Le gouvernement allemand envisage d’instaurer la gratuité des transports en commun urbains pour lutter contre la pollution. La maire de Paris pense que c’est “la bonne idée”, tout en précisant qu’une telle mesure demande de “réfléchir au modèle économique qui puisse [la] soutenir”.
Épinglée par Bruxelles pour son niveau de pollution, l’Allemagne envisage la possibilité d’instaurer la gratuité des transports en commun. L’idée est d’inciter les automobilistes à ne plus utiliser systématiquement leur véhicule et à prendre bus, tram et métro, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre.
“Je pense que c’est la bonne idée, la bonne piste”, a confié la maire de Paris, Anne Hidalgo, au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV ce jeudi, tout en rappelant qu’elle n’a “pas la main” sur les transports publics qui est une compétence de la région.
Quand c’est “gratuit, il y a forcément quelqu’un qui paye”
La gratuité des transports en commun urbains est une idée à la mode, surtout depuis que la ville de Tallinn en Estonie est devenue la première capitale à l’instaurer en 2013. En revanche, son financement fait toujours autant débat. A l’absence des recettes issues de la vente de tickets et d’abonnements, qui va payer la note?
Outre-Rhin, la question a d’ailleurs été très vite posée par les professionnels du transport public. “Le gouvernement fédéral doit dire comment il veut financer cela”, a prévenu Michael Ebling, président d’une fédération de régies communales (VKU).
“Quand on dit que quelque chose est gratuit il y a forcément quelqu’un qui paye”, a rappelé Anne Hidalgo. Instaurer la gratuité des transports implique de “réfléchir au modèle économique qui puisse [la] soutenir”.
Tickets et abonnements assurent 28% du financement des transports en commun en Île-de-France
En France, 24 collectivités ont instauré la gratuité totale ou partielle de leur réseau, selon le Groupement des autorités responsables de transport (GART). Parmi elles, trois ont plus de 100.000 habitants, à savoir la ville d’Aubagne, la communauté d’agglomération du Muretain (Haute-Garonne) et Niort Agglo.
Cette dernière a sauté le pas en 2017. Les tickets et abonnements représentaient 10% du financement des transports en commun, qui s’élève à 15 millions d’euros. En Île-de-France, les usagers financent 28% du coût de fonctionnement du réseau, sur montant annuel de 10 milliards d’euros. En France, la moyenne est de 17%, d’après les chiffres du GART.
Les premiers contributeurs sont les entreprises
À Niort, l’ardoise était d’autant plus facile à effacer que plusieurs grandes mutuelles (Maif, Maaf, etc.) y ont leur siège social. Pour mémoire, les entreprises doivent s’acquitter d’un « versement transport », un impôt destiné au financement du réseau. Le montant est fixé en fonction de la masse salariale de la société et de la taille de l’agglomération. En France, cette contribution assure en moyenne 47% du financement des transports en commun. La grande majorité du financement est assurée par les entreprises et les collectivités territoriales (35%).
Enfin, la participation de l’État, ne représente en revanche que 1%. En Allemagne, la situation budgétaire est différente. “Elle peut s’offrir la gratuité des transports avec ses excédents”, note Yves Crozet, spécialiste de l’économie des transports. “Les communes concernées demanderont certainement à l’État fédéral de payer”, si Berlin leur impose la gratuité.
Stratégies différentes
D’une manière générale, la tarification des transports en commun répond à des logiques différentes selon les territoires. Si, en France, ce sont surtout des villes moyennes qui l’appliquent, c’est inciter les automobilistes à délaisser leur voiture pour emprunter des bus sous-utilisés. En Île-de-France, la fréquentation a augmenté de 10% entre 2010 et 2016. La demande est déjà amplement suffisante.
À Paris uniquement, seuls 37% des ménages disposent d’un véhicule, le taux d’équipement le plus faible de France. Les transports en commun font partie de leur quotidien, baisser le prix n’aura pas un grand impact. En revanche, à l’échelle de la Région, deux ménages sur trois ont une voiture. Modifier les tarifs pourraient par exemple être utile pour attirer plus d’automobilistes en grande couronne.
La politique tarifaire, seule, a une efficacité limitée. La gratuité des transports “ne fera pas baisser le nombre de voitures ou la pollution, sauf si cela est accompagné d’un péage ou d’interdictions”, assure Yves Crozet.
Quoi qu’il en soit, Anne Hidalgo trouve l’idée “très inspirante”, tout en prévenant que “ce n’est pas demain, ce n’est pas dans cinq ans, soyons clairs.” En attendant, le Pass Navigo sera gratuit pour les Parisiens de plus de 65 ans touchant moins de 2200 euros dès le mois de juin.
Avec bfm