Une nouvelle escalade dans la crise anglophone au Cameroun ? L’autoproclamé « gouvernement intérimaire de la République fédérale d’Ambazonie » parle de « kidnapping ». Dans un silence interrogateur, le Palais d’Etoudi n’a pas encore confirmé l’information. Sisiku Julius Ayuk Tabe, le président autoproclamé de l’Ambazonie aurait été arrêté au Nigéria avec des membres de son « gouvernement ». La crise entamée depuis novembre 2016 pourrait connaître un regain de tension.
Les partisans du leader séparatiste n’ont laissé aucune ambigüité dans leur communiqué de deux pages avec entête au nom d’un hypothétique « State House » (palais présidentiel) de Buéa de l’autoproclamée République Fédérale d’Ambazonie. Sisiku Julius Ayuk Tabe, le leader qui préside cette « république » autoproclamée en juillet dernier, a été arrêté par des présumés militaires camerounais, selon le même communiqué daté du 6 janvier.
Un “Conseil des ministres” interrompu
Ce vendredi 5 janvier, Sisiku Julius Ayuk Tabe et sept membres de son « gouvernement intérimaire» se réunissent pour un « Conseil des ministres » à l’hôtel Nera à Abuja. A 17 heures dans une salle de réunion de l’hôtel, le conclave ministériel s’ouvre sur la question des réfugiés anglophones camerounais fuyant vers le Nigéria. Mais vers 19H30, la réunion est brutalement interrompue avec l’arrestation des « ministres » par des éléments supposés de la police nigériane même si le communiqué parle de militaires camerounais.
L’arrestation du leader anglophone serait le fruit d’une opération de filature et même de surveillance depuis plusieurs jours par des éléments des services de renseignements camerounais. Une opération qui aurait reçu l’aval des autorités nigérianes. Et pourtant, pour l’heure, ni le gouvernement camerounais ni le gouvernement nigérian ne reconnaissent formellement cette arrestation. Mais l’opération imputée à l’armée camerounaise rejoint parfaitement le discours très offensif du président camerounais. Dans son discours de fin d’année, Paul Biya affirme avoir «instruit que tous ceux qui ont pris les armes, qui exercent des violences ou qui incitent à la violence, soient combattus sans relâche et répondent de leurs crimes devant la justice».
Quelques semaines avant son discours, Muhammadu Buhari, le président du Nigéria dont le pays est accusé de servir de base-arrière aux séparatistes anglophones, avait apporté son soutien à son voisin camerounais. L’arrestation du leader séparatiste trouverait peut-être ses fondements dans cette collaboration poussée entre les deux pays. La suite? Dans le cas où l’arrestation de Sisiku Ayuk Tabe serait le fait des services nigérians, il devrait être extradé vers le Cameroun pour répondre de la « légalité républicaine », comme signalé dans le discours de Paul Biya. Toutefois, cette arrestation peut jeter de l’huile sur les braises de la crise anglophone au Cameroun en pleine année électorale.
Une allumette craquée dans une poudrière
Depuis novembre 2016, la région connait un regain d’exacerbation du mouvement sécessionniste alimenté par la fronde des avocats et des enseignants issus des zones anglophones qui dénonçaient leur marginalisation par l’Etat central. Mais le mouvement a été récupéré par les leaders politiques dont le plus radical Sisiku Ayuk.
Cet informaticien formé au Royaume-Uni qui séjourne régulièrement aux Etats-Unis et au Nigéria, est devenu depuis l’autoproclamation de la sécession, le visage d’un mouvement dont les manifestations sont souvent violemment réprimées par les forces de sécurité camerounaises. L’homme se présente même comme le « président intérimaire de la République Fédérale d’Ambazonie » et a formé un gouvernement.
C’est dire que son arrestation et son éventuelle extradition vers le Cameroun est une allumette craquée au milieu de la poudrière de la crise anglophone. Celle-ci connait un regain de violences avec des actions de poursuite de l’armée camerounaise jusqu’en périphérie de la frontière avec le Nigéria. Une seule étincelle et le feu pourrait à nouveau s’embraser.
Avec latribuneafrique