CONAKRY- L’ancien Chef du Gouvernement de transition en Guinée, Jean Marie Doré, vient de faire une analyse sur les raisons de l’échec de l’opposition lors de l’élection présidentielle du 11 octobre dernier. Jean Marie Doré qui avait jusque là gardé le silence, est sorti de son mutisme pour tancer ses anciens amis de l’opposition. Des « erreurs » commises par cette dernière, aux « fautes » de Cellou Dalein Diallo », Jean Marie Doré a voulu dire tout ! Dans cet entretien exclusif accordé à notre rédaction, l’ancien locataire de la Primature guinéenne révèle également les motivations de son choix de soutenir Alpha Condé lors du scrutin présidentiel du 11 octobre 2015. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Honorable Jean Marie Doré bonjour !
JEAN MARIE DORE : Bonjour Monsieur Diallo !
Alpha Condé vient d’être réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle avec le score de 57.85% des suffrages. Etes-vous surpris de cette victoire ?
Non, c’était prévisible. J’avais parlé de ça avec vous. J’avais dit que la surprise serait qu’il ne soit pas élu au premier tour. Donc moi je ne suis pas surpris.
Quel a été votre apport dans cette victoire ?
Comme l’apport de tous les partis politiques impliqués, si vous optez pour un camp, vous devez faire campagne pour ce camp. C’est ce que nous avons fait. Nous avons quitté l’hésitation ou plutôt le neutralisme qui est notre ligne de conduite, parce que l’accumulation des graves erreurs par l’opposition, ne nous encourageait pas à aller partager la responsabilité de ses erreurs. C’est pourquoi nous avons pris notre chemin, la position médiane en soutenant Alpha Condé.
Selon vous qu’est-ce qui expliquerait l’échec de l’opposition ?
Je l’ai dit dans les colonnes des journaux que l’opposition ne prenait pas Alpha Condé au sérieux. J’ai dit que c’est une faute mortelle, parce que, eux, ils sont des amateurs. La plupart des cadres politiques actuels, en dehors du groupe que nous représentions, mes amis Bâ Mamadou et Siradiou Diallo, paix à leurs âmes patriotiques, je me demande comment se fera la relève. Elle se fera, mais quelle sera sa qualité. La plupart des cadres politiques actuels, c’est des émotifs, ils sont pressés de publier des bulletins de victoire. Ils ont signé des papiers qui n’avaient pas de valeurs pour eux. On ne les a pas forcés, ils l’ont fait librement. Ils ont chanté des cocoricos d’avoir enfin contraint le gouvernement à signer un document qui l’engage. Le Gouvernement a appliqué ces documents. Mais ce qui est surprenant, c’est que, sur la foi de ces documents, et dans une interprétation extensive incompréhensible, qu’ils voulaient favorable, qui soulignait leur compétence politique, ils ont envoyé leurs militants se faire recenser. Ils ont été impliqués dans toutes les opérations du processus électoral, ils ont voté, ils ont décompté, et c’est l’affluence des bulletins de victoire d’Alpha qui leur fait revenir en arrière pour dire qu’il y a la fraude et qu’ils ne reconnaissent pas les résultats. Mais il faut être fou pour donner du sérieux à une telle prise de position. C’est impossible.
Même si on me garrotait, je ne peux pas faire confiance à des enfants comme ça. Ils sont tombés dans la banalité intellectuelle. Ils ont confondu l’élan de leur cœur avec le raisonnement factuel qui tient compte de ce qui est. Donc, je pense que l’élection d’Alpha Condé a été une élection correcte. Si j’en juge sur la foi de la qualité de la campagne en forêt, la qualité du déroulement des opérations de vote, je pense que c’est la première fois que des élections ont lieu dans des conditions si régulières.
Maintenant on peut accuser la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) de tout ce que l’on veut comme maux, mais elle a fait son travail. Ils avaient dit qu’ils allaient retirer leurs membres, ils ne l’ont pas fait. Ils ont demandé la modification de la CENI en cours du processus, ils ne l’ont pas obtenu, mais ils ont travaillé avec la CENI. Ils n’étaient pas ligotés, ils n’avaient pas des menottes aux mains, ils l’ont fait librement. Donc ici, il ne faut pas que l’opposition croit que sans elle la Guinée ne peut pas évoluer. De toutes les thèses de l’opposition, quelle est la plus valable jusqu’ici ? Elles ont toutes conduit à l’échec. Voilà ! On ne peut pas donner sa confiance à un attroupement hétéroclite, sans armes et sans orientation. C’est tout.
Dans tout cela, ce qui est important, c’est l’intérêt de la Guinée, ce n’est pas venir dans le parti de M. Doré ou aller dans le RPG-arc-en-ciel ou chez M. Cellou ou chez M. Sidya Touré. Est-ce qu’en les élisant, on marche dans la ligne de l’histoire du développement de la Guinée. C’est ça le problème. C’est tout cela qui m’a conduit à opter pour la ligne politique d’Alpha Condé et à dire qu’il ne faut pas faire des perturbations pour le plaisir de faire de la tempête. Lui-même il a tiré les leçons de la gestion des cinq années passées. Je crois qu’il tiendra compte de certaines erreurs et de certaines orientations qui n’étaient compatibles avec l’application de son programme. Il annoncé le principe directeur de son action : on ne fera plus de nomination politique, c’est-à-dire recruter quelqu’un à un poste important de l’Etat simplement parce que c’est un militant de la première heure ou c’est parce qu’il est un militant actif. Je crois que si ce principe est appliqué correctement, il n’y a aucune raison de douter du succès qu’il espère et attend avec les guinéens.
