Le ministère de l’Habitat a organisé un atelier-débat lundi dernier pour jeter les bases d’un développement harmonieux des cités camerounaises.
Toute sa vie, Félix N n’a vécu que dans un bidonville. «Mon père a construit ici dans les années 60. A sa mort, j’ai hérité du domicile familial», confie l’homme de 57 ans, résidant au quartier Tsinga à Yaoundé, précisément au lieu-dit «élobi.» Félix N fait partie des millions de Camerounais qui vivent dans les bidonvilles. «L’on estime que 65% de la population vit dans les bidonvilles. L’autre indicateur très important, on peut l’observer à travers les problèmes de transport urbain. Nos villes connaissent de plus en plus d’embouteillages monstres, les déplacements sont de plus en plus difficiles. Cela montre qu’il y a un dysfonctionnement général auquel il faut s’attaquer de manière urgente», dépeint Hippolyte Etende Nkodo, urbaniste
Cette situation, dit-il, est la conséquence d’une absence de planification, voire un manque de vision pour le futur. «On ne résoudra pas les problèmes de la ville s’il n’y a pas une
planification, si on n’a pas pensé à l’avance ce que sera la ville à l’horizon 2035, l’horizon de l’émergence tant attendu. Il faut vraiment mettre l’accélérateur sur le problème de la gouvernance afin de responsabiliser davantage les maires qui, aujourd’hui, ne comprennent pas encore que leur rôle est de projeter des visions de développement pour les villes», argue-t-il. A l’heure où l’on parle de décentralisation, le maire devrait donc être plus un planificateur qu’un gestionnaire.
Implication
«Le maire devrait être un planificateur, c’est vrai. Mais il faudrait qu’il se retrouve en aval parce que nous sommes là pour l’implémentation des politiques du gouvernement. Les politiques s’élaborent au niveau national par le gouvernement. Une partie est implémentée par le délégué du gouvernement et l’autre par les maires d’arrondissement», se défend Augustin Tamba, maire de Yaoundé VII. Comment donc remédier à la situation ? C’est pour «jeter les bases du développement harmonieux» des villes camerounaises que le ministère de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu) a organisé lundi dernier un atelier-débat, à l’occasion de la célébration couplée des Journées mondiales de l’urbanisme (31 octobre) et des villes (8 novembre). Le thème – «Des villes conçues pour vivre ensemble» –a été choisi «pour permettre aux acteurs urbains de réfléchir sur les politiques de développement de nos villes afin d’y trouver un point d’ancrage efficient pour l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd)», a déclaré le ministre Jean Claude Mbwentchou à l’ouverture des travaux.
L’une des cibles de l’Odd 11 spécifique au secteur urbain est d’assurer, d’ici 2030, l’accès à tous à un logement décent, sécurisé et à moindre coût, ainsi qu’aux services de base tout en développant les transports en commun. Toutes choses qui font encore défaut au Cameroun. Selon Hippolyte Etende Nkodo, le développement urbain doit se faire avec l’implication des populations. «Le citoyen est étranger à sa propre ville, c’est pour cela qu’il détruit les infrastructures mises à sa disposition. Il est donc important de faire participer les populations à la gestion de la ville», soutient l’urbaniste. Pour les gestionnaires de ville, il s’agit dorénavant de planifier les actions en se préoccupant de tout le monde. Car le «vivre-ensemble» ne signifie pas d’aller aménager Bastos ou Santa Barbara, mais que les gens qui vivent dans les «élobis» se sentent aussi membres de la cité. «Vivre ensemble, c’est partager ensemble les ressources, les loisirs, les infrastructures, l’eau potable, etc.», argue Hippolyte Etende Nkodo.