Colère dans les rangs de l’ex-coalition qui l’a porté au pouvoir. Alors que la Gambie célèbre ce dimanche le 53ème anniversaire de son indépendance tout comme l’investiture d’Adama Barrow, le débat fait rage. Le président de la Gambie post Yahya Jammeh cultive le doute et l’ambigüité sur sa promesse de ne faire que 3 ans au State House, le palais présidentiel. Le flou est aussi total sur la limitation du nombre de mandats.
Un an jour pour jour. Rentré d’un exil éphémère au Sénégal le 18 février 2017, Adama Barrow était investi des pleins pouvoirs pour diriger la « Nouvelle Gambie » après une crise post électorale qui aura tenu le monde entier en haleine. Une investiture faste pour rattraper la pâleur d’une prestation de serment dans l’enceinte exiguë de l’Ambassade de Gambie à Dakar.
Un voile opaque d’incertitudes sur une présidentielle anticipée
Un an après, les dix mois d’anxiété passés, Adama Barrow a rejoint le State House, le palais présidentiel que l’on disait miné -mystiquement aussi- par son fantasque prédécesseur. Alors, lorsque la Gambie célèbre ce dimanche les 53 ans de son indépendance arrachée à l’Angleterre, beaucoup s’attendaient à un discours d’Adama Barrow pour évoquer son avenir politique, un an après son investiture. Mais, c’est un voile opaque d’incertitudes qui accompagne les promesses politiques d’avant son élection.
Fin 2016, lors d’un congrès exceptionnel pour l’époque, sept partis d’opposition décident d’affronter Yahya Jammeh avec un candidat unique. En l’absence d’Usainu Darboe, opposant historique emprisonné du Parti démocrate unifié (UDP), Adama Barrow, son trésorier est choisi. Le congrès d’opposants décide que s’il est élu, le candidat de l’opposition ferait un mandat de trois ans avant d’organiser une présidentielle anticipée pour remettre tous les partis sur la ligne de départ de la course au palais. Adoubé presque par ovation, Adama Barrow accepte.
Plus d’un an après, une fausse note semble s’être glissée dans la symphonie du désormais président de la Gambie. Adama Barrow élude la question de la présidentielle anticipée. Le goût pour les sirènes du pouvoir ? Au sein de la majorité présidentielle, l’on pose l’argument d’une violation de la constitution gambienne par un président qui déciderait de limiter de lui-même son mandat en convoquant une présidentielle anticipée.
Adama Barrow, sur les pas de Jammeh?
A vrai dire, entre le marathon de la formation de son gouvernement avec la nomination anticonstitutionnelle de sa vice-présidente, la traque des biens et proches de Yahya Jammeh, les législatives, la sécurisation du pays et la refonte de l’armée Adama Barrow n’a pas vraiment eu le temps de gouverner la Gambie. Sans expérience politique, le nouveau président s’est contenté d’un rôle presque représentatif sans mesures fortes. Un argument que reprend à son compte son camp pour indiquer qu’Adama Barrow devrait poursuivre ses chantiers pour les 5 ans gravés dans la constitution.
Colère dans les rangs des autres partis de la coalition. Pour ceux-ci, le non-respect de la promesse de la présidentielle anticipée est synonyme d’une trahison politique de l’accord entre opposants par l’ex-candidat. Pour prolonger le raisonnement, d’autres font remarquer que celui qui ne s’est pas pressé à inscrire dans la constitution, le verrou de la limitation du nombre de mandat, ne serait pas pressé de quitter le pouvoir au bout de 3 ans.
En tout cas, les premiers coups ont déjà commencé à pleuvoir. Certains rappellent qu’avec l’arrestation de l’universitaire Ismaila Ceesay pour « incitation à la violence » pour une interview, la traque des dignitaires de l’ancien régime qui a épargné des soutiens de Barrow, les interdictions de marches, Adama Barrow marche dangereusement dans les pas de Yahya Jammeh. Paroles de frustrés pour une promesse non tenue ? Bien décidé à rester au pouvoir, Adama Barrow semble refaire le confort de son assise sur le fauteuil de président. Fauteuil depuis lequel, il répète peut-être: « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » !
Avec latribuneafrique