“Si je trouve une grenade par terre, je fais quoi? Je la prends?”: dans la capitale centrafricaine Bangui, quand une ONG vient sensibiliser les habitants aux risques des explosifs abandonnés, il y a toujours quelqu’un pour poser la bonne question.
Ce jour là, à Fatima I, un quartier du 3e arrondissement de Bangui, c’est Viviane, 28 ans, qui s’est fait remarquer. “Selon vous, il faudrait faire quoi?”, lui répond gentiment Loïc, Centrafricain, membre de l’ONG DanChurchAid (DCA), en tenant un panneau avec les différents types de grenades représentés dessus. Avant de détailler les réflexes à avoir: ne pas s’approcher, prévenir le chef de quartier, délimiter un cercle de deux mètres autour de l’explosif et le signaler…
Tous les jours, des membres de l’ONG sillonnent les quartiers de Bangui comme la brousse des provinces pour organiser des rencontres auprès des populations. Les intervenants sont tous centrafricains et les discussions se font en sango, la langue nationale.
L’idée des ateliers? Faire interagir les habitants autour de la thématique des armes explosives abandonnées par les conflits.
Et à Bangui, capitale d’un pays à reconstruire qui tente laborieusement de sortir de quatre ans de guerre civile, les grenades sont “facilement disponibles”, explique Gilbert Masumbuko, chef de mission DCA en RCA. “Des restes d’explosifs de guerre ont été trouvés” dans la zone de Fatima I, où se passe la sensibilisation.
Malgré son jeune âge, l’assemblée est attentive. Pour cause: interrogés pour savoir qui a déjà vu des explosifs dans le quartier, les mains s’agitent une à une. Un enfant d’une dizaine d’années se lève et montre du doigt une maison abandonnée, de l’autre côté de la rue. Viviane embraye, raconte à grand renfort de gestes avoir déjà trouvé une munition de RPG (lance-roquettes) dans le quartier.
Selon les derniers chiffres, l’agence onusienne Unmas a fait détonner 827.820 objets explosifs – munitions, grenades, obus – en 2017 dans le pays. “Ceci donne une estimation du grand nombre d’explosifs abandonnés”, note M. Masumbuko.
– Images et panneaux –
La Centrafrique est embourbée depuis 2013 dans un interminable conflit entre groupes armés, qui, après avoir sévi dans la capitale, s’affrontent aujourd’hui dans les provinces pour le contrôle des ressources (or, diamant, bétail). Les combats font rage sur une majorité du territoire, et plus d’un million de personnes -sur les 4,5 millions d’habitants- sont soit déplacées, soit réfugiées dans les pays voisins.
Cette population n’a pas ou peu de connaissance sur les risques des armes et des explosifs abandonnées, et en paie souvent le prix fort.
“Il y a un mois, on nous a rapporté que quelqu’un a trouvé une grenade non explosée. La personne a ramené l’engin au village, les enfants ont joué avec. La grenade a explosé, les enfants sont morts”, raconte à l’AFP Loïc, avant de reprendre son plaidoyer à la vingtaine de personnes présentes.
Ce mardi, dans ce quartier périphérique de la capitale aux faux airs de campagne, avec son absence de route et l’omniprésence d’une terre ocre, il y a autant d’enfants que d’adultes pour se “sensibiliser” aux munitions non-explosées. Chacun regarde avec attention les larges panneaux plastifiés où des grands dessins expliquent les différentes situations à éviter.
“S’il y a une maison abandonnée, s’il y a un ancien camp militaire, si un quartier est vide, peut-être que l’endroit est pollué. Il faut faire très attention!”, continue l’humanitaire.
L’ONG utilise des panneaux car “les images représentées sont plus faciles à assimiler et à comprendre pour les participants, en particulier pour les enfants qui n’ont pas encore appris à lire et à écrire”, explique encore le chef de mission DCA.
Main dans la main avec l’organe des Nations unies pour le déminage (Unmas), des ONG ont lancé un numéro vert pour prévenir en cas de découverte d’explosifs ou d’engins suspects. “Le 4040 est une ligne humanitaire gratuite et anonyme”, que les populations peuvent appeler pour indiquer la découverte de grenades et armes, mais aussi dénoncer les abus contre les droits de l’homme, toujours selon le directeur de DCA.
A la fin de la présentation, sous un soleil de plomb, les questions affluent. “Si quelqu’un de ma famille amène des explosifs chez moi, que dois-je faire?”, demande ce jeune. “Si un explosif est près du feu, peut-il exploser?”, interroge un autre.
Une discussion s’engage, animée. Mais le temps presse, l’équipe de l’ONG doit repartir pour un autre atelier. “C’était bien, j’ai appris des choses, mais il faut qu’ils reviennent, pour mes soeurs et mon frère!”, plaide désormais Viviane.
Source : Africatime