à la gestion d’entreprise, tirer parti des dispositifs favorisant la création (intrapreneuriat, incubateur, essaimage…) ou devenir l’un de ses prestataires en lui proposant vos services… à condition d’exercer une autre activité que votre travail de salarié !
Trouvez la bonne idée. Soyez attentif à tout ce qui peut faire évoluer et enrichir votre projet. Ne vous contentez pas de copier les bonnes pratiques de vos concurrents dans votre sphère professionnelle. Un projet d’entreprise peut aussi surgir d’un regard nouveau sur une situation banale (y aurait-il un besoin non satisfait autour de moi ?), d’une vieille envie (j’ai toujours rêvé de…) ou d’une idée en apparence un peu folle (et si…). Confrontez dès que possible votre projet à un client potentiel pour voir s’il est prêt à acheter votre prestation.
Valorisez vos réseaux. Transformez vos anciens clients et fournisseurs en nouveaux prospects, si votre activité ne tombe pas sous le coup d’une éventuelle clause de non-concurrence. Rentabilisez votre carnet d’adresses : réseaux d’anciens, ordres professionnels, clubs d’entrepreneurs, contacts à l’étranger, chambres de commerce et d’industrie ou chambres de métiers et de l’artisanat peuvent vous aider à trouver vos premiers clients.
Changez de posture. Vous quittez vos habits de salarié pour endosser le costume du patron. Votre rôle : apporter des solutions à vos clients. Conviction, mais aussi écoute et capacité de persuasion deviennent vos maîtres mots. Vous devez affirmer votre nouvelle identité et proposer des prestations clairement positionnées. Par exemple, en créant votre marque et votre logo, déposés à l’Inpi. Il est plus facile de vendre un produit qui a un nom.
avec capital