Sans « mégaphone », la Turquie s’implante sur le Continent. Discrète mais efficace, l’offensive d’Ankara s’appuie sur un plan de bataille bien préparée par le patronat soutenu par la diplomatie. Mais le déploiement de la Turquie en Afrique, c’est d’abord une lutte pour accroître ses parts sur le marché africain. A l’horizon 2022, la Turquie veut porter ses échanges commerciaux à 100 milliards de dollars. Et les rencontres et sommets s’enchaînent pour atteindre cet objectif.
En 2016, le consortium turc Summa et Limmak Holding a raflé la fin des travaux au groupe saoudien Binladin Group(SBG), aux prises avec l’Etat sénégalais sur un avenant pour la construction du nouvel aéroport. La colère dans les sphères économiques à Riyad n’y change rien. La holding turque est gestionnaire de l’aéroport pour 25 ans.
De 100 millions de dollars en 2000 à 100 milliards en 2022
Cette victoire illustre bien l’ambition d’une Turquie embusquée pour la moindre opportunité économique ou commerciale sur le Continent. Réunion après conférence, le pays de Recep Tayyip Erdoğan veut tirer parti de sa présence en Afrique. Au milieu des puissances qui se découvrent une vocation africaine, la Turquie n’entend pas jouer les seconds rôles. Ankara étoffe sa voilure et prépare la suite de son débarquement sur le marché africain.
Dans un alliage qui mêle diplomatie et économie, la dernière illustration de cette volonté d’Ankara est la deuxième conférence ministérielle de suivi Turquie-Afrique organisée par l’Union africaine(UA) et le ministère des Affaires étrangères turc, ce 12 février à Istanbul. Réunion au sommet pour renforcer la présence économique turque en Afrique.
Qualifiée de « fructueuse » par le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, la rencontre turco-africaine d’Istanbul devrait être la rampe de lancement pour la Tuskon, le patronat de la Turquie, afin « accroître ses investissements et ses relations avec l’Afrique ». Et ce n’est pas le chéquier qui les fera reculer.
En s’appuyant sur la cinquantaine de dessertes africaines de Turkish Airlines, les actions de la Tika, son agence de développement, son réseau d’une quarantaine de représentations diplomatiques et sa présence militaire accrue, la Turquie entend gagner plus de parts de marchés sur le Continent. Dans les années 2000, les échanges commerciaux avec l’Afrique dépassaient à peine 100 millions de dollars.
Ce temps est désormais révolu. Dans ses 24 visites sur le Continent au cours desquelles il embarque les hommes d’affaires turcs, Recep Tayyip Erdoğan a placé la Turquie sur l’échiquier des puissances commerciales étrangères en Afrique avec des échanges qui atteignent aujourd’hui 20 milliards de dollars.
Une segmentation sous-régionale appelée à se généraliser
Dans la foulée des tournées africaines du président turc, ce trend haussier devrait se poursuive à la faveur de l’offense des entreprises turques dans le BTP, le textile, l’agroalimentaire, la transformation, la santé et même l’électronique. L’ambition de la Turquie est de porter à 100 milliards dollars, la valeur de ses échanges commerciaux avec l’Afrique à l’horizon 2022.
Le projet a déjà emprunté le chemin de la réussite avec une stratégie bien étudiée pour une conquête par région géographique. Après cette réunion à Istanbul, l’on s’achemine les 12 et 13 février vers le Premier Forum économique entre la Turquie et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO), décrite comme la zone économique la mieux intégrée du Continent avec 16 pays membres -et peut-être bientôt plus avec l’intégration du Maroc, de la Tunisie et de la Mauritanie.
La réunion avec la CEDEAO ne sera que la répétition générale d’une stratégie turque de segmentation géographique pour mieux déployer son offensive économique avant une homogénéisation de cette stratégie sur tout le Continent. Des prémices qui préparent le prochain Sommet Turquie-Afrique prévu en 2019 qui place la Turquie au rang de puissance montante sur le Continent.
Avec latribuneafrique