Ceux qui pensaient que la compagnie française était au bord du gouffre ne vont plus rien comprendre. Air France-KLM, la maison-mère d’Air France et de KLM, a publié ce jeudi un bénéfice d’exploitation de 898 millions d’euros au troisième trimestre (juin-septembre) de son exercice 2015. Soit le plus gros profit opérationnel depuis la création du groupe en mai 2004.
Le record précédent (+725 millions) remontait au deuxième trimestre de l’exercice 2007-2008 (à l’époque, il était décalé), lequel s’étendait lui aussi de juillet à fin septembre, la meilleure période pour toutes les compagnies de l’hémisphère nord.
12,1% de marge d’exploitation
Le chiffre d’affaires s’étant élevé à 7,4 milliards (en hausse de 4,7%), Air France-KLM a dégagé une marge d’exploitation historique de 12,1% au cours du dernier trimestre, en hausse de 8,4 points. Soit une amélioration de 304 millions d’euros par rapport au même trimestre de l’année 2014 (en tenant compte de la grève des pilotes de septembre 2014). Le bénéfice net s’élève à 480 millions.
Sur les neuf premiers mois de l’année, le bénéfice d’exploitation s’élève à 666 millions d’euros, tandis que le résultat net reste négatif (-158 millions). La dette nette a été diminuée de plus d’un milliard par rapport à fin 2014, à 4,33 milliards d’euros.
« Un environnement favorable, principalement marqué par la baisse du prix du carburant et par une forte demande à l’été, conduit à une amélioration des résultats d’Air France-KLM. Ces effets conjoncturels viennent s’ajouter aux effets positifs du plan Transform 2015 engagé depuis 2012. Cette progression ne permet cependant ni de combler le différentiel de compétitivité avec nos concurrents ni de disposer des moyens de financer la croissance du groupe. La mise en œuvre du plan Perform est donc indispensable car la baisse des coûts unitaires est le principal levier dont Air France-KLM dispose pour trouver une croissance rentable dans un environnement concurrentiel. La reprise rapide des négociations avec les organisations professionnelles, à laquelle l’entreprise les invite, est un élément essentiel de la réussite», a déclaré Alexandre de Juniac, le Pdg d’Air France-KLM dans un communiqué.
Lufthansa et IAG font largement mieux
Certes ces bons résultats sont ceux d’Air France-KLM et pas ceux d’Air France. Certes, ils sont largement inférieurs à ceux de Lufthansa et de IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling). Au cours des neuf premiers mois de l’année le groupe allemand a dégagé un bénéfice d’exploitation de 1,7 milliard d’euros et son rival britannique de 1,8 milliard d’euros. Soit 2,5 fois plus que le résultat d’Air France-KLM (666 millions)
Certes Alexandre de Juniac a raison de chercher à améliorer la compétitivité du groupe qui aurait beaucoup de mal à résister à la remontée du prix du baril dans quelques années ou à un retournement de cycle brutal. Pour autant, il est indéniable que ces résultats confortent la position d’une grande partie des syndicats qui ne voient pas l’utilité de faire de nouveaux efforts ou qui estiment qu’il n’y a pas le feu au lac.
Interrogé ce jeudi sur ce sujet, Pierre-François Riolacci, le directeur financier du groupe, a rappelé que la direction n’avait jamais justifié le plan de restructuration par un risque de faillite à court terme.
“Nos résultats démontrent que les mesures que nous avons prises comme la montée en gamme ou l’ajustement du réseau, fonctionnent, et que les efforts des salariés ont porté leurs fruits. Nous disons aux personnels, vos efforts ont payé, il faut les continuer”, a-t-il dit.
Confusion
Ces résultats risquent de facto de causer le trouble parmi les politiques qui soutenaient la direction. Difficile en effet de faire comprendre à l’opinion que l’on soutient un plan de restructuration impliquant 2.900 suppressions de postes quand l’entreprise est dans le vert, même si elle reste fragile. C’était un peu l’objectif du SNPL qui a trouvé mille combines depuis le début de l’année pour ne pas négocier. Difficile aussi pour le gouvernement de soutenir une restructuration en restant sourd aux attentes des syndicats et de la direction pour la mise en place d’un environnement plus favorable permettant à Air France de mieux lutter contre les compagnies étrangères. Autrement dit en supprimant certaines charges inhérentes au transport aérien.
Les coûts baissent moins que prévu
Pour autant, les baisses de recettes unitaires (-4% sur long-courrier) et la révision à la baisse des prévisions de réduction des coûts unitaires en 2015 confirment qu’Air France-KLM est loin d’être sortie d’affaire. “En raison de la révision à la baisse de la croissance des capacités sur le quatrième trimestre, du retard pris dans l’application des dernières mesures du plan Transform 2015 et de l’absence de contribution significative des nouvelles mesures Perform 2020 chez Air France”, le groupe indique avoir révisé son objectif de baisse du coût par passager en 2015. Cette baisse est désormais prévue “entre 0,5% et 0,7%”, contre un objectif précédent de 1 à 1,3%.
Surtout, le groupe prévoit une forte augmentation de capacités cet hiver qui risque de mettre une fois de plus les recettes unitaires sous pression.
Les négociations sont dans l’impasse
Et maintenant ? C’est le flou le plus total. Pour rappel, après l’échec des négociations au 30 septembre dernier, la direction a proposé de les rouvrir en fixant une nouvelle date butoir à début janvier pour aboutir à un accord. A défaut, le plan B qui prévoit la suppression de 2.900 postes serait appliqué.
Or les négociations n’ont pas repris. Et ne sont pas prêtes de reprendre. L’intersyndicale a indiqué ce mercredi qu’elle ne retournera pas à la table des négociations tant que la direction n’aura pas levé les procédures disciplinaires à l’encontre des salariés mis en cause dans l’agression de deux directeurs de la compagnie.
avec latribune