Une grande partie des puits auxquels s’abreuvent les Bangalais sont contaminés par l’arsenic. Une pollution découverte dès 1993, mais peu de choses ont changé depuis, selon Human Rights Watch. L’association estime à 43.000 le nombre annuel de décès dus à cette pollution.
Un rapport de Human Rights Watch publié mercredi 6 avril 2016 met en lumière la contamination à l’arsenic d’une grande partie de la population du Bengladesh. Ce fléau provoquerait 43.000 décès par an. 20 millions de Bangladais seraient ainsi contaminés par la consommation de l’eau de leurs puits. L’arsenic provoque diabète, cancers de la peau, des poumons, du foie, de la vessie ou du pancréas, des maladies pulmonaires, cardiovasculaires et pulmonaires.
Les normes internationales de concentration d’arsenic dans l’eau recommandent de ne pas dépasser 10 milligrammes par litre d’eau. La norme au Bengladesh est de 50 milligrammes, comme dans le pays voisin l’Inde. Mais les concentrations relevées par HRW atteignent parfois 250 mg/l.
125.000 puits analysés
Pour rédiger ce rapport intitulé «Népotisme et négligence: l’incapacité à répondre au problème de l’arsenic dans l’eau potable des zones rurales pauvres du Bengladesh», l’ONG a enquêté entre juin et septembre dernier. 134 personnes ont été consultées et 125.000 puits analysés. Tous ces puits ont été installés par les autorités gouvernementales entre 2006 et 2012. 5% de ces nouveaux puits étaient contaminés à l’arsenic.
L’arsenic est un métal présent à l’état naturel dans l’Himalaya. Les sédiments des fleuves et des rivières en Chine et en Inde, comme le Gange ou le Brahmapoutre, en contiennent. Mais pour que l’arsenic se dissolve dans l’eau il faut des conditions particulières. Le carbone contenu dans les éléments organiques est un élément facilitateur de cette dissolution.
Au Bangladesh, deux facteurs facilitent la contamination des eaux que les habitants consomment: le creusement de bassins artificiels au fond desquels s’accumulent des matières organiques. Celles-ci libèrent le carbone qui facilite la dissolution de l’arsenic dans les eaux peu profondes. Le second est la faible profondeur des puits.
Quand le problème de la contamination des puits a été découvert en 1993, la recommandation a été de creuser des puits à plus de 50 mètres de profondeur, ce qui a, évidemment, un coût supérieur aux puits habituellement creusés dans le pays à 30 mètres de profondeur.
Une catastrophe «cinquante fois supérieure à celle de Tchernobyl
Ces puits peu profond ont été creusés dans les années 1960 pour lutter contre les épidémies de choléra et augmenter la production de riz dont ce pays surpeuplé avait terriblement besoin. Des millions de puits ont été creusés avec l’aide des ONG, ce qui a permis d’augmenter les rendements des rizières.
Quand le problème a été décelé en 1993, les puits contaminés ont été peints en rouge, et les puits sains en vert. Mais la campagne de nouveaux forages qui a été engagé ensuite a souffert de défaillances des politiques, voir des ONG et des organismes internationaux. Selon Richard Pearhouse, rédacteur du rapport, «le Bangladesh ne prend pas de mesures de base évidentes pour soutirer l’arsenic de l’eau potable de millions de pauvres villageois». Le rapport dénonce des politiques qui détournent le peu de ressources dont dispose le pays pour forer des puits dans des zones qui n’en ont pas besoin mais où habitent leurs partisans et leurs alliés politiques.
Une fois une personne contaminée, peu des soins sont possibles, la quantité d’arsenic qui s’est accumulé dans le corps ne pouvant être combattue. Selon l’OMS «il s’agit de la plus importante contamination de masse de l’histoire». Le professeur Richard Wilson de l’Université de Harvard déclarait en 2010: «la magnitude du problème est cinquante fois supérieure à celle de Tchernobyl, mais elle attire cinquante fois moins d’attention».
avec lefigaro