Selon les uns, Pascal Affi N’Guessan est désormais le chef de l’opposition. Selon les autres, il a pâti de l’appel au boycott lancé par les inconditionnels de l’ancien président. Une chose est sûre : le prisonnier de la CPI est omniprésent.
Si Alassane Ouattara a remporté dans les urnes une victoire écrasante, Laurent Gbagbo pourrait bien, lui, avoir remporté une victoire personnelle. Pourtant physiquement absent de cette campagne (il est toujours dans l’attente de son procès à La Haye), le leader historique du FPI n’a, selon le politologue Ousmane Zina, « jamais cessé d’être au cœur du débat ». « Ces élections ont démontré qu’il reste une figure importante. Pour beaucoup, il est le père de l’opposition. Celle-ci n’a d’ailleurs pas arrêté de se réclamer de lui », souligne-t-il.
Cette fois, l’abstention assez importante semble prouver que de nombreux électeurs FPI n’ont pas voulu donner leur voix à Affi N’Guessan
Autre constat, l’appel au boycott d’un scrutin « sans Gbagbo », lancé par les frondeurs du FPI, emmenés par Aboudramane Sangaré et relayé par certains candidats qui se sont retirés au dernier moment, comme Mamadou Koulibaly, a peut-être été suivi. Pascal Affi N’Guessan, le candidat officiel du parti, ne passe pas la barre des 10 %, quand Laurent Gbagbo recueillait plus de 38 % des suffrages au premier tour de l’élection de 2010, et alors que la participation atteignait 83,7 %.
Cette fois, l’abstention assez importante – bien qu’inférieure à ce que prédisaient des caciques du mouvement – semble prouver que de nombreux électeurs FPI n’ont pas voulu donner leur voix à Affi N’Guessan. « En l’absence de sondages et de statistiques fiables, cela relève de la politique fiction, surtout s’agissant d’un scrutin sans véritable suspens », tempère le sociologue Francis Akindès.
D’aucuns considèrent, au contraire, que le piètre résultat du FPI marque la fin de l’ère Gbagbo. C’est le cas du réalisateur Idrissa Diabaté, auteur de plusieurs reportages à charge contre l’ancien président. « S’il avait été dans la course, Gbagbo n’aurait pas fait beaucoup mieux qu’Affi, estime-t-il. On a exagéré sa popularité. En réalité, il a été élu facilement en 2000 dès le premier tour, avec quelque 59 %, mais avec le plus faible taux de participation de l’histoire du pays [autour de 37 %]. Pourtant, il se présentait contre un militaire putschiste, Robert Gueï, et était porté par une vague d’espoir démocratique. »
Affi ne représente pas le FPI, c’est un usurpateur, et son score nous fait pitié. Lorsque j’ai vu le président Gbagbo, il y a dix jours, il était très en colère, confie Bernard Houdin
Pis, les dirigeants actuels du FPI ont répété durant toute la campagne que Laurent Gbagbo soutenait Affi N’Guessan depuis sa cellule de La Haye. Difficile à croire : l’ancien président n’a jamais donné suite à sa demande d’entretien alors qu’il avait accepté de recevoir Charles Konan Banny, Amara Essy et Kouadio Konan Bertin. « C’est du grand n’importe quoi, s’enflamme Bernard Houdin, son ancien conseiller. Affi ne représente pas le FPI, c’est un usurpateur, et son score nous fait pitié. Lorsque j’ai vu le président Gbagbo, il y a dix jours, il était très en colère. « C’est une insulte de dire que je le soutiens », m’a-t-il confié. Il est triste de voir que ceux qu’il a fait monter en politique le trahissent aujourd’hui. »
Pourtant, la relève est peut-être assurée : en obtenant un score honorable comparé à celui des autres petits candidats, Affi N’Guessan s’impose, pour les cinq ans à venir, comme le chef de file d’une opposition privée de Laurent Gbagbo.
avec jeuneafrique