Ça pourrait bien mal tourner en Mer de Chine, car, là-bas aussi, la limite a été atteinte. Comme le montre cette analyse et la carte ci-dessous, la Chine a absolument besoin de desserrer l’étau dans lequel elle a été peu à peu enfermée. Une fois que l’on a compris la situation réelle, il devient clair que, si les Etats-Unis ne cèdent pas, il n’y a aucune chance pour que la Chine recule d’un pouce. On devine alors ce qui pourrait se passer. RI
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A l’autre extrémité de l’échiquier eurasiatique et à 8 000 km du conflit syrien, la tension est brusquement montée d’un cran en mer de Chine méridionale autour de l’archipel disputé des Spratleys. Un navire de guerre américain s’est approché mardi à moins de 12 milles d’îles artificielles que Pékin construit dans la zone, entraînant une réaction assez furieuse de Pékin qui a convoqué l’ambassadeur des Etats-Unis. Washington semble pourtant prêt à une dangereuse escalade, menaçant de répéter la manoeuvre.
La Chine revendique des droits sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale et y mène de colossales opérations de remblaiement, transformant avec, il faut le reconnaître, une certaine mauvaise foi des récifs coralliens en « îles chinoises » afin d’étendre sa souveraineté maritime.
En mer de Chine méridionale, la dispute tourne autour de deux archipels inhabités mais stratégiquement de la plus haute valeur : les Paracels et surtout les Spratleys, également revendiqués par le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, Brunei et le gouvernement chinois nationaliste de Taïwan. En mer de Chine orientale, on se rappelle la dangereuse querelle sino-japonaise des îles Senkaku/Dyaoshu, culminant en 2012-2013 mais toujours latente.
Si les journaux ont narré l’événement, certains faisant même parfois un effort pour « comprendre » la situation, analysant la lutte pour le contrôle de l’une des routes maritimes les plus stratégiques du globe, la toile de fond est malheureusement totalement occultée. Elle explique pourtant tout…
Une carte vaut parfois tous les discours. Nous sommes évidemment en plein Grand jeu, qui voit la tentative de containment du Heartlandeurasien par la puissance maritime américaine. Les disputes territoriales autour des Spratleys, des Paracels ou des Senkaku/Dyaoshu ne concernent pas une quelconque volonté de mettre la main sur d’éventuelles ressources énergétiques ou routes stratégiques, ou alors seulement en deuxième instance. Il s’agit avant tout pour le Heartland, la Chine en l’occurrence, de briser l’encerclement US et de s’ouvrir des routes vers le Rimland et vers l’océan, exactement comme la Russie le fait sur la partie ouest de l’échiquier avec ses pipelines et ses alliances de revers.
La présence américaine en Extrême-Orient est l’héritage de l’immédiat après-guerre (tiens, tiens, justement la période des père fondateurs de la pensée stratégique états-unienne, MacKinder et Spykman). Japon (1945), Taïwan (1949), Corée (1950) : la boucle était bouclée et l’Eurasie cernée à l’est, comme elle l’était à l’ouest par l’OTAN, au Moyen-Orient par le CENTO et en Asie du sud et sud-est par l’OTASE. La guerre froide entre les deux Corées ou entre Pékin et Taïwan sont évidemment du pain béni pour Washington, prétexte au maintien des bases américaines dans la région.
Le double plan de la puissance maritime – diviser le continent-monde à l’intérieur, l’encercler à l’extérieur – a atteint son acmé avec larupture sino-soviétique de 1960. Un demi-siècle plus tard, que d’eau a coulé sous les ponts… Même s’il reste bien entendu de nombreuses pierres d’achoppement, l’Eurasie n’a jamais été aussi unie (symbiose russo-chinoise, Organisation de Coopération de Shanghai…), rendant caduque la première partie du plan. Quant au deuxième axiome, il fuit de partout.
Pour les Etats-Unis, le sud du Rimland semble définitivement perdu (entrée de l’Inde et du Pakistan dans l’OCS, fiasco afghan), le Moyen-Orient tangue sérieusement (Syrie, Iran, Irak maintenant, voire Yémen). Restent les deux extrémités occidentale (Europe) et orientale (mers de Chine) de l’échiquier où l’empire maritime s’arc-boute afin de ne pas lâcher. La bataille pour l’Europe (noyautage des institutions européennes, putsch ukrainien, manigances balkaniques vs pipelines russes, routes de la Soie chinoises, soutien moscovite à l’anti-système) est en cours. A des milliers de kilomètres de là, en Orient, un conflit jumeau s’annonce dont nous assistons actuellement aux prémices…
source: http://chroniquesdugrandjeu.over-blog.com/2015/10/ca-chauffe-en-mer-de-chine.html