« Qui aurait cru que l’austère et taciturne général Buhari avait une femme aussi douce, souriante et sympathique? » faisait remarquer le quotidien nigérian Vanguard, peu après l’élection la semaine dernière de l’opposant Muhammadu Buhari à la tête du Nigeria.
Restée en retrait pendant une grande partie de la campagne électorale, la gracieuse Aisha Buhari devrait imposer à « Aso Rock », la résidence présidentielle d’Abuja, un style très différent de celui de l’actuelle première dame.
On en sait peu, pour l’instant, sur cette femme, à part les quelques détails qui ont filtré dans les médias nigérians, selon lesquels elle est âgée de 44 ans, et a épousé M. Buhari en 1989 (après qu’il eut divorcé de sa première femme l’année précédente), avec qui elle a eu cinq enfants.
« J’ai rencontré Aisha Buhari à trois reprises, et elle m’a fait l’effet de quelqu’un d’humble (…), une oreille attentive », affirme l’avocate Ebere Ifendu, présidente de l’ONG Forum des femmes en politique, à Abuja.
La gouailleuse Patience, épouse du chef de l’État sortant Goodluck Jonathan, est pour sa part très connue des journalistes et plagiée des humoristes pour ses sorties tonitruantes, ses frasques télévisées et les scandales politiques et financiers auxquels elle a été associée.
« Patience est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine! Totalement incontrôlable », juge Yemisi Ransome-Kuti, la présidente du Nigeria Network of NGOs, une plateforme de la société civile.
« Nous espérons qu’Aisha sera une Première dame très différente, et qu’elle va aider à ramener le calme et l’harmonie à la présidence », poursuit-elle.
Aisha, sereine et soulagée
Dans la maison des Buhari, nichée dans une rue résidentielle d’Abuja, le calme d’Aisha contrastait, mardi dernier, avec l’effervescence des cadres du Congrès Progressiste (APC), membres de l’équipe de campagne de Muhammadu, son époux.
Pendant que le comptage officiel des voix se poursuivait, la commission électorale égrainant les résultats de l’élection présidentielle du weekend au compte-gouttes, État par État, les piliers de l’APC venaient d’annoncer la victoire de leur candidat, et la nouvelle se répandait à travers le pays, provoquant des scènes de liesse populaire, notamment à Kano, la grande ville du nord.
Vêtue d’une tunique couleur crème et d’un voile brodé orange et rose, celle qui allait devenir première dame, officiellement, quelques heures plus tard, semblait sereine et soulagée.
« Ce long périple est en train de toucher à sa fin » confiait-elle à l’AFP, évoquant la campagne électorale, qui lui a laissé une impression « mitigée ». Une façon pudique d’évoquer les coups bas et les attaques personnelles dont a été victime son mari, tour à tour taxé d’islamisme, accusé d’être inéligible par manque de diplômes et soupçonné d’être en phase finale d’un cancer.
Mme Buhari préfère évoquer les aspects positifs de cette longue période de turbulences qui a mené le Nigeria à sa première alternance démocratique.
Celle qui est longtemps restée dans l’ombre de son mari a pourtant fini par entrer en scène, en fin de campagne, pour le défendre avec ferveur.
« Je le connais personnellement. Pas en tant que dirigeant du Nigeria. Je le connais en tant que mari et je suis convaincue que les Nigérians devraient se sentir en confiance avec lui. Il va y arriver », répétait-elle une fois de plus avec conviction, mardi.
Jeter des pierres sur les opposants
Il faut dire que Patience Jonathan n’a pas hésité à jeter de l’huile sur le feu, pendant la campagne. Elle est même allée jusqu’à appeler ses partisans à jeter des pierres sur tous ceux qui réclament « le changement » – – slogan de l’opposition -, lors d’un meeting politique, début mars, provoquant une longue polémique dans la presse nigériane et la colère de l’APC. Mme Jonathan, bien que surnommée « Mama Peace » par ses fans, est une habituée des scandales médiatiques.
Avant même l’élection de son mari à la tête de l’État, elle a été soupçonnée, en 2006, par la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC), d’avoir blanchi une importante somme d’argent.
En 2012, elle est devenue « Secrétaire permanente » de l’État pétrolier de Bayelsa (sud), dont son mari est originaire et ancien gouverneur, une nomination très critiquée par l’opposition qui a crié au « népotisme » et au « favoritisme ». Patience « a peut-être mal interprété le rôle qu’elle était censée jouer », avance Mme Ifendu.
« Il n’y a pas de rôle officiel de première dame au Nigeria, selon la Constitution », rappelle Mme Ransome-Kuti, il dépend donc bien souvent de la dimension que veut bien lui accorder le président. « Ce que nous attendons de la prochaine première dame: Plus de décorum », tranche-t-elle.
AFP