La riposte de la diplomatie chinoise ne s’est pas fait attendre. Après les remous de l’affaire d’espionnage supposé du siège de l’Union africaine(UA) à Addis-Abeba, la Chine a servi un démenti catégorique à cette rocambolesque histoire révélée par le quotidien français Le Monde. Et pourtant malgré sa vigueur, la protestation est loin de convaincre, surtout en l’absence d’éléments à décharge pour l’Empire du Milieu.
A la manœuvre pour porter le drapeau de la protestation chinoise, Kuang Weilin, l’ambassadeur de la Chine auprès de l’Union africaine(UA). L’un des rares chefs de mission d’une puissance étrangère à disposer d’une représentation auprès de l’organisation continentale dénonce une histoire « complètement fausse et absurde ». Et la riposte chinoise ne s’est pas arrêtée là.
Un démenti chinois sans preuve à décharge
« Les relations sino-africaines se poursuivront et se renforceront encore davantage à notre époque. Personne ni aucun journal à sensation ne peuvent y faire obstacle, c’est pourquoi je suis convaincu que la Chine continuera à renforcer sa coopération avec l’UA fondée sur les principes de sincérité, de résultats concrets, d’affinités et de bonne foi. Et je suis convaincu que nous accomplirons de grandes choses dans les années à venir », a réagi l’ambassadeur de la Chine auprès de l’UA.
Entre les lignes, ce sont les révélations du journal français Le Monde qui sont visées par le diplomate chinois. Le quotidien français divulguait que le nouveau siège de l’UA à Addis-Abeba, un bâtiment de 20 étages, financé à hauteur de 200 millions de dollars, constituait en fait un Cheval de Troie de la Chine pour espionner l’instance faîtière de l’Afrique. Kuang Weilin dénonce le timing de publication de l’enquête du Monde qui coïncide curieusement avec l’ouverture de la réunion des chefs d’Etat du 30ème Sommet de l’Union africaine(UA).
Sans apporter d’éléments à sa décharge, la réponse chinoise se confond en subtilités diplomatiques avec plusieurs sous-entendus sur un travail de sape contre la relation de plomb bâtie par la Chine avec l’Afrique. L’article incriminé cite pourtant plusieurs sources, notamment au sein de l’UA qui ont confirmé l’espionnage du siège de l’instance panafricaine par la Chine entre 2012 et 2017 grâce à un système de mouchards à même les murs et de « portes dérobées » sur le système informatique interne.
Qu’attendre de plus de la Chine ? Qu’elle reconnaisse cette sulfureuse affaire d’écoute digne d’un thriller sur l’espionnage ? La réponse est assurément non. Quelle grande puissance, même parfois prise l’oreille collée aux murs de ses partenaires, reconnaît les avoir écoutés ?
L’Afrique, nid d’espions des grandes puissances ?
Tout au plus, les révélations du Monde ont dû alimenter les conversations entre chefs d’Etat africains dans les couloirs de l’African Hall. On imagine que les leaders africains ont dû se rappeler un autre article du Monde sur la mise sur écoute de certains de leurs pairs ou ex-pairs et hauts dignitaires par les services secrets britanniques (GCHQ) en collaboration avec leurs homologues américains. Leurs confrères français qui ne sont pas au dessus de tout soupçon, semblent privilégier le renseignement humain et le recrutement d’agents au sein des élites africaines pour être au fait des affaires sur le Continent.
Avec l’arrivée de nouveaux acteurs qui veulent peser dans l’économie africaine, il n’est pas exclu que l’Afrique soit devenue un nid d’espions issus de toutes les puissances qui se découvrent une vocation africaine. En plus des traditionnels Américains, Britanniques et Français, nos chefs d’Etat et nos institutions devraient peut-être faire attention à ce que les conversations et décisions tombent dans les oreilles d’un espion turc, indien, émirati, qatarien, saoudien, suisse, italien et plus largement marocain, brésilien, argentin, japonais… La liste ne sera jamais exhaustive.
Quelque soit la nationalité de l’espion, cette affaire remet au jour la question de la prise de conscience des leaders africains de cette violation de leur souveraineté en toute impunité. Elle permet aussi de s’interroger sur la sincérité de ces partenaires qui tendent l’oreille ou scanne le cerveau de nos dirigeants pour être en position de force lors de négociations honteusement qualifiées « d’égal à égal ». Au-delà, les écoutes confortent l’idée d’un Continent de plus en plus prisé qui devrait imposer le respect dans ses relations avec le reste du monde.
Avec latribuneafrique