Transparency International vient de publier, le mercredi 21 février, son édition 2018 de l’Indice de perception de la corruption (IPC). Bien que le fléau continue de gangrener les économies africaines, le rapport qui se base sur les données de l’année 2017 met en lumière quelques signes positifs qui vont dans le sens d’une prise en compte réelle de l’ampleur du phénomène sur le Continent et des moyens mis en œuvre pour freiner son expansion. Au-delà du classement, le défi pour les pays africains est de gagner la bataille contre la corruption. Un chantier qui nécessite de l’engagement politique et surtout du leadership.
Le rapport sur l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency international, dont l’édition 2018 a été dévoilée ce mercredi à Berlin et dans plusieurs capitales africaines, a cette année une connotation particulière sur le Continent. L’année 2018 a été en effet placée sous le thème de la lutte contre la corruption par l’Union africaine (UA), lors du dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’est tenu fin janvier dernier à son siège d’Addis Abeba.
Lors de la présentation du rapport, les responsables de l’ONG internationale ont d’ailleurs fait cas de l’engagement des pays africains à combatte ce fléau qui a pris des proportions endémiques dans certains pays et qui peut s’appuyer sur l’importante base de données contenue dans le document pour accompagner la mise en œuvre de la stratégie continentale, confiée au président nigérian Muhammadu Buhari. «Alors que l’UA met en place son plan, c’est un moment important pour l’Afrique de faire le point sur la situation actuelle», estime le rapport qui a mis en évidence le fait qu’à certains égards, «l’IPC indique un avenir plus prometteur pour l’Afrique».
Le document cite en exemple les cas du Rwanda et du Cap-Vert où les résultats montrent que «la corruption est gérable avec des efforts soutenus». De même, le rapport a mis en évidence le fait que des investissements anti-corruption à long terme, comme en Côte d’Ivoire ou au Sénégal, «sont également en train de porter leurs fruits».
D’un autre côté cependant, le rapport relève que «s’attaquer à la corruption reste une tâche herculéenne pour certains pays». C’est le cas de ceux qui se trouvent en bas de l’indice, comme le Soudan du Sud et la Somalie, des pays fragiles et en crise politique et sécuritaire.
Des progrès notables
Comme chaque année depuis 2015, le rapport s’accompagne du classement des pays en fonction de leurs notes et constitue l’aspect phare de l’IPC. Le document comporte également une partie qui analyse les données selon les régions et cette année, pour le continent, Transparency a estimé qu’en dépit d’être la région la moins performante dans son ensemble, «l’Afrique a plusieurs pays qui repoussent systématiquement la corruption, et avec des progrès notables».
Certains pays africains obtiennent même de meilleurs résultats que certains pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est plus précisément le cas du Botswana, des Seychelles, du Cap-Vert, du Rwanda et de la Namibie qui ont obtenu de meilleurs résultats sur l’indice que certains pays de l’OCDE comme l’Italie, la Grèce et la Hongrie. En outre, détaille le rapport, le Botswana et les Seychelles, qui obtiennent respectivement 61 et 60 points, font mieux que l’Espagne avec 57 points.
«L’ingrédient clé que les pays africains les plus performants ont en commun est le leadership politique qui est constamment engagé dans la lutte contre la corruption. Alors que la majorité des pays ont déjà mis en place des lois et des institutions de lutte contre la corruption, ces pays leaders font un pas de plus pour assurer leur mise en œuvre», cite le rapport.
Le rapport de Transparency souligne que de l’application stricte par le président Paul Kagamé du code de conduite au Rwanda, à la promotion ouverte du président Jorge Fonseca de la transparence institutionnelle dans l’approche innovante du Cap-Vert ou du président Ian Khama avec sa stratégie de lutte contre la corruption au Botswana, «ces pays ont appris mieux dans leurs communautés et poursuivi ces tactiques avec engagement». D’autres pays comme la Côte d’Ivoire, Maurice ou le Sénégal ont également amélioré leurs scores grâce aux efforts consentis par les autorités en matière de lutte contre le fléau.
La Côte d’Ivoire a augmenté son score de neuf (9) points de 2013 à 2017, passant de 27 à 36 sur l’indice. «Dans un pays où les communautés sont lourdement accablées par la corruption, le gouvernement fait de grands progrès pour atténuer ce problème», rapporte le document qui cite qu’au cours de son premier mandat, le président Alassane Ouattara a rapidement donné suite à ses promesses électorales à travers l’adoption d’une loi sur la prévention et la répression de la corruption et la mise en place d’une autorité nationale de lutte contre la corruption.
De même, au Sénégal, où le score est passé de 36 à 45 au cours des six dernières années, «les efforts de lutte contre la corruption se sont également améliorés», met en avant le rapport. «Peu de temps après son entrée en fonction en 2012, le président Macky Sall a mis en place un ministère de la bonne gouvernance et un bureau national contre la fraude et la corruption (OFNAC)», souligne le document qui ajoute aussi le rétablissement, entre autres mesures, de la Cour du Sénégal pour la répression de l’enrichissement illicite (CREI).
Pays fragiles, le côté sombre du tableau
Malgré l’amélioration des efforts de lutte contre la corruption dans certains pays, la situation continue de s’aggraver dans quelques autres, a mis en évidence par ailleurs le rapport.
«Les pays les moins performants de l’indice sont souvent ceux où il y a conflit ou guerre. Réduire la corruption dans ces contextes est particulièrement difficile. La nature fragile des gouvernements dans ces situations présente un réel défi pour apporter des changements significatifs».
C’est le cas particulièrement des pays fragiles qui sont en crise politique ou sécuritaire en plus de certains pays qui obtiennent de mauvais résultats et qui sont dirigés par «des dirigeants africains qui se présentent à un poste de lutte contre la corruption, mais ne tiennent jamais leurs promesses d’offrir des services sans corruption à leurs citoyens».
Transparency International a par conséquent appelé à l’action, un défi pour le Continent. «Dans sa quête pour gagner la lutte contre la corruption, l’UA devra demander à tous ses dirigeants un engagement visible en faveur de la lutte contre la corruption», recommande l’ONG qui demande aussi à l’organisation continentale d’investir dans des pays qui luttent contre la corruption et montrent peu ou pas de progrès. Il s’agit des pays comme le Malawi et la Guinée-Bissau qui continuent de diminuer de manière significative, ainsi que des pays comme la Somalie et le Soudan du Sud qui se situent en bas du classement et font face à des défis de gouvernance importants, selon le rapport.
Il convient de rappeler que l’IPC attribue à chaque pays une note qui reflète le niveau de la corruption, définie par l’ONG comme «l’abus d’une charge publique à des fins d’enrichissement personnel», tel que perçu par les citoyens. Chaque pays est ensuite classé en fonction de la note obtenue. Le rapport constitue une référence dans le domaine de la lutte contre la corruption et est pris en compte par les investisseurs et des partenaires financiers internationaux, comme le FMI, la Banque mondiale ou la BAD.
Cette année, l’indice a classé 180 pays et territoires selon leurs niveaux perçus de corruption au sein du secteur public, sur la base d’appréciations d’experts des secteurs privés et publics. La Nouvelle-Zélande et le Danemark obtiennent les meilleures notes alors que la Syrie, le Soudan du Sud et la Somalie se situent en bas de l’échelle.
Avec latribuneafrique