Désendettés, les numéros un et deux du secteur de l’immobilier marocain, Addoha et Alliances misent sur les classes moyennes et l’Afrique subsaharienne pour repartir de l’avant.
Pour les promoteurs immobiliers marocains, le pire est passé. Si l’année 2018 ne sera vraisemblablement pas un grand cru compte tenu de la morosité de l’économie nationale, elle permettra au moins aux leaders du secteur de maintenir le rythme de leurs investissements, d’autant qu’ils bénéficient de la confiance retrouvée des banquiers. Au cours des deux dernières années, ils se sont concentrés sur l’assainissement de leurs finances et sur la redéfinition de leur stratégie, cherchant ainsi à corriger les erreurs passées. Entre 2013 et 2016, Addoha et Alliances, numéros un et deux du secteur, avaient payé un appétit immodéré pour le foncier et une expansion rapide dans un marché en fort ralentissement.
Le premier avait accumulé une réserve de plus de 5 300 ha financée sur la base d’emprunt. « À la fin de 2014, la dette du groupe avait atteint plus de 9,3 milliards de dirhams (845 millions d’euros environ), et le stock de produits finis était constitué de plus de 15 000 unités… Ce qui a eu des répercussions sur la capacité du groupe à générer une trésorerie positive », rappelle Anas Berrada, DG du groupe Addoha.
« Priorité au cash 2020 »
Pour sortir de l’ornière, le patron a cédé en priorité son stock d’invendus. Baptisée « plan génération cash », l’opération de sauvetage commencée en 2015 avait permis de se séparer de 62 % de son stock en octobre 2016 pour un chiffre d’affaires de 23,6 milliards de dirhams. Résultat, son ratio d’endettement est aujourd’hui l’un des plus faibles du secteur.
Au début de janvier, Addoha a présenté son nouveau plan stratégique nommé « priorité au cash 2020 », dont l’objectif est de développer de nouveaux relais de croissance en préservant les équilibres financiers. Après avoir longtemps misé sur le logement social, le groupe – dont le chiffre d’affaires 2018 devrait tourner autour de 6,3 milliards de dirhams, soit moins qu’en 2016 – cible désormais en plus la classe moyenne.
Cette activité lancée en 2015 sous la marque Coralia, et dont le niveau de marge est « confortable », selon le promoteur, devra contribuer à hauteur de 14 % au chiffre d’affaires en 2020. À cette échéance, les projets menés en Afrique subsaharienne atteindront eux 7 %. Si l’acquisition de foncier reste prioritaire, elle sera limitée à 500 millions de dirhams par an.
Renouveau d’Alliances
Alliances, également fortement présent sur le créneau du logement social dans le royaume, ambitionne lui aussi de faire du continent un relais de croissance. À la fin de décembre, il a livré 640 logements économiques et sociaux à Anyama, à 10 km d’Abidjan, en présence du Premier ministre, Gon Coulibaly, et de l’ambassadeur marocain. On est encore loin des 7 800 logements attendus au total, mais la construction de cette première tranche – même avec plus de trois ans de retard – constitue un signal positif pour le groupe, présidé par son actionnaire majoritaire, Mohamed Alami Nafakh Lazraq (56,29 % du capital).
Menacé de faillite, suspendu pendant quelques jours à la Bourse de Casablanca au plus fort de la tempête, il a aussi dû suivre une sévère cure d’austérité pour éviter le crash. À l’arrivée d’Ahmed Ammor, nommé DG en janvier 2016, le groupe traînait un endettement net de 8,5 milliards de dirhams.
Le promoteur payait aussi une tentative de diversification ratée dans le secteur de la construction. En 2009, il avait acquis 69 % du capital d’EMT, entreprise marocaine de BTP que le nouveau patron a presque immédiatement liquidée lorsqu’il en a pris les rênes. En plus des accords signés avec les créanciers, de l’arrêt du versement des dividendes aux actionnaires, Alliances a aussi utilisé des dations en paiement pour le remboursement de 1 milliard de dirhams de dette privée en 2016.
Pour ne plus connaître les mêmes mésaventures, la gouvernance a été renforcée avec la nomination d’administrateurs indépendants et l’instauration de plusieurs comités internes. Les résultats de la première partie de 2017 ont montré l’efficacité des mesures prises avec un chiffre d’affaires en hausse de 9 %, à 1,5 milliard de dirhams, un résultat net en augmentation de 63 %, à 52 millions de dirhams, et un endettement en baisse de 66 % par rapport à la fin de 2015. À la Bourse de Casablanca, les investisseurs ont validé le renouveau du groupe. Son cours a gagné 120 % en 2017, soit la troisième meilleure performance de la place.
Résidences Dar Saada en difficulté ?
Après avoir d’abord bien résisté à la crise du secteur, Résidences Dar Saada (RDS) inquiète. « Le nombre d’unités commercialisées et les mises en chantier ont connu une baisse. RDS ne semble pas avoir appris des erreurs des autres groupes », estime un expert. Cette situation a entraîné une hausse du besoin en fonds de roulement. À la fin de juin 2017, sa trésorerie enregistrait un déficit de 329 millions de dirhams (29 millions d’euros).
Avec jeuneafrique