L’air est fortement conditionné. Mais la chaleur accablante qu’il fait à l’extérieur se ressent quelque peu dans l’espace de près de 2 000 mètres carrés aménagé dans ce gigantesque bâtiment du quartier des affaires de Dubaï, tant il grouille de monde. Près de 1 500 personnes se retrouvent ici du 9 au 11 juin, à l’occasion du forum annuel d’Energynet, une plate-forme londonienne de mise en réseau des investisseurs dans le secteur de l’énergie en Afrique.
Sur un étage entier, 500 entreprises tiennent chacune un stand présentant des réalisations et des projets en matière d’énergie sur le continent. Certaines sont spécialisées sur l’assainissement de l’eau ou sur la fabrication de panneaux solaires quand d’autres interviennent dans des projets hydroélectriques au Mozambique, au Ghana ou encore au Cameroun.
La plupart des exposants se refusent à admettre que cette mini-foire a toutes les allures d’une vitrine promotionnelle. Pourtant, les prospectus qu’ils distribuent aux visiteurs sont bien explicites : chacun affirme avoir la solution au déficit énergétique dont souffrent la plupart des pays africains.
Plus de 600 millions de personnes sont privées d’électricité au sud du Sahara et 85 % d’entre elles vivent en zone rurale. Un comble dans la mesure où le continent dispose de nombreuses ressources en énergies fossiles et renouvelables : 9 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz et 10 % du potentiel hydroélectrique mondial, notamment de la République démocratique du Congo et du Cameroun, sans compter l’abondante énergie solaire et la biomasse.
L’enfer des délestages
Partout sur le continent, les délestages – sorte de rationnement de l’électricité – sont devenus la norme, avec 56 jours de coupure par an en moyenne, selon un calcul de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Dans son rapport publié le 5 juin, le think tank Africa Progress Panel de Koffi Anan craint qu’il faille attendre… 2080 pour que tous les Africains aient accès à l’électricité.
« Ce n’est pas seulement un problème de manque d’infrastructures. Il s’agit avant tout d’un déficit de politique énergétique de la part des gouvernements. Quels types d’énergie faut-il développer, pourquoi et comment les financer ? », s’interroge Nonkanyinso Mayatula, la directrice de développement de la Chancellor House – un organisme sud-africain spécialisé dans le financement de projets miniers et énergétiques –, présente à Dubaï. Avec 40 000 mégawatts d’électricité produits annuellement pour 53 millions d’habitants, l’Afrique du Sud est la mieux lotie, même si elle souffre aussi de nombreux problèmes d’approvisionnement en électricité.
« Nous devons améliorer notre capacité de production, renouveler les équipements vieillissants, afin de permettre aux consommateurs de payer exactement ce qu’ils consomment », suggère en guise de solution, Rumundaka Wonodi, le directeur général du NBET, l’agence fédérale d’électricité au Nigeria, un pays où le prix du kilowatt-heure est de 10 naïra (0,04 euro) et où 93 de ses 177 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité. Mais où trouver l’argent pour financer de nouveaux projets ? Il faudrait environ 40 milliards d’euros pendant une dizaine d’années pour rattraper le retard des pays de l’Afrique subsaharienne, selon la Banque mondiale.
« Avant de parler des financements, il faut se poser la question des ressources dont nous disposons. Environ 90 % de l’énergie hydraulique ne sont pas exploités et l’énergie solaire est encore un mirage pour beaucoup de nos pays », s’est indigné Jean-Pierre Kédi, lors d’un des débats organisés à l’occasion du forum d’Energynet. Le patron de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité au Cameroun (Arsel) exprimait ainsi les pistes privilégiées par plusieurs gouvernements et qui s’inspirent du barrage de la Renaissance, en Ethiopie. Ce projet ambitionne de devenir à la fin des travaux, en principe en 2018, le plus important barrage hydroélectrique d’Afrique avec une puissance de 6 000 mégawatts, soit sept fois la capacité de production actuelle de la Guinée, dont le ministre de l’énergie, Cheikh Taliby Sylla, a fait le déplacement de Dubaï.
Energie solaire la moins chère du monde
Le ministre a confirmé vouloir s’appuyer sur les expériences des autres en matière de développement des énergies renouvelables. L’émirat de Dubaï, où la température en saison très chaude (de juin à août) peut dépasser 45 degrés, développe un vaste chantier de parc photovoltaïque : le parc Mohamed Ben Rached Al-Maktoum, dans le désert au sud de la capitale, devrait s’étendre sur 4,5 kilomètres carrés. L’objectif est de produire 1 000 mégawatts d’ici 2030 pour un coût de 0,06 dollar le kWh, soit l’énergie solaire la moins chère au monde. Dubaï va investir plus de 3 milliards d’euros dans ce projet.
Seulement, cet émirat du Golfe sait où trouver les moyens de financer des chantiers aussi pharaoniques. Les pays d’Afrique subsaharienne – qui ne sont pas tous des « pétro-Etats » – le regardent avec admiration et un peu d’envie, bien conscients qu’il va falloir faire preuve de beaucoup plus d’imagination pour répondre aux besoins d’investissement en énergies renouvelables. Après tout, eux aussi ont beaucoup de soleil à revendre.
PME PMI magazine avec lemonde