« L’Éducation de l’homme commence à sa naissance ». On se souvient des propos d’Emile ou de l’éducation. Une sentence que ne démentira guère l’Empire du Milieu. Célèbre marronnier de la pré-rentrée : le classement de l’Université de Shanghaï. Les universités françaises y figurent une nouvelle fois parmi les grandes absentes : seulement 3 dans le top 100. La Chine deviendrait-elle un espace normatif pour l’éducation ? D’où vient la légitimité internationale de ce classement ? L’occasion de revenir sur le rôle de l’éducation en Chine à l’heure où les enfants français s’apprêtent à redécouvrir cartables et cahiers.Le Classement de Shanghaï. Un titre à lui seul. Chaque année, le même scénario reprend. A la mi-août tous les regards se dirigent vers le classement qui fait autorité pour classer les universités du monde entier. Tout en étant, à plusieurs reprises, contesté en raison de sa méthodologie qui favorise trop les grandes Universités ayant des Prix Nobels. Pour trouver un établissement français, il faut se rendre à la 40ème place : c’est l’Université Pierre et Marie Curie. La Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal se réjouit pourtant de la progression des établissements français dans le top 100. Aussi, elle s’exprime dans un communiqué: “Cette stabilité d’ensemble combinée à des progressions individuelles significatives témoigne de la solidité de la position des universités françaises”.
Des Ivy League made in China
Ce classement académique a été initié par l’université Jiao-Tong de Shanghai fondée en 1896. Pour l’édition 2017, Harvard, Stanford et Cambridge dominent le classement. Un nombre croissant de Chinois n’hésitent d’ailleurs pas à inscrire leurs enfants dans ces grandes universités anglo-saxonnes afin de leur permettre une ouverture sur le monde. Ainsi, en se rendant dans des Ivy League, on entend de plus en plus parler mandarin. Mais le gouvernement chinois souhaite aussi que ses universités deviennent plus compétitives. A ce titre, le projet 221, lancé au milieu des années 1990, a fait naître plusieurs centaines d’universités à travers le pays.
Autre grande politique en matière d’éducation : le club C9. Equivalent de l’Ivy League américaine ou de l’Elite Universität en Allemagne, le très refermé groupe C9 rassemble 9 des meilleures universités en Chine dont l’ambition est mondiale. Parmi elles, Fudan à Shanghaï, Tsinghua et Beida à Pékin. Ces 9 universités représentent seulement 3% des chercheurs mais reçoivent à ce titre près de 10% des dépenses en recherche du pays. Ainsi, la Chine souhaite se doter d’un système éducatif compétitif comme le souligne leur rapide remontée dans le classement de Shanghaï.
Garder la face pour le Bac chinois
Valérie Masset, Avocate au barreau de Paris et travaillant avec la Chine, souligne l’héritage de l’enseignement de Confucius dans le système éducatif chinois : la sélection, le respect de la hiérarchie et l’excellence dominent l’éducation en Chine. La médiocrité n’a pas sa place. « Nous sommes frères par la nature mais étrangers par l’éducation », disait Confucius.
Ainsi, l’humanité (rén 仁), concept clef de la pensée chinoise, n’est pas innée mais acquise par l’instruction. Quid alors de l’élève chinois au XXIème siècle? Benoit Anger, Directeur du marketing et des admission de Skema Business School, brosse le portrait d’un “élève sérieux et travailleur. Cela s’explique par son mode d’apprentissage spécifique : beaucoup de par cœur. Si en France, on développe la culture d’interaction, en Chine, au contraire, on n’interrompt pas le cours du Professeur.”
La volonté de réussir est bien là : “Il ne faut pas faire d’impair. Ne pas perdre la face ou le mianzi (面子) en chinois » prévient Benoît Anger. La pression familiale est, dès lors, au rendez-vous pour celui ou celle, qui bien souvent encore, est l’unique enfant du foyer. Le GaoKao, le bac en Chine est déterminant. En fonction de son rang, on intègre une université plus ou moins prestigieuse. Faits intéressants : certaines minorités chinoises bénéficient d’un bonus à l’examen. A l’inverse, l’examen est plus difficile pour les Han de l’intérieur des campagnes dans le but de limiter un afflux trop important vers les zones côtières plus développées. Cet examen fait alors l’objet de pression familiale dès le plus jeune âge. Comme dans de nombreux univers, la Chine continue de susciter chez les Occidentaux surprise et incompréhension. Et son système éducatif ne déroge pas à la règle.
Là où le monde de demain se construit
Les Business Schools se mettent elles aussi à l’heure chinoise. On ne compte en effet plus les grandes écoles de commerce qui ont ouvert un campus en Chine comme l’Emlyon Business School ou New- York University à Shanghaï. Non loin d’elle, à moins d’une centaine de kilomètres, direction Suzhou pour découvrir le campus de Skema. Située dans la province de Jiangsu, Suzhou, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, est une ville à part. Un proverbe chinois lui est d’ailleurs consacré louant ses merveilleux jardins. On y retrouve l’art traditionnel chinois. Un paysage bucolique à savourer mais dans un centre technologique et industriel des plus prometteurs. Passionné par l’Empire du Milieu, Benoit Anger explique la volonté pour l’école d’être présente “là où le monde de demain se construit”. L’école de commerce internationale a choisi Suzhou car elle mise sur cet espace de forte croissante. Le campus chinois de l’école accueille aussi bien des étudiants internationaux que chinois. Au total, plus d’une vingtaine de nationalités. Les cours sont eux eclusivement en anglais. Les élèves de la Business School française tirent profit des potentialités multiples de l’environnement extérieur. En cours, ils sont également immergés. “Ils mènent des études de cas sur des entreprises présentes en Chine”, explique Benoît Anger.
« La dernière Classe », un classique oublié ressuscité en Chine
Pour finir, qui aurait cru que l’auteur du récit Les Trois Messes basses, Alphonse Daudet, deviendrait un des auteurs français les plus connus de Chine ? Celui-ci figure en effet dans nombre de manuels scolaires, dont celui de la province du Jiangsu à côté de Shanghaï. « Ce texte m’a profondément marqué et je suis étonnée qu’on en parle si peu en France », note Huiwen Zhang, étudiante chinoise à l’ESSEC. Cet auteur est de fait extrêmement connu en Chine. La renommée de ce texte s’expliquant par sa teneur patriotique. L’ultime apostrophe du professeur – donnant son dernier cours après l’arrivée des prussiens en Alsace en 1870 – souligne parfaitement ce sentiment patriotique : « Vive la France ».
Un petit texte à redécouvrir et à relire avant cette rentrée. Car si l’éducation joue un rôle de plus en plus important pour chaque chinois, c’est parce qu’elle incarne l’espoir d’un avenir meilleur combinant harmonie et prospérité. Alors à tous les futurs écoliers: 好回报*
*; bonne rentrée
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