Le gouvernement burkinabè en conseil des ministres du 15 octobre 2015 a pris des mesures protectionnistes, notamment des restrictionsconcernant la délivrance d’Autorisation spéciale d’importation (ASI) pourpermette à la Nouvelle Société Sucrière de la Comoé (SN-SOSUCO) depouvoir écouler sa production sur le marche local.
Après 27 ans de monopolisation de la vie économique, ces mesures sontperçues comme la fin du règne des gros importateurs, qui bénéficiaientdes faveurs des gouvernements précédents dans la filière sucre, ou qui, le plus souvent, agissaient pour lecompte des détenteurs du pouvoir politique. Par ailleurs, ces mesures font écho à la vision « consommonsburkinabè » chère aux révolutionnaires burkinabè et très défendue à l’époque par le Président ThomasSankara. Pour le gouvernement de la transition ces mesures sont prises en accord avec tous les acteursde la filière et doivent permettre le « développement de l’industrie sucrière et la préservation des emploisdans ladite industrie [1]». Mais, peut-on dire pour autant que les difficultés de la SN-SOSUCO sontrésolues durablement ?
Le protectionnisme n’est pas la solution idoine même si elle semble s’inscrire dans la logique populaire du moment. En effet, il ne s’agit que d’un transfert des avantages dont bénéficiaient les hommes d’affairesproches du serial politique aux actionnaires de la SN-SOSUCO. La sauvegarde des emplois à la SN-SOSUCO dont il est question ne peut se faire durablement qu’à condition que la société soit compétitive car dans le contexte du marché sous régional, rien n’empêchera d’autres sociétés de vendre leur sucresur le marché burkinabè si les prix grimpent. C’est aussi une porte ouverte à une fraude importante avecdes frontières très poreuses et une administration douanière qui est toujours parmi le trio de tête dans le hit-parade des administrations les plus corrompues (RENLAC, 2014)
Ces mesures pourront garantir désormais à la SN-SOSUCO un marché sans concurrence. Pourquoiinvestirait-elle pour produire du sucre de meilleure qualité ? La société défendra bien l’idée qu’elle offre unmeilleur rapport qualité-prix. Mais, pour améliorer la qualité il faut innover constamment et l’innovation a uncoût qui sera répercuté sur le client dans le contexte actuel. Dans un marché concurrentiel, ce surcoûtaurait pu ne pas être ressenti par le client car l’entreprise aurait du diminuer ses marges pour conserver ouaccroitre sa part de marché. Mais, dans le contexte ou la SN-SOSUCO est protégée, celle-ci n’aura aucunintérêt à investir davantage car elle n’a ni la pression des actionnaires, ni celle des concurrents. Dans cetteperspective, elle vendra sans doute des produits de moindre qualité que dans un contexte de concurrence.
Malheureusement, le consommateur-contribuable devra payer un plus lourd tribut. Les mesures prises par le gouvernement occasionneront nécessairement des dépenses publiques supplémentaires qui du restene seront pas prises en charge par la SN-SOSUCO mais par le contribuable burkinabè. Ce dernier financealors une entreprise par ses impôts pour avoir au final des produits plus chers et de plus mauvaise qualité. Le consommateur-contribuable paiera plus cher le sucre car ces mesures seront aussi interprétées par lemarché local comme un durcissement des conditions d’importations du sucre, donc une offre inférieur à lademande d’où une hausse de prix à la consommation qui du reste sera difficilement contrôlable. En effet, ilsuffit que les conditions du marché changent et la société répercutera cela sur les prix. De plus, cetteaugmentation du prix entrainera l’augmentation de tous les autres produits dont le sucre est unecomposante essentielle.
Contrairement à la SN-SOSUCO, d’autres sociétés ont réussi à s’adapter à la concurrence sans desmesures de protectionnisme. C’est le cas de la société privée CFAO qui, avant l’importation massive desmotos de Chine, avait le monopole de fait sur les engins à deux roues. A cette époque, une moto YAMAHAétait pratiquement inaccessible pour la majeure partie de la population car son prix variait entre 1000000 et 2000000 FCFA. Avec la concurrence des importateurs de motos à deux temps avec plus de confort et qui se vendent à moins de 400000FCFA, CFAO a perdu son monopole mais a fait un repositionnementstratégique en se focalisant sur le haut de gamme, ce qui lui a permis de résister à la concurrence desimportateurs. Ainsi, la SN-SOSUCO peut améliorer ses performances simplement en faisant de meilleurschoix stratégiques à l’image de CFAO qui réussit sans des mesures de protectionnisme.
Nos gouvernants doivent tenir compte du bien-être du consommateur-contribuable pour qu’il ne soit plussoumis à des mesures protectionnistes qui sont au mieux des « primes à la médiocrité » ou encore unefaçon détournée de lui faire payer les erreurs des gestionnaires de ces sociétés. La preuve en est que les « vélos chinois[2]» ou les engins à deux roues sont désormais accessibles à la majorité de la populationburkinabè. Cette importation massive des motos a eu un impact positif dans la vie quotidienne ducontribuable burkinabè. Dans des villes comme Ouagadougou les piétons sont devenus très rares.
avec libreafrique