“Sur les plantations de cacao en Équateur aujourd’hui, le travailleur arrive le matin, prend un GPS qui le suivra partout sur la plantation, tout au long de la journée. On sait où il est, ce qu’il fait. A la fin de la journée, on sait combien de cabosses il a récolté. Le GPS calcule sa productivité, ce qui permettra de calculer sa feuille de paie et de renseigner la banque qui a accordé un emprunt à sa société“, a expliqué vendredi à Yaoundé, Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), à l’occasion de la conférence du Festicacao 2015 organisée par le Conseil interprofessionnel du café et du cacao (CICC) du Cameroun.
“Le cacao est fermenté sur des bacs extensibles. Sur les zones de fermentation, il y a des pylônes au bout desquelles se trouvent des caméras reliés à des satellites, reliés au marché à Hambourg, en Allemagne. La société à Hambourg sait donc, à tout moment, quelles sont les opérations réalisées sur sa commande.” Ce cacao en Équateur est cultivé sur des plantations non ombragées, irriguées, fertilisées, et dont le rendement atteint 4 à 5 tonnes à l’hectare (t/ha)…
“Il faut accepter l’idée qu’à l’avenir on ne produira plus de cacao comme on le produisait auparavant“, a conseillé Jean-Marc Anga aux acteurs de la filière camerounaise présents mais qui vaut aussi pour l’ensemble des filières du continent, dont l’Afrique de l’Ouest, première région de production au monde. “Nous ne pouvons pas avancer avec notre modèle actuel. La cacaoculture est un business, ce n’est pas un mode de vie.”
Changer de paradigme
Pourquoi ne pourrait-on pas poursuivre le mode actuel de production en Afrique ? Car le continent ne saurait rester statique, avec des rendements entre 300 et 500 kg/ha, alors que le reste du monde cacaoyer bouge. Certes, l’omniprésence de l’Afrique sur la place cacaoyère n’est pas à la veille d’être remise en cause.
En 2014/15, campagne qui s’est achevée en octobre et qui a atteint des niveaux historiques, l’Afrique représentait 73% de la production mondiale face à l’Amérique latine (18%) et l’Asie/Océanie (10%). Mais l’apparition de plantations industrielles, ultra modernes comme décrites ci-dessous dans certains pays comme l’Equateur (250 000 t est. 2014/15) a permis à ce dernier de ravir au Cameroun (232 000 t est.) le 4ème rang mondial des pays producteurs derrière la Côte d’Ivoire, le Ghana et l’Indonésie.
Production mondiale de cacao 2014/15 : 4 201 millions de tonnes
Côté broyages, certes l’Europe demeure la première zone mais sa part est passée de 60% des broyages mondiaux il y a 10 ans à 38% actuellement. L’Afrique, quant à elle, est passée de 10% la décennie dernière, à 20% maintenant. “L’Afrique est appelée à être 2ème, voire 1er zone de broyage mondiale“, souligne encore Jean-Marc Anga qui rappelle qu’en 2014/15, la Côte d’Ivoire est devenue, pour la première fois, premier broyeur mondial.
Mais là encore, on constate une situation africaine très différente de celle d’autres régions du monde. L’Indonésie est au 5ème rang des broyeurs mondiaux, soit un volume non négligeable (335 000 t est. 2014/15) même si nettement inférieur à la Côte d’Ivoire (560 000 t est.). Toutefois, la différence majeure est qu’il broie pour l’export mais aussi, de façon croissante, pour sa propre consommation. “Avec 250 millions d’habitants, il a la capacité de développer sa propre consommation”, note encore Jean-Marc Anga. “Les pays doivent chercher à produire et à consommer pour s’affranchir de la volatilité des cours internationaux.”
L’Afrique en est loin : 73% de la production mondiale, 20% des broyages globaux mais 4% seulement de la consommation mondiale. “Si vous ne pouvez pas consommé ce que vous produisez, vous vous exposez aux aléas du marché mondial”, déclare encore le patron de l’ICCO.
Et les aléas du marché mondial sont majeurs. Si le 18 juillet 1997, la tonne a atteint $ 18 000 en valeur réelle, elle a chuté à $ 1 000 le 24 novembre 2000 et s’établit actuellement à environ $ 3 300. “Il ne faut donc pas produire du cacao tous azimuts en pensant qu’il faut produire 10 millions de tonnes!“, a tenu à préciser Jean-Marc Anga qui a rappelé qu’en 2012, l’ICCO avait invité chaque pays producteur à se doter d’un plan national cacao.
Mais au-delà de toutes les planifications gouvernementales, “il faut changer et cela commence dans nos têtes“, a appelé Jean-Marc Anga aux responsables cacaoculteurs présents à Yaoundé. “Il n’y a pas de honte à copier ce qui se fait ailleurs. Il faut penser la cacaoculture moderne.”
avec commodafrica