« Tout ce qui s’assemble se ressemble », dit-on souvent. Cet adage trouve son illustration parfaite dans le traitement réservé à la démocratie dans la partie centrale et orientale de l’Afrique. En effet, tous les pays appartenant à cet espace géographique, à l’exception de la Tanzanie, s’offrent en spectacle au monde en matière de coup de poignard porté à la démocratie.
Après Pierre Nkurunziza et Denis Sassou Nguesso qui ont opéré un passage en force pour s’accrocher au pouvoir et pendant que Joseph Kabila, bistouri en main, s’apprête à charcuter la Constitution de son pays pour s’éterniser dans son palais, c’est au tour de l’homme mince de Kigali, Paul Kagamé de contracter le virus de la « tripatouillite » en organisant un référendum le 18 décembre dernier, où quelque 6,4 millions de Rwandais avaient été conviés à répondre par oui ou par non à la question suivante : « Etes-vous d’accord avec la Constitution de la République du Rwanda telle que révisée pendant l’année 2015 ?
Les résultats doivent susciter la colère de tous les démocrates du monde
En rappel, divers articles avaient été modifiés en novembre dernier par le parlement. Mais les deux changements cruciaux concernent les articles 101 et 172 qui autorisent Paul Kagamé à se maintenir au pouvoir pendant 17 années supplémentaires, soit jusqu’en 2034. Et comme l’on pouvait aisément imaginer l’issue du scrutin, la réforme constitutionnelle a obtenu 98,3% pour le « oui » contre 1,7% pour le « non », selon les résultats officiels. Ce référendum et ce score à la soviétique suscitent deux types de réactions. Le premier est que l’on peut se permettre d’en rire.
En effet, ce scrutin est l’aboutissement d’une vaste comédie dont seules les Républiques bananières ont le secret. Le premier acte de cette comédie est lié au fait que la révision avait été présentée comme une initiative populaire. 3,7 millions de Rwandais ayant, selon le gouvernement, spontanément demandé par pétition le maintien au pouvoir de Kagamé. Le deuxième acte avait été l’entrée en scène du parlement pour réviser la Constitution pour, avait-il soutenu, être en phase avec les aspirations profondes du peuple rwandais.
L’épilogue de cette comédie a été ce référendum dont les résultats (98%) doivent susciter la colère de tous les démocrates du monde. Sacré Kagamé ! Peut-on s’exclamer. Car, en matière de mise en scène, cet homme est un orfèvre. Et il n’est pas le seul. Tous les dictateurs et autres pouvoiristes qui écument nos tropiques peuvent revendiquer cette compétence.
Tous, invariablement, pour s’accrocher au pouvoir, chantent d’abord la même musique dont les paroles peuvent être résumées à ce qui suit : « Nous ne modifions pas la Constitution parce que nous aimons le pouvoir. Nous y sommes contraints parce que le peuple nous le demande. Et ce serait manquer à un devoir que de ne pas y répondre favorablement ».
Après avoir, toute honte bue, fredonné cette chanson, ils font recours à leur arme infaillible, c’est-à-dire le référendum, pour aller au bout de leur plan. C’est ce à quoi l’on vient d’assister au pays des mille collines. Le deuxième type de réaction que le référendum rwandais doit susciter de la part des démocrates dignes de ce nom est la consternation. Ceux-ci, en effet, doivent écraser une larme de compassion pour le peuple rwandais.
La dictature de Kagamé a de beaux jours devant elle
Car celui-ci a toujours été exposé à toutes sortes de calamités et d’excès de la part de ses gouvernants. Hier, c’était le génocide qui avait fait, tenez-vous bien, 800 000 morts. Aujourd’hui, il ploie sous la dictature implacable de Paul Kagamé et de son parti, le Front patriotique rwandais (FPR) aux affaires depuis 1994.
Et au rythme où vont les choses, l’on peut parier sans grand risque de se tromper que Paul Kagamé sera toujours aux commandes de ce pays jusqu’à ce que la nature en décide autrement. Certes, sous sa gouvernance, le quotidien du Rwandais s’est amélioré, des infrastructures ont été réalisées à travers tout le pays.
Mais l’on peut objecter à tous ceux qui brandissent cette performance économique de l’homme mince de Kigali pour justifier son maintien au pouvoir pour des siècles et des siècles, que ce qui est essentiel pour tout Homme est d’abord la liberté. C’est cette valeur qui peut lui permettre de libérer son génie créateur pour relever tous les défis qui se présentent à lui. Or, cette denrée est rarissime au Rwanda. Sous Kagamé, en effet, deux possibilités s’offrent aux Rwandais.
Soit ils reprennent en chœur l’évangile selon Saint Paul Kagamé et ce, sans le moindre lapsus ; soit ils prennent le chemin de l’exil. Ainsi fonctionne le royaume de Paul Kagamé. Et pour maintenir les choses en l’état, le maître absolu de Kigali n’hésite pas à pointer du doigt la responsabilité de la communauté internationale dans le génocide dont son pays avait été victime en 1994.
C’est pourquoi celle-ci s’interdit de se comporter en donneur de leçon face aux excès de l’homme fort de Kigali, comme elle le ferait vis-à-vis des autres dictateurs d’Afrique. Dans ces conditions, l’on peut dire que la dictature de Kagamé a de beaux jours devant elle. De fait, l’on peut avoir envie simplement de dire, quitte à écorcher l’orgueil des Francophiles, ceci : Kagamé forever !
avec lecongolais