Lors de son déplacement, Emmanuel Macron a remonté le Gange en compagnie d’un ministre d’Etat connu pour ses propos d’une grande violence envers les minorités. Le président dit ne pas voir de «problème» à être aux côtés de ce dirigeant «élu».
Emmanuel Macron était, le 12 mars, pour son troisième et dernier jour en Inde, dans l’Uttar Pradesh, Etat le plus peuplé du pays où se trouve la ville sainte de Bénarès. Il a effectué une courte croisière sur le Gange en compagnie du Premier ministre indien Narendra Modi et d’un autre invité plutôt controversé : le ministre en chef de l’Etat, le moine Yogi Adityanath, connu pour ses positions pour le moins intransigeantes.
Pour l’occasion, le fleuve avait été dégagé des vaches, pèlerins et ascètes qui évoluent d’ordinaire sur ses rives. Un lâcher d’eau de barrage avait même été effectué en amont afin de faire oublier, pour un instant, que le cours d’eau sacré est l’un des plus pollués au monde.
La présence du moine hindou, invité en tant que ministre en chef de l’Etat, a suscité la perplexité de plusieurs médias.
Ses disciples appellent à «déterrer les corps des femmes musulmanes pour les violer»
Avec sa tunique safran, son crane rasé et son anneau à l’oreille, Yogi Adityanath pourrait être un moine hindou parmi tant d’autres. Mais ce nationaliste, nommé suite à la victoire du parti Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre indien le 19 mars 2017, est connu pour ses discours virulents et controversés, notamment envers les minorités musulmanes (20% de la population de son Etat) et chrétiennes.
Incarcéré une dizaine de jours en 2007 pour avoir organisé des émeutes, il ferait l’objet d’une vingtaine de plaintes, notamment pour tentative de meurtre, intimidation criminelle et incitation à la haine. Lors d’un meeting en 2009, il avait affirmé : «Pour chaque hindoue mariant un musulman, nous prendrons 100 musulmanes; pour chaque hindou tué par un musulman, nous tuerons 100 musulmans.»
En 2015, il avait aussi promis d’imposer «des statues des déesses Gauri, Ganesh et Nandi à chaque mosquée». Au cours d’un meeting de juin 2016, ses disciples allaient plus loin et enjoignaient les Hindous à «déterrer les cadavres des femmes musulmanes pour les violer». Adityanath fait aussi la promotion du harcèlement des couples mixtes et vilipende ce qu’il appelle le «djihad de l’amour» (le fait que des jeunes musulmans courtisent des hindoues dans le seul but de les convertir). En outre, il estime que mère Teresa faisait «partie de la conspiration destinée à christianiser l’Inde».
Interrogé à ce sujet par une journaliste au cours d’une conférence à Bénarès qui clôturait le séjour du président français le 12 mars, Emmanuel Macron a répliqué : «Je ne partage rien des idées qui viennent d’être évoquées, mais ce serait une drôle de conception de la souveraineté populaire que de dire qu’on soutient la démocratie sauf quand elle permet l’accession au pouvoir de valeurs contraires aux nôtres.»
Le président français a poursuivi en affirmant qu’il n’avait «pas de problème» à se trouver aux côtés d’un dirigeant «élu», pour désigner Adityanath, nommé par le Premier ministre indien. Une position pour le moins curieuse de la part d’un Emmanuel Macron qui ne se prive pas de critiquer vertementc certaines forces politiques qu’il juge contraire à ses valeurs, comme celles arrivées au pouvoir en Pologne, en Hongrie ou en Autriche, par exemple.