Aujourd’hui, l’opposition crie à la fraude, et au-delà de ça son unité est en train de voler à l’éclat. Comment expliquez-vous cela ?
J’ai toujours dit qu’elle est bête, elle est sotte et ses dirigeants sont des nullards. Les gens croient que, c’est parce qu’on a été ministre dans sa vie, on est un homme politique. Ce n’est pas vrai ! Déjà l’accord du 03 juillet était en soi une faute. Puis l’acceptation par le Chef de l’opposition (Cellou Dalein Diallo, ndlr) de la date du 28 septembre, c’était encore une faute grosse. Dans la salle j’ai quitté. Parce qu’il était impossible d’organiser les élections. Nous demandions un mois de délai pour approcher la CENI et faire les corrections nécessaires. J’ai été voir Cellou qui m’a juré que non, si on ne nous donne pas au moins trois semaines pour faire enlever du processus toutes les fautes grossières ou les causes des fraudes à venir, que jamais lui, ne participera aux élections.
Puis en arrivant à la maison commune au PNUD, Baadikko me dit : “M. Doré comment vous pouvez accepter qu’on aille aux élections ? J’ai dit non qu’on est tous d’accord qu’il faut reporter à trois semaines. Il m’a répondu « non » que Cellou vient de parler. Ça c’est poignarder les gens dans le dos. Comment voulez-vous que je suive des types comme ça, qui ne savent pas penser ?
La gestion du politique, c’est le concret. Ce n’est pas dans le rêve où le contradictoire cohabite. Vous planez en l’air en même temps vous nagez sous l’eau. Ça c’est impossible en politique parce qu’en politique c’est le réel. Vous agissez sur la matière qui demande à être reformée. Donc, l’opposition est partie d’erreur en erreur et souvent elle parlait par la bouche des gens qui ne représentaient absolument rien sur le terrain, mais qui avaient une vocalise comme le mont blanc. M. Cellou était guidé par ces gens qui répétaient comme le dictaphone là, ce qu’on lui disait de dire. Il a cru qu’il a une Cour. Mais quand on a une Cour, on n’accepte pas qu’un petit vicomte vienne à la place d’un duc pour prendre des décisions.
Je pense que l’opposition est la cause de ses propres malheurs. Il faut que les journalistes aussi soient honnêtes pour oser dire la vérité. En Guinée dès que quelqu’un est de l’opposition, c’est comme s’il détient la vérité absolue. Et que celui qui est en face est un imbécile. C’est le raisonnement qui doit être pris en charge et non pas parce que tel est opposant. Le fait d’insulter personnellement Alpha Condé ajoute quoi au débat ? Je ne vois pas. Et puis encenser le Chef de l’opposition qui ne fait que déblatérer, qui n’a pas les épaules assez solides pour porter le bagage qui est le sien. Parce qu’il prétend représenter le Foutah qui est une région assez complexe. Ne pas en tenir compte est une faute. Maintenant quand il voit le basin blanc sur ses épaules, il se voit en petit César. C’est pourquoi le suffrage l’a écrasé. La fanfaronnade n’est pas de mise dans la réflexion qui conduit à une décision politique.
La région forestière est un grand réservoir électoral du pays. Comment expliquez-vous que les trois candidats (Faya Milomono, Gandhi, Papa Koly) issus de cette région n’aient pas pu obtenir un score honorable lors de ces élections ?
(Rires !!!) Ce qui est valable en basse Guinée, au Foutah ou en haute Guinée, peut l’être aussi en Forêt. Nous avons tenu 25 réunions ici pour former le CPAD (coalition des partis pour l’alternance démocratique) dont le rôle était d’amener la région forestière à choisir un seul candidat. Des voix se sont levées, chacun regardait la carrure de ses épaules pour montrer qu’il est quelqu’un. Or, on ne créée pas un parti le lundi et se présenter aux élections présidentielles le vendredi. Ça n’a aucun sens. Ces gens là ne représentaient rien sur le terrain en forêt.
On m’avait dit M. Doré, les notables ont été consultés pour ça ; est-ce que vous pouvez faire la place aux jeunes. J’ai applaudi. Parce qu’au fond c’est une bonne idée de les voir voler de leurs propres ailes. A cet endroit où vous êtes assis, j’ai reçu ces notables qui sont des gens honorables, intelligents, des universitaires compétents. J’ai dit que je laisse le champ libre à Gandhi. (Rires) Ils sont partis, Gandhi attaque Faya Milimono qui attaque Jean Marc. L’électeur le plus bête ne pouvait pas voter pour des gens comme ça. Et puis ces gens là sont des figures nouvelles en politique.
Il faut savoir que l’ivresse qu’on a à l’Université ne remplace pas l’étude de la politique. Il faut partir de l’essence du politique, voir ses relations avec les autres sciences sociales, puis se servir de tout pour faire des analyses de société, des analyses économiques, psychologiques pointues. En ce moment on s’adresse aux masses avec le langage qu’elles peuvent comprendre (…)
Il fallait laisser cette expérience se faire pour que, s’il y a du bon sens, les gens se disent, il n’y a que dans l’unité d’actions que l’on peut réussir. Il est dans la nature des choses qu’on laisse la place à ces jeunes. Vous, du journalisme à la politique, la distance n’est pas longue. Vous vous rendez compte que souvent certaines de vos analyses sont souvent théoriques.
Pour chapeauter le tout, en Guinée on ne vote pas sur le programme. C’est normal. Parce que le programme est écrit. Mais le paysan ne sait pas lire ni écrire. Il croit en un homme qui pour lui représente la vérité et la science. Il vote pour cet homme là, sauf exception.
avec africaguinee