Le groupe dirigé par Stéphane Richard a bien l’intention de monter une vraie banque et va clairement s’en donner les moyens. À tel point que le secteur pourrait vivre une mini révolution, selon un expert.
Orange a bien l’ambition de devenir une véritable banque et de ne pas s’en tenir au paiement mobile. Le groupe a les armes pour sérieusement bousculer le secteur bancaire français.
Un banquier qui a conseillé Orange il y a quelques semaines raconte ainsi la scène suivante: “Imaginez un jeune gars qui rentre dans une boutique Orange parce qu’il veut le dernier iPhone. Il va casser sa tirelire, il le sait. Et là il se retrouve face à un commercial qui va lui proposer l’appareil quasi-gratuit s’il ouvre un compte bancaire. Vous croyez qu’il va hésiter longtemps?”
En fait beaucoup de banquiers ont été sollicités, testés, interrogés par Orange. Ils témoignent de la volonté de l’opérateur de monter une vraie banque, offrant absolument tous les services des réseaux bancaires classiques. “On peut tous voir que les agences bancaires sont vides, alors que les boutiques Orange sont pleines, avec à l’intérieur des commerciaux qui savent vendre”, affirme un banquier parisien.
90% des services bancaires proposés
Orange nous confirme d’ailleurs en partie cette volonté: “nous allons couvrir dès le début 90% des services bancaires, en ciblant d’abord la clientèle jeune”. Le crédit immobilier, l’une des clés du profit des banques, ne fera pas partie de l’offre de départ, mais il est clairement déjà programmé.
Pour l’instant, le seul élément qui déroute les experts, ce sont les premiers choix techniques rendus publics par l’opérateur, à commencer par le choix de Groupama Banque.”Quand vous soulevez le capot vous trouvez un moteur de 2 CV, je ne vois pas où ils vont aller avec ça”, affirme un banquier très critique.
Un choix qui doit toutefois s’analyser en sachant d’abord qu’Orange n’a sans doute pas eu le choix. La volonté de monter une réelle banque excluait un partenariat avec Axa ou Boursorama, des options qui ont été sérieusement étudiées. La volonté d’aller vite excluait néanmoins de partir d’une feuille blanche.
Mais surtout, Orange héberge dans son technocentre les moyens de transformer cette 2CV en Ferrari. En banlieue parisienne, à 10 stations de métro des quartiers bancaires cossus, se trouvent ainsi les incubateurs d’Orange, les start uppers les plus avancés en matière de “fintech” (les start up de la finance). Orange peut quasiment tester en temps réel les innovations les plus révolutionnaires.
Un ingrédient manquant
Mais l’opérateur télécoms va aussi s’entourer de banquiers séniors. “On va recruter une équipe de choc, mais on n’a pas besoin d’énormément de monde, ils sont déjà 500 chez Groupama banque”, assure une source interne. D’ores et déjà un banquier réputé, Laurent Paillassot, 50 ans, ancien directeur général délégué de LCL est à la manœuvre, sous le titre obscur de directeur général adjoint en charge de l’expérience client et du mobile banking.
Les banquiers parisiens que nous avons interrogés admettent que les avances d’Orange sont très tentantes.”Beaucoup de gens ont envie d’y aller, on sent qu’il va se passer quelque chose”, affirment l’un d’entre eux.
Manque toutefois un ingrédient, et c’est maintenant là-dessus que va se concentrer la puissance du lobbying d’Orange: la portabilité du compte bancaire, soit la possibilité de changer de banque en gardant son numéro de compte, comme on le fait pour le téléphone mobile. Pour l’instant les banquiers freinent les ambitions affichées de Michel Sapin sur ce sujet, mais la volonté du gouvernement d’avancer sur le dossier est manifeste.
“Un bain de sang” à venir?
Orange offre une alternative et surtout une opportunité de concurrence réelle dans un monde bancaire très policé. La portabilité du numéro est un ingrédient important, mais sans doute pas indispensable si l’on se positionne comme deuxième banque ou comme banque des jeunes.
Un nouveau compte sur trois est ouvert aujourd’hui dans une banque en ligne, le nombre de clients qui utilisent internet et le mobile pour leurs opérations bancaires a augmenté de 50% sur un an.
“Le client peut percevoir une offre innovante, sécurisée et à moindre coût, une aubaine lorsque les banques classiques viennent d’annoncer 2 à 3 euros de frais de tenue de compte fixes et mensuels qui s’ajoutent aux 200 euros de frais bancaires annuels moyens” écrivent les experts de CGI, société spécialisée dans les services informatiques bancaires.
“Tout est réuni pour que ce soit un bain de sang si les banques classiques ne se réveillent pas très très vite, et franchement je ne vois pas comment elles peuvent le faire tant leurs problèmes internes sont importants”, juge un banquier parisien. Orange pourrait ainsi bien très vite jouer dans le monde bancaire le rôle de Free dans celui du téléphone mobile.
avec bfmbusiness