Ce mercredi, 9 septembre, les ONG Forêts et développement rural (FODER) et Service d’appui aux initiatives locales pour le développement (SAILD) ont procédé à Yaoundé à la validation du Système normalisé d’observation indépendante externe (SNOIE) pour contrôler l’exploitation des ressources naturelles.
Ce système, qui s’appuie sur la norme qualité ISO 9001 : 2008, est basé sur l’observation, la vérification, la communication, et le plaidoyer.
D’après les documents mis à disposition pour le lancement de ce système, le fonctionnement concret du SNOIE veut que les groupes d’acteurs identifient et signalent les cas présumés de violation aux organisations de la société civile (OSC) de la localité concernée.
Ces dernières procèdent ensuite à des vérifications et rédigent, le cas échéant, un rapport qu’elles adressent à une OSC nationale qui peut à son tour descendre sur le terrain, mesurer l’ampleur de la violation et compléter éventuellement le rapport avant de le transmettre à la coordination du SNOIE qui saisira l’administration chargée des ressources naturelles.
A ce propos, SciDev.Net a interrogé Sébastien Tchebayou, le coordonnateur de FODER, qui explique davantage le fonctionnement du SNOIE qui est censé corriger les faiblesses du système existant.
Pourquoi le mécanisme d’observation mis en place par les OSC est dit externe ? Y a-t-il un système d’observation interne ? Si oui, quelles différences, similitudes ou complémentarités y a-t-il entre les deux ?
Ce mécanisme (OIE) est dit externe parce qu’il est pratiqué par les organisations de la société civile (OSC) et les communautés. Lesquelles ne font pas partie de l’administration et ne font que de la dénonciation, contrairement à l’observation indépendante (OI) formelle faite par une organisation ou un consortium travaillant avec la brigade nationale de contrôle (BNC) du ministère des Forêts et de la faune (MINFOF).
Ce consortium, en plus d’avoir facilement accès à tous les documents, a un contrat avec l’administration des forêts qui lui délivre un ordre de mission et donc autorise toutes ses missions de terrain qui sont faites en compagnie de la BNC. A l’issue de l’OI formelle encore appelée OI, un sommier des infractions est dressé après qu’une commission de lecture des infractions a siégé.
Les rapports de l’OIE peuvent ne pas faire l’objet de vérification et donc ne pas être pris en compte par l’administration des forêts qui peut faire des missions par l’entremise de la BNC sans l’OI formelle ; les observations faites par l’OIE n’étant considérées que comme dénonciations.
Qu’est-ce que le Cameroun a pu gagner de cette observation des ressources naturelles depuis qu’elle est mise en œuvre ?
Le Cameroun a pu gagner une meilleure participation des communautés et des OSC à la gestion des forêts, une meilleure collaboration entre l’administration des forêts et les OSC d’une part et les communautés d’autre part, une meilleure participation de tous à la gestion des forêts, ce qui contribue à la préservation de la ressource forestière.
“Nous visons une gestion des ressources naturelles où toutes les parties prenantes gagnent sans que les communautés riveraines soient flouées et sans que leur ignorance soit exploitée à leur détriment.”
Sébastien Tchebayou, coordonnateur de FODER
Cette observation aide l’administration camerounaise à la mise en œuvre de l’APV-FLEGT (accord de partenariat volontaire pour l’application de la réglementation forestière, le commerce de bois et ses produits dérivés) signé entre le gouvernement du Cameroun et l’Union Européenne.
Quelles sont les faiblesses notées dans l’observation indépendante des forêts au Cameroun telle qu’elle se fait jusque-là ?
L’OI demande une bonne qualification des faits, la pertinence de la dénonciation et des équipements tels que l’appareil photo et le GPS qui sont assez coûteux pour les OSC. Les informations sont difficiles à obtenir au niveau de l’administration, bien que l’annexe 7 de l’APV-FLEGT autorise la mise à la disposition du public de ces informations encore tenues “secrètes”, ce qui ne permet pas de bien documenter l’observation.
Quelles auront été les conséquences de ces défaillances sur les ressources naturelles et sur le développement des communautés alentour ?
Les conséquences sont que les ressources sont pillées, exploitées anarchiquement, l’administration forestière et ses démembrements ne pouvant descendre aussi loin que les communautés dont la forêt est de toute évidence leur centre d’activité et de survie.
Il s’en suit que ce pillage appauvrit les communautés qui ne peuvent plus percevoir leur quote-part de taxe pour le développement local. De plus, la destruction de la forêt induit la perte de leur milieu de vie, la perte de la source de beaucoup de produits qui leur sont vitaux.
Comment le nouveau système normalisé (SNOIE) que vous avez présenté ce mercredi compte-t-il concrètement corriger ces défauts ?
Ce système viendra corriger les dénonciations faites à la légère et rendre les dénonciations plus crédibles, car elles passeront désormais au travers des différentes mailles de l’ISO 9001 : 2008 avant publication auprès de qui de droit. Il n’y a pas d’amateurisme dans le SNOIE.
Dans la note d’information que vous avez diffusée, il est dit que le SNOIE va dénoncer aux autorités compétentes les actes présumés illégaux dans le domaine de la gestion des ressources naturelles. Dans le cadre de cette mission, de quels moyens financiers, matériels et humains disposez-vous pour couvrir les larges étendues de forêt que compte le Cameroun ?
Il est à noter que le SNOIE ambitionne de couvrir dans un avenir très proche l’exploitation minière en plus du secteur forestier. C’est pourquoi nous parlons de ressources naturelles.
Toutefois, il n’est pas question de couvrir tout le territoire, mais de bien faire ce qu’il y a lieu de faire avec les moyens disponibles. Par ailleurs, le SNOIE va regrouper des OSC qui font dans l’observation indépendante ; et donc chacune aura à chercher des moyens pour son fonctionnement.
Il est aussi question que le SNOIE fasse le suivi de l’exécution des décisions des autorités compétentes. Quels moyens de coercition avez-vous pour contraindre les exploitants des ressources naturelles à respecter ces décisions sur le terrain ?
Il serait prétentieux et dérisoire de croire que nous avons plus de moyens de coercition que l’administration, mais nous comptons sur le lobbying que nous mènerons en crescendo en commençant auprès des exploitants eux-mêmes.
Quels résultats espérez-vous de la mise en œuvre du SNOIE et à quelle échéance ?
Nous visons surtout un changement de mentalité pour une bonne gouvernance dans la gestion des ressources naturelles. Une gestion des ressources naturelles où toutes les parties prenantes gagnent sans que les communautés riveraines soient flouées et sans que leur ignorance soit exploitée à leur détriment.
Nous sommes convaincus que nous nous engageons là dans une course de fond parsemée d’obstacles ; mais également, nous sommes tous, en tant que OSC engagées dans le SNOIE, convaincues de la bonne cause que nous défendons, ce qui nous stimule encore plus.
avec scidev