N’étant ni chercheuse, ni psychiatre, ni sociologue, et ne possédant aucune crédibilité dans aucun domaine de compétence ayant trait à la médecine, je ne peux donner mon humble point de vue qu’en tant que simple observatrice, et curieuse du genre humain et des relations entre les individus.
Je me pose souvent cette question : « Comment se fait-il que les hommes changent dans le temps ? » (Entendons par « homme » une « personne de sexe masculin »). C’est étonnant car dans tout ce que j’observe et entends autour de moi au sujet de la vie de couple, je n’ai pas encore relevé de témoignage pointant du doigt ces changements « radicaux » de personnalité de la part des femmes.
Comme si une femme restait elle-même, avec ses qualités et ses défauts, depuis le début de sa relation de couple, jusqu’à « la fin ». « La fin » étant la rupture de sa vie de couple, ou simplement la fin d’une période donnée (la fin de mon observation).
Il y a des gens comme ça qui semblent se transformer au fil du temps. Qui supportent moins le stress lié au travail, ou qui vivent mal certaines étapes de la vie de couple : installation à deux, achat d’un bien immobilier, naissance des enfants, travail du conjoint… ou que sais-je. Des gens qui à un instant T sont comme ils sont (peu importe leur tempérament), et qui des mois ou des années plus tard ne sont strictement plus les mêmes individus (le tempérament de départ a fait place à un « nouveau »).
Les questions qui se posent alors arrivent en nombre incalculable ! C’est à se demander si ce phénomène relève de la pathologie, ou encore si c’est celui qui observe ces changements radicaux qui semble avoir un souci. Est-ce que c’est lié à l’âge ? A la condition physique ? A l’éducation ? A la vie de couple ? Au stress de la vie quotidienne ?
Il ne faut pas se leurrer, souvent ces changements s’effectuent dans le mauvais sens. Rares sont les gens aigris ou violents qui au fil du temps se transforment en véritables nounours. Force est de constater que c’est généralement l’inverse qui se produit : ce sont des gens doux et attentionnés qui deviennent durs et égoïstes.
J’ai longuement discuté avec une jeune femme que je nommerais ici Emilie, qui est en couple avec Vincent depuis 4 ans. Emilie me disait récemment qu’elle se demandait s’il ne fallait pas qu’elle quitte son conjoint, car ce n’était plus l’homme qu’elle avait rencontré. « Comment peut-on changer à ce point ? Je dors à côté de quelqu’un qui souvent me faire froid dans le dos, alors que j’étais si amoureuse la première année… C’est difficile, parce que très ponctuellement je revois en lui celui que j’ai connu et tant aimé. Le temps d’une journée, d’une soirée, parfois il redevient lui, enfin l’autre. Et je suis heureuse. Mais le lendemain c’est oublié, il est contrarié et se transforme en cet être lunatique qui me déplaît au plus haut point. Je ne peux plus vivre avec le stress constant d’avoir près de moi un homme lunatique (peut-être souffre-t-il carrément de trouble bipolaire), qui râle pour un rien, à qui rien ne va jamais, pour qui je ne suis à la hauteur de rien, ni capable de faire quoi que ce soit correctement… alors qu’il m’encourageait tant dans mes projets il y a quelques années… Bilan, je sombre peu à peu dans la dépression… »
Et quand je demande à Emilie pourquoi elle ne quitte pas Vincent, elle semble perdue : « Parce que je l’aime ! Je me raccroche à ces petits moments qui existent encore, où nous sommes complices, où il redevient celui que j’ai connu. Même s’il n’est plus protecteur, ni tendre, ni rieur, ni même détendu quand il est près de moi, de temps en temps on arrive à prendre du bon temps, notamment en dehors de notre foyer. Et quand il se met à rire, à faire le pitre, à me prendre dans ses bras, à chaque fois cela relance mon espoir et je me dis que ça vaut peut-être le coup de souffrir encore, même pour un moment de tendresse volé de temps en temps… »
Je lui ai alors demandé comment tout avait commencé : « J’ai l’impression que depuis quelques années nous avons pris deux routes séparées, qui ne convergent plus vers le même point de chute. On marche chacun sur notre route. Elles se rapprochent de temps en temps mais ne se croisent plus. J’ai sans arrêt l’impression que nous ne vivons pas du tout les événements de la même façon, alors que c’est précisément ce qui nous unissait à notre rencontre : les mêmes références, la même façon de voir le monde, la même philosophie de vie… Dans les grandes lignes nous étions à peu près complices sur tout !