Bédié coincé, Ouattara maître du jeu.
Dans sa publication du mercredi 24 janvier 2018, le bimensuel panafricain la Lettre du Continent (Lc) révèle un « agacement » de Henri Konan Bédié, face à une « volonté » de plus en plus affichée de son ” cadet ” Alassane Ouattara de fondre les partis houphouëtistes dans une seule entité.
A la clé, la disparition du Pdci-Rda, parti fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, perçu par ailleurs comme une sorte de matrice de la plupart des formations politiques de droite, au profit d’une union dont l’identité n’est pas encore connue. La vérité, apprend une source bien informée, c’est que le projet dans sa conception ne gêne pas le vieux parti. Mais le contrôle de cette force politique constitue la pomme de discorde entre les deux gros morceaux de l’alliance houphouëtiste. Qui du Rassemblement des Républicains (Rdr) et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) va piloter le parti unifié ? C’est là que le bât blesse, étant donné qu’aucun de ces deux grands partis politiques n’entend céder le leadership à l’autre.
L’agacement du président Bédié sur la question n’est pas nouveau. Il est entretenu par l’opposition du camp Ouattara à l’alternance en 2020 au profit d’un cadre du Pdci comme le crient les militants du parti vert et blanc. Les deux héritiers d’Houphouet Boigny se brouillent et se boudent même pendant plusieurs semaines. Bédié ” s’exile ” alors en France en forme de protestation contre l’attitude de son allié, et maintient le cap sur l’alternance au profit ” d’un militant actif ” de son parti en 2020. « Oui. Le Pdci aura un candidat en 2020. Ce sera le candidat unique du Rhdp. Il faut qu’Alassane Ouattara et moi nous entendions sur ce point pour que cette alternance ait lieu. Mais il est trop tôt pour en parler », lâche t-il dans les colonnes de l’hebdomadaire Jeune Afrique en juin 2017. Ce projet d’un cadre du Pdci, porte flambeau de l’alliance des houphouëtistes en 2020, est défendu avec force par des barons du parti tels que Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif, et Jean Louis Billon, porte-parole. Au cours d’une cérémonie de présentation de vœux de nouvel an, le lundi 15 janvier 2018 au siège de son parti à Cocody, le président Bédié termine son discours par cette formule: « Longue vie au Pdci ! ». Une piqûre de rappel à l’allié qui veut voir mourir son parti. Mais le Pdci restera t-il constant dans cette bataille pour l’alternance jusqu’en 2020 ? Osera t-il couper le cordon avec le Rdr au cas où son projet n’est pas accepté par cet allié ?
La guerre Bédié-Ouattara aura t-elle lieu ?
« Certes Bédié exprime son agacement, voire sa colère en privée, mais la réalité lui impose d’observer une certaine prudence face à un adversaire aussi coriace que le Rdr, et qui le démontre chaque fois qu’il en a l’occasion. Regardez-vous même ce qui vient de se passer avec le ministre Billon. On ne peut pas agir ainsi contre un allié », se désole un cadre du vieux parti, dans une sorte de complainte qui révèle une certaine impuissance du Pdci face à la machine du Rdr. Dans les faits en effet, le parti républicain se montre intransigeant à faire aboutir l’unification des partis houphouëtistes. A l’issue d’une récente réunion de son Secrétariat général, le Rdr faisait savoir que le parti unifié devrait naître avant les élections municipales et régionales. Mieux, selon certaines sources bien introduites dans l’entourage du chef de l’Etat, le président Ouattara serait déterminé à y aller, « avec ou sans le Pdci ».
« Le tableau qu’il nous est donné de voir actuellement, ne laisse pas grande chance à Bédié dans un bras de fer avec Ouattara qui a l’effectivité du pouvoir. Il tient de nombreux cadres du Pdci et même des proches de Bédié, qui sont favorables au parti unifié formule Ouattara, et qui le signifient en privée au président du Pdci. C’est là aussi son gros problème. C’est un chef qui est pris entre deux tendances », analyse un observateur de l’échiquier politique ivoirien. Et de conclure que la guerre Bédié – Ouattara pourrait donc ne jamais avoir lieu. Sinon, ce serait défavorable au doyen des houphouëtistes et son parti.
Cet avis est battu en brèche par un autre analyste politique qui pense que « les deux formations s’observent et se font peur pour rien ». « Chacun d’eux a peur d’être le premier à ouvrir le feu. Celui qui le fera en subira des conséquences graves, surtout à l’approche des élections présidentielles. Certes le président Ouattara tient actuellement les manettes, mais le Pdci reste une force incontournable pour qui veut gagner des élections en Côte d’Ivoire ». En un mot comme en mille, les deux partis politiques sont liés, avec cependant une pointe d’avance pour le Rdr qui a le pouvoir, et qui peut en user comme bon lui semble. Ces deux alliés devraient alors trouver un compromis juste, gagnant-gagnant.