A la faveur du remaniement opéré par François Hollande jeudi 11 février, Ségolène Royal récupère le dossier climatique. Le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, inclut désormais « les relations internationales sur le climat ». Ségolène Royal s’était vue dépossédée de ce chantier. L’ex-ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, son meilleur ennemi au Parti socialiste, l’avait préempté lorsque la France avait été désignée en 2013 par la communauté internationale — elle était le seul pays candidat — pour présider la 21e Conférence des parties des Nations unies sur le climat (COP21).
Durant deux ans, Mme Royal avait été reléguée au second rôle dans le déroulement des négociations climatiques. En décembre 2014, à Lima, ville hôte de la COP20, les échanges entre les deux caciques du PS avaient tourné au vinaigre, le ministre des affaires étrangères se permettant par exemple cette remarque en constatant l’absence de Ségolène Royal à son point presse :« Comment se passe le tourisme de Ségolène ? »
Pour éviter de nouvelles escarmouches alors qu’approchait l’échéance décisive de la COP21, le président de la République avait pris soin de clarifier la feuille de route de chacun à la fin de janvier 2015. La ministre de l’écologie avait été chargée de « la construction d’une position européenne ambitieuse » et de « la mobilisation de la société civile » tandis que Laurent Fabius, chargé de « la responsabilité globale de la négociation multilatérale », parcourait le monde pour convaincre un à un les chefs d’Etat et de gouvernement d’avancer dans la voie d’un compromis.
Lourd dossier de l’après-COP21
Désigné président de la COP21 par les 195 Etats membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le chef de la diplomatie française avait été salué par la presse internationale comme « lecerveau » de l’accord de Paris scellé le 12 décembre 2015.
Qui gérera désormais le lourd dossier de l’après-COP21 et de l’application de l’accord de Paris, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2020 ? Tout reste à fairepour transformer cet accord de papier en instrument de lutte contre le réchauffement climatique, capable de maintenir la hausse des températures sous les 2 °C.
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Laurent Fabius, qui a quitté le gouvernement mercredi 10 février et qui devraitprendre la présidence du Conseil constitutionnel au début de mars, ambitionne derester président de la COP jusqu’à la prochaine conférence, prévue à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016. « Je conserve mon poste de président de la COP. C’est une fonction personnelle, bénévole, sans incidence ni contradiction avec l’activité gouvernementale, puisque j’ai été élu par les parties et que je ne représente pas la France », a-t-il annoncé mercredi à la presse, précisant qu’il conservait un bureau à cet effet au Quai d’Orsay. Depuis, des voix se sont élevées pour dénoncer l’incompatibilité des fonctions de président du Conseil constitutionnel avec la présidence de la COP.
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Pour Ségolène Royal, il n’y a aucune ambiguïté et, accessoirement, assez peu de place pour Laurent Fabius. « Je reprends la totalité de l’application de l’accord de la COP », a-t-elle expliqué au Monde après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement. Et son programme est d’ores et déjà très chargé. « Je prépare la séquence des Nations unies, le 22 avril à New York, [au cours de laquelle les Etats sont invités à signer l’accord de Paris sur le climat] et je vais prendre à bras-le-corps la question des énergies renouvelables en Afrique. »
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Quel avenir pour Laurence Tubiana ?
La ministre de l’environnement veut aussi « clarifier la situation avec Barack Obama », un « allié incontournable » selon elle, pour faire progresser la politiqueclimatique mondiale, après le rejet par la Cour suprême états-unienne du plan pour le climat du président.
Autre interrogation : quel avenir la ministre réserve-t-elle à LaurenceTubiana, négociatrice en chef de la France sur le climat et cheville ouvrière de la préparation de la COP21 ? Laurent Fabius en avait fait son principal atout jusqu’à la désigner, en janvier, « championne » pour le climat. Elle est, jusqu’à présent, chargée de maintenir la dynamique enclenchée par l’accord de Paris. Les relations délétères entre les deux femmes ne sont un secret pour personne.
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Outre le climat, la ministre veut faire de la mer — qui apparaît dans le nouvel intitulé du ministère — une des priorités pour l’année restante avant l’élection présidentielle. Le remplacement du mot « écologie » par celui d’« environnement » est une bonne chose selon Mme Royal. « L’environnement, c’est beaucoup plus large que l’écologie, cela englobe toutes les relations entre l’humain et son espace », explique la ministre qui, avec l’arrivée de Barbara Pompili, nommée secrétaire d’Etat à la biodiversité, hérite d’un deuxième secrétariat d’Etat sous sa tutelle — avec le poste maintenu d’Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé destransports, de la mer et de la pêche.
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