Un arrêt cardiaque peut paraître subi mais, dans la moitié des cas, plusieurs symptômes avant-coureurs se manifesteraient durant les semaines précédentes, selon une étude franco-américaine publiée début janvier 2016 dans Annals of Internal Medicine.
Chaque année, environ 120.000 Français font une crise cardiaque, entraînant 50.000 décès (dont 12.000 lors d’un infarctus du myocarde).
Ces arrêts cardiaques sont “vécus comme une fatalité”, constatent des chercheurs de l’Inserm. Or, on aurait tort de croire que “rien ne peut prédire, à court terme, le risque d’arrêt cardiaque”. “Plus de la moitié des patients qui meurent subitement [d’une crise cardiaque] auraient des signes avant-coureurs [dans le mois qui précède], ce qui laisserait largement le temps d’intervenir”, détaillent-ils dans une étude publiée le 5 janvier dans la revue Annals of Internal Medicine.
En collaboration avec un institut californien, le Centre d’expertise mort subite de l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, a cherché à retracer les dernières semaines de la vie de 839 personnes ayant fait un arrêt cardiaque (parmi lesquels 96 survivants), en interrogeant leurs proches et en analysant en détail leurs dossiers médicaux et hospitaliers.
Le symptôme le plus fréquent (46% des cas), qui est probablement le mieux connu du grand public, est celui d’une douleur dans la poitrine (“angine de poitrine”). Selon Eloi Marijon, coordinateur de ces travaux, “dans deux cas sur trois, les douleurs de la poitrine [sont] caricaturales d’un problème cardiaque, avec une douleur intense en étau“. Elle se manifeste parfois par une difficulté à supporter la position couchée.
Mais l’étude insiste sur d’autres signes d’alerte importants. Le premier (18%) est l’essoufflement d’effort, c’est-à-dire une difficulté à respirer qui se manifeste dès qu’un effort est entrepris. Ce symptôme apparaît généralement “quelques jours avant” l’arrêt cardiaque, et persiste jusqu’à la crise. Autre signe avant-coureur courant (6% des cas) : despertes de connaissances, qui sont généralement intermittentes.
D’autres symptômes sont évoqués, mais ceux-ci sont communs à beaucoup d’autres pathologies, et semblent donc de mauvais indicateurs d’un risque cardiaque (par exemple, divers symptômes “évoquant une grippe”, dans 10% des cas). Interrogé par Allodocteurs.fr, le Dr Marijon note que “les personnes présentant une insuffisance cardiaque évoluée peuvent présenter un gonflement des pieds, des chevilles”, mais ce critère ne s’appliquant qu’à une petite fraction de la population, l’étude de la mentionne pas explicitement.
Dans 93% des cas, les symptômes avant-coureurs significatifs se manifestaient de nouveau dans les 24 heures précédant l’arrêt cardiaque.
Trop peu de patients appellent les Urgences
Les auteurs notent que moins d’un patient sur cinq (généralement, du fait d’antécédents cardiaques ou de douleurs thoraciques) a le réflexe d’appeler les Urgences pour faire part de ces symptômes. Or, le taux de survie chez les personnes qui ont préalablement pris contact avec un urgentiste est cinq fois supérieur (de l’ordre de 30%, contre 6% chez ceux qui négligent leurs symptômes).
Comme le rappelle l’Inserm dans un communiqué, la prévention de la mort subite est, jusqu’à présent, essentiellement basée “sur la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires” et l’implantation de défibrillateurs chez les patients les plus à risque. Pour le Dr Marijon, les données issues de l’étude qu’il a cosignée “doivent motiver la communauté médicale à développer une nouvelle stratégie de prévention [permettant d’identifier les sujets à risque d’arrêt cardiaque à court terme].” Des recherches complémentaires doivent encore être menées pour affiner la connaissance des symptômes avant-coureurs les plus caractéristiques.
Source : Warning Symptoms Are Associated With Survival From Sudden Cardiac Arrest. E. Marijon et al. Ann Intern Med. 2016; doi:10.7326/M14-2342