Cinq femmes scientifiques du monde en développement ont reçu des récompenses internationales pour des travaux de recherche qui favorisent le développement socio-économique et une meilleure qualité de vie.
Les prix, fruit d’un partenariat entre la Fondation Elsevier et l’Organisation des Femmes de Science pour le Monde en Développement (OWSD – Organization for Women in Science for the Developing World) ont été décernés lors de la réunion annuelle de l’Association Américaine pour l’Avancement des Sciences (AAAS), qui a eu lieu à Austin, au Texas, du 15 au 19 février.
Hasibun Naher du Bangladesh, Germaine Djuidje Kenmoe du Cameroun, Silvia González Pérez de l’Equateur, Dawn Iona Fox de la Guyane et Witri Wahyu Lestari de l’Indonésie ont chacune reçu un prix en espèces de 5.000 $ US (près de 3 millions de Francs CFA) pour leur travail.
“Si elles ont des opportunités et du soutien, les femmes du monde en développement peuvent devenir des leaders dans leurs domaines.”
Jennifer Thomson
Hasibun Naher a été reconnue pour son travail sur la simulation informatique des tsunamis ; Djuidje Kenmoe, pour l’étude du frottement et de l’usure moléculaires pour améliorer l’efficacité énergétique ; González Pérez, pour la modélisation moléculaire de nouveaux matériaux durables ; Dawn Iona Fox pour son travail sur la conversion des déchets en matériaux à valeur ajoutée et Witri Wahyu Lestari pour ses recherches sur la synthèse d’armatures organométalliques pour diverses applications en médecine ou en protection de l’environnement.
La présidente de l’OWSD, Jennifer Thomson, a déclaré que les femmes distinguées par le prix “montrent que, si elles ont des opportunités et du soutien, les femmes du monde en développement peuvent devenir des leaders dans leurs domaines”.
Toutes les femmes n’ont pas la possibilité de le faire. Selon les données de 2015 de l’UNESCO, les femmes dans une grande partie du monde sont confrontées à des obstacles sociaux, politiques et économiques qui les empêchent de consacrer leur vie professionnelle à la science – mais celles qui vivent dans les pays en développement peuvent faire face à d’autres obstacles.
La pauvreté, par exemple, est fortement liée à l’inégalité d’accès à l’enseignementsecondaire, ce qui peut empêcher les femmes d’obtenir un diplôme universitaire dans presque tous les domaines.
Un autre obstacle est lié à la culture et aux traditions qui maintiennent les inégalités entre les hommes et les femmes. Selon un rapport de l’UNESCO de 2017, les parents ayant des croyances plus traditionnelles sur les rôles de genre ont tendance à décourager leurs filles d’embrasser une carrière scientifique.
“Pour devenir scientifique dans un pays en développement, une femme doit être créative et engagée”, a déclaré Djuidje Kenmoe, lauréate camerounaise du Prix OWSD-Elsevier, à SciDev.Net. Cela, a-t-elle ajouté, est dû au fait qu’en plus du travail académique, elle sera souvent “liée à des responsabilités et à des devoirs sociaux et familiers.”
Cela souligne l’importance d’un prix spécifique aux femmes scientifiques qui vivent et travaillent dans les pays en développement, affirme Hortensia Moreno, chercheuse à l’Université nationale autonome du Mexique et spécialiste des études de genre.
Selon Hortensia Moreno, ce prix souligne la nécessité de promouvoir la présence des femmes scientifiques dans des domaines scientifiques dont elles pourraient avoir été exclues – aussi bien de manière formelle, par exemple à travers des mesures de nature à limiter leurs études ou leur entrée dans la vie universitaire, que de manière symbolique, par le biais de “mythes, stéréotypes et discours qui nourrissent la fausse notion que les femmes n’ont pas d’aptitude pour la science”.
Djuidje Kenmoe estime que la science et l’éducation peuvent promouvoir le changement dans sa communauté. C’est pourquoi une partie de son travail consiste à convaincre les familles qu’elles “devraient offrir aux filles les mêmes opportunités qu’elles offrent aux garçons. Les filles doivent savoir que lorsqu’elles ont un emploi, elles peuvent être financièrement indépendantes et avoir un pouvoir important dans les décisions familiales.”
Selon Hortensia Moreno, ces prix reflètent également les intérêts des organisations qui les accordent. Elles peuvent “légitimer le pouvoir économique”, mais elles ont aussi de la valeur, car “elles permettent une distribution, même minimale, de la richesse”.
Par ailleurs, la Fondation Elsevier a été fortement critiquée par les communautés scientifiques de plusieurs pays européens, qui versent des sommes importantes pour publier et accéder à des articles publiés dans des revues qu’elle contrôle.
À la fin de l’année dernière, 200 institutions académiques allemandes ont annulé leurs abonnements à la maison d’édition, dans le cadre d’une campagne de négociation nationale qui offre des paiements plus équitables pour leurs publications et un accès ouvert aux institutions qui les produisent.