La e-cigarette a ses défenseurs : l’appel des 120 médecins en faveur de la cigarette électronique face aux effets néfastes du tabac fait grand bruit. 2 d’entre eux ont expliqué le but de cette mobilisation.
E-CIGARETTE. Entre principe de précaution et réduction des risques malheureusement trop bien connus du tabac, ils ont choisis. 120 médecins de toutes spécialités confondues on signé un texte appelant à la promotion de la cigarette électronique comme outil de lutte anti-tabac à part entière. L’objectif ? La réduction des risques du tabagisme en “s’appuyant sur tout le potentiel de la cigarette électronique”. Et quels risques ! À l’origine de 73.000 décès chaque année, le tabac reste la première cause de mortalité évitable en France. Cancers (poumon, œsophage, vessie, pancréas, rein, col de l’utérus…) mais également maladies cardiovasculaires (infarctus, accidents vasculaire cérébral) et pathologies respiratoires chroniques.
1. Pourquoi ces médecins se mobilisent-ils pour la cigarette électronique ?
Lancée à l’initiative du président de l’association SOS Addictions, le Dr Philippe Presles, l’appel met en avant le rapport de la Public Health England, agence dépendante du ministère de la Santé britannique, qui a établi en août 2015 que la cigarette électronique était 95 % moins nocive que le tabac. “Nous avions déjà lancé un appel de ce type en 2014 qui n’avait pas vraiment eu l’effet escompté, explique à Sciences et Avenir le Dr Presles. Pour nous, le rapport de la Public Health England doit faire date et nous paraît donc justifier ce nouvel appel adressé au gouvernement de Manuel Valls”. Addictologue, tabacologue, mais aussi cardiologues, neurologues, psychiatres, ophtalmologues… L’appel est signé de médecins de toutes spécialités, “car le tabagisme a un impact sur l’ensemble de la santé. Toutes les spécialités sont concernées par cet enjeux de santé publique”, explique le Dr Philippe Presles.
2. Comment être certain que la cigarette électronique est un dispositif sûr ? Ou, moins nocive que le tabac ?
Aujourd’hui, près de 2/3 des fumeurs français considèrent que la e-cigarette est aussi voire plus dangereuse que le tabac. Un chiffre qui inquiète les spécialistes signataires de l’appel qui insistent sur la “quasi-innocuité pour les fumeurs et les non-fumeurs” du dispositif. “La vapeur dégagée par une cigarette électronique est composée à 98 % d’eau”, rappelle à Sciences et Avenir le Dr Presles.
Mais qu’en est-il des 2 % restants ? Et de la nicotine présente dans certains e-liquides ? Le principe de la e-cigarette ayant tout juste 10 ans en cette année 2015, qu’en est-il des effets à long terme n’ayant pas pu être étudiés ? Interrogé par Sciences et Avenir sur la place du principe de précaution, le tabacologue Jacques Le Houezec rappelle que “dans la vie, rien n’est jamais sûr à 100 %. A terme, même respirer peut s’avérer nocif ! Aujourd’hui, il est clair que ce dispositif, en permettant à des gros fumeurs d’arrêter le tabac plus facilement que jamais, peut sauver des vies.”Quant à l’addiction à la nicotine qui perdure chez les vapoteurs, le tabacologue, spécialiste de la question explique : “Je m’efforce de dédiaboliser la nicotine qui n’est ni plus ni moins nocive que la caféine ou la théine. Il s’agit d’un psychostimulant dont la dépendance ne constitue pas en soi un problème de santé publique. Au contraire du tabac dont tout le problème tient au phénomène de combustion dégageant les produits toxiques et cancérogènes désormais bien connus (cf. cliquez sur l’infographie ci-contre). D’ailleurs, si vous fumiez de la laitue, ce serait pareil !”
Le Dr Presles insiste lui sur l’innocuité des produits utilisés dans les liquides : “il n’y a que des choses qu’on retrouve dans notre alimentation quotidienne”.
Reste qu’il a fallu un recul de 10, 20 voire 30 ans pour que la science mesure tous les dangers du tabac sur la santé. Et, étant donné son caractère bien moins nocif, “il faudrait au moins 50 ans de recul pour évaluer pleinement les effets de la cigarette électronique. Que faudrait-il faire en attendant ? Laisser les gens fumer en leur disant ‘au moins là on sait à quoi s’attendre’ ?”, fait semblant de s’interroger le Dr Le Houezec.
3. Quel est l’objectif poursuivi par cet appel au gouvernement ?
“Nous espérons faire bouger les lignes de façon à ce que les autorités françaises se rapprochent de la politique de réduction des risques qui se met en place au Royaume-Uni, explique le Dr Presles. Mais nous n’ignorons pas que le politique subit des influences parfois puissantes comme celle de l’industrie du tabac.”
“Il faut en général 10 ans au corps médical pour adopter des nouveautés bénéfiques à la santé, poursuit le président de SOS Addictions. Mais aujourd’hui, on estime que la moitié des médecins sont prêts à recommander à leur patient de passer à la e-cigarette, si cela leur permet d’arrêter le tabac.” Car il est bien sûr hors de propos de faire la promotion du dispositif en dehors d’une logique de lutte contre le tabagisme. Le Dr Presles résume ainsi la situation : “Il existe trois leviers dans la lutte anti-tabac : l’augmentation du prix d’achat, la dénormalisation qui passe par des campagnes de sensibilisation, habillage des paquets avec des images de dissuasion, et, troisièmement, la réduction des risques via des outils tels que les patchs, les nicorettes, etc. La cigarette électronique possède un potentiel important dans cette logique, et il devrait être pris en compte.”
avec scienceetavenir