… Alors que se passe-t-il ? Par exemple, il est parti trois jours en déplacement professionnel à l’étranger. J’en ai profité pour nettoyer la maison à fond, notamment la chambre de notre bébé. Depuis plusieurs semaines je me faisais la réflexion que trop de jouets trainaient au sol, donc je suis allée acheter de quoi ranger cette chambre. J’ai également changé les meubles de disposition. J’étais surexcitée car le petit semblait vraiment apprécier son « nouvel espace ». La maison sentait bon, dehors il faisait beau et chaud, j’ai aéré chaque pièce pendant des heures, j’avais le cœur en fête. Dans la foulée j’ai nettoyé l’intérieur de ma voiture qui était sale depuis des mois, ce qui m’a encore plus réjouie. Bref ! Je venais de passer quelques jours enjoués avec notre fils et ma mère qui était venue nous voir. Vincent est rentré un samedi en milieu de journée de son voyage d’affaire. Fatigué, mou, décalé. Juste avant son déplacement, le pauvre venait de subir le décès d’un être proche. C’est vrai qu’il accumulait la fatigue (nerveuse surtout). Cependant son comportement a été le même qu’à chacun de ses retours, donc je ne pense pas que le décès dans sa famille rentre en ligne de compte… Il m’a fait la tête tout le WE. Je n’ai pas eu droit à un seul sourire, à un seul instant de tendresse. Quand je lui ai parlé avec enthousiasme de mon grand ménage, du rangement de la maison etc, il a répondu aussi sec : « Mais c’est normal de nettoyer sa maison, je ne vais quand même pas te féliciter pour quelque chose de normal… » Il a ainsi dénigré chacune de mes initiatives en une seule phrase, mettant ma bonne humeur et mon entrain KO en cinq secondes à peine.
Prenant sur moi, j’ai proposé d’aller au restaurant et au cinéma le dimanche. En réalité je n’avais pas envie de quitter la maison, en tout cas pas auprès de lui dans cet état. Il ne se comportait pas comme quelqu’un de triste non, il était plutôt désagréable, presque humiliant, désobligeant. Il me parlait comme si j’étais une enfant, mais pas la sienne, une espèce de sale peste détestable. C’est sa façon de se comporter à chaque fois qu’il est fatigué. Je ne supporte plus qu’il puisse s’adresser à moi sur ce ton, moi sa compagne, la mère de son enfant. Il a pourtant rit pendant le film. Mais en sortant du cinéma, de nouveau il a fait la tête.
Si encore ça restait occasionnel… mais c’est toutes les semaines comme ça. Quand il rentre tard le soir, quand il rentre de voyage, quand il ne dort pas assez le week-end. Décès ou pas, je reste persuadée qu’il n’a pas le droit de s’adresser à moi sur ce ton. Mais selon lui il ne fait rien de mal, c’est moi qui n’entends pas bien, ou pire c’est à cause de mes reproches qu’il est comme ça. C’est culoté car quand il rentre de voyage et que je n’ai encore rien dit, il est déjà dans cet état second. Cette fois c’est le décès de grand-mère le « prétexte » à son mal-être. Admettons… Moi quand je suis triste, j’ai tendant à faire le contraire, c’est-à-dire à me rapprocher de lui, à rechercher sa tendresse, son soutien. Lui m’éloigne de sa vie, car ses sautes d’humeur créent de plus en plus de distance entre nous. Si on fréquentait un couple qui ressemblait au nôtre, je suis sûre qu’il plaindrait la femme de tout son cœur. Souvent quand il part très loin en voyage, il réalise un certain nombre de choses et avoue sans difficultés qu’il n’est « pas gentil », ou qu’il est « trop exigeant », ou d’autres choses sensées qui me touchent sur le moment. Pourtant il réitère ses « erreurs » dès qu’il pose un pied dans la maison. »
« Je ne vois pas vraiment comment la situation dans ton couple peut s’arranger maintenant que la situation a pris de telles proportions », confiais-je un jour à Emilie. Elle me répondit, sûre d’elle : « Je fais partie de ces femmes qui s’accrochent et se battent pour leur amour. Il n’y a pas eu d’erreur d’une part ni de l’autre, pas de tromperie, pas de coup bas. Il y a juste une personne dans un couple qui visiblement fait partie de ces gens qui ont une résistance limitée au stress, et qui font « payer leur entourage » proche, en l’occurrence leur conjoint, pour tout ce stress accumulé dont ils ne parviennent pas à se défaire. Alors oui je suis malheureuse, ce n’est pas (ou plus) la vie de couple que je me souhaitais quand j’étais célibataire, ce n’est pas (ou plus) la belle vie du début de notre histoire, mais je reste convaincue que je peux aider Vincent, tant que j’ai encore cette petite flamme au fond de moi. A condition qu’il accepte d’ouvrir les yeux et d’avouer avec conviction que son tempérament fluctuant est à la limite de briser notre couple. Sans ça je ne pourrai pas continuer à avancer seule. J’ai très envie de l’aider, mais pas à n’importe quel prix, et pas au détriment de la qualité de MA vie. »
Source : agoravox.fr