Les avocats des deux premiers enfants du chanteur et de la veuve de Johnny s’affrontaient ce jeudi sur la parution de l’album posthume du rockeur et le gel provisoire de son patrimoine.
La salle d’audience dans une annexe du tribunal de Nanterre apparait bien pauvre et terne, avec ses murs de béton et son plafond de verre. Rien à voir avec les lambris dorés et des boiseries du palais de justice de Paris. Ce décor bien chiche tranche aussi avec les enjeux de cette affaire, qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros.
La présence d’une centaine de journalistes à cette audience hors normes, une nuée d’appareils photo, de micros et de caméras, alors que ni David et Laura, et encore moins Leaticia qui se trouve en Californie, n’ont fait le déplacement, illustre l’intérêt populaire autour de la succession de Johnny Hallyday. Cinq avocats du côté de David et Laura Smet, plus d’une dizaine autour du conseil de Laeticia Hallyday. Les joutes oratoires furent violentes, dignes d’une cour d’assises, alors que les plaidoiries n’ont pourtant porté que sur une demande de renvoi de l’affaire et de communication de pièces.
Laeticia doit communiquer les noms des “trustees”
Après plus d’une heure de délibéré, les trois magistrates ont décidé de renvoyer l’affaire au 30 mars à 14 heures, sans surprise puisque c’était sollicité par ceux qui ont saisi la justice, David et Laura. Inattendue cette fois, la petite victoire pour le camp des premiers enfants de Johnny, le tribunal ordonne à Laeticia Hallyday de communiquer la traduction en français, par un traducteur assermenté, des documents sur le fameux Trust américain qui aurait reçu les actifs de la succession et l’identité des “trustees”, c’est-à-dire ceux qui contrôlent le trust pour le compte, on le suppose, de la veuve du chanteur.
Avant que les magistrates se retirent pour prendre leur décision, les deux camps ont plaidé à front renversé. “Il n’est jamais agréable de demander le report d’une audience lorsque l’on a saisi un tribunal”, ont affirmé les conseils de David et de Laura. D’autant que s’ils ont choisi d’assigner devant la juridiction de Nanterre en référé, c’est qu’il y a urgence. Urgence à ne pas laisser sortir dans les bacs le dernier album de Johnny. Ses deux premiers enfants soutiennent que le CD n’était pas terminé à la mort de leur père et veulent exercer leur droit moral, un droit de regard en quelque sorte. Urgence aussi à bloquer la succession, afin d’empêcher Laeticia de vendre des actifs, notamment immobiliers. Le conseil de Laura s’est dit rassuré : la vente de la villa de Marne-la-Coquette aurait été stoppée.
Le “testament RTL” brandit par l’avocat de Laura
“Dans le testament révélé par RTL, nous avons appris l’existence d’un trust américain dans lequel serait transmis les biens de la succession, plaide avec assurance l’un des trois conseils de Laura, Me Emmanuel Ravanas. Nous demandons donc communication de tous les documents sur ce trust, en français.” Produire des pièces en anglais sans traduction n’est en effet pas autorisé devant une juridiction française. L’avocat juge étrange le rôle de “protecteur” attribué à Grégory Boudou, le frère de Leaticia. Il accuse aussi ses adversaires d’avoir communiqué des pièces en anglais et tronquées sur le fameux Trust. “Il y a même deux trusts, l’un devant absorber l’autre, sans doute pour des raisons fiscales”, ajoute-t-il, énigmatique.
“Je félicite mes confrères pour leurs brillantes plaidoiries, s’élance en réplique Me Ardavan Amir Aslani, pour la veuve de Johnny. Ils connaissent vraiment bien le dossier.” Le baiser qui tue. Un compliment pétri d’ironie annonçant la couleur de sa charge : “Je m’oppose au renvoi.” Plaidant avec véhémence, le conseil a lancé trois flèches à ses confrères adverses.
L’honneur de Laeticia, qualifiée de “gangster”
La première fait mouche : “En l’appelant Laeticia Boudou, vous niez 23 ans de vie commune entre elle et son mari. Elle s’appelle Laeticia Hallyday.” La deuxième exprime bien l’agacement de la mère de Joy et Jade depuis sa résidence californienne : “Je suis prêt à plaider. Je veux mettre un terme à cette campagne médiatique qui met à mal l’honneur de ma cliente, qualifiée de “gangster”, alors que votre action vise à l’asphyxier, en la privant des revenus du dernier album de son mari. Suffit!” Me Pierre-Olivier Sur, avocat de Laura, s’agite en semblant dire à son confrère: “Calmez-vous!” Ambiance.
La troisième salve de Me Aslani apparaît un tantinet péremptoire : “Vous perdrez au fond, car c’est la loi américaine qui régit la succession”. Avant d’ajouter, avec véhémence : “Il n’y a rien à communiquer de nouveau sur le Trust.” Sur ce second point, le tribunal lui a donné tort en lui demandant de transmettre de nouveaux documents d’ici au 19 mars. Sur le premier, c’est en fait tout le débat au fond, autrement dit sur la légalité du testament de Johnny qui déshérite ses enfants. Et cette question centrale ne sera certainement pas tranchée judiciairement avant longtemps. Très longtemps.
Avec l’express