La compagnie aérienne Delta Air Lines négocie avec Bombardier pour que les 75 CS100 commandés l’année dernière soient assemblés en Alabama plutôt qu’au Canada, conséquence de la dispute transfrontalière avec Boeing.
Le Senior VP flotte et chaîne d’approvisionnement de la compagnie américaine Greg May a confirmé le 18 décembre 2017 avoir demandé des garanties à l’avionneur canadien pour que les CS100 soient assemblés dans la future FAL de Mobile en Alabama, promise par Airbus quand il a pris le contrôle du programme CSeries en octobre dernier. Le dirigeant reconnait dans Flightglobal que le contrat actuel avec Bombardier ne permet pas à Delta Air Lines de refuser des monocouloirs assemblés à Mirabel ; mais l’amendement des conditions de livraisons pourrait être finalisé dès le mois prochain, ont confirmé lundi des officiels de Bombardier devant la Commission du commerce international (ITC) aux Etats-Unis. Le contrat pour 75 CS100 avait été conclu en avril 2016, un contrat estimé à 5,6 milliards de dollars au prix catalogue ; les premières livraisons étaient alors prévues l’année prochaine, alors que dans le meilleur des cas le premier CSeries « made in America » ne sera pas assemblé avant deux ans ; « nous sommes prêts à attendre autant qu’il le faudra », a souligné Greg May.
Si Airbus ne rencontre pas de problème avec les autorités de la concurrence, une FAL pour les CSeries sera construite à Mobile, à côté de celle produisant des monocouloirs de la famille A320. Bombardier rappelait lundi que cette nouvelle chaîne d’assemblage en Alabama, un investissement d’environ 300 millions de dollars, ajoutera 400 à 500 emplois directs « ainsi que des milliers d’autres emplois indirects et induits » aux États-Unis. Ces nouveaux emplois et investissements américains « s’ajoutent aux 22.700 emplois déjà soutenus par le programme CSeries de Bombardier grâce à sa base d’approvisionnement américaine », ajoutait l’avionneur après son audition devant l’ITC.
Une audition rendue nécessaire suite aux accusations de Boeing sur le « dumping illégal » des CS100 aux Etats-Unis, l’avionneur américain considérant que les pertes financières de Bombardier (500 millions de dollars) étaient liées directement à une vente à perte de ses CSeries – un programme qui a en outre bénéficié d’un investissement du gouvernement canadien. Un jugement préliminaire du ministère américain du commerce permet l’imposition d’une taxe de 299% sur l’importation du CS100 ; Delta Air lines affirme depuis octobre qu’elle ne la paiera pas.
La décision finale de l’ITC sur les importations de CSeries est attendue en janvier ou février 2018. Lundi, le VP Communications et Affaire publiques de Bombardier déclarait après l’audience être « très satisfait de la preuve présentée aujourd’hui par Bombardier, Delta et d’autres qui démontre que la plainte de Boeing est une attaque sans fondement contre les compagnies aériennes, le public voyageur et l’industrie aéronautique américaine. Cela est vrai depuis le début de l’enquête, et les récents développements le rendent encore plus clair. Plus important encore, le partenariat C Series entre Bombardier et Airbus prévoit la construction d’une nouvelle usine de fabrication en Alabama, aux États-Unis. Ces installations fourniront aux compagnies aériennes américaines un avion construit aux États-Unis, éliminant ainsi toute possibilité que Boeing soit lésé par des importations ». Il a souligné que la Commission avait également entendu « des preuves claires que les avions CSeries ne menacent aucunement Boeing », qui « n’a pas participé à la course » pour vendre des avions à Delta puisqu’il ne produit plus d’appareil de la taille désirée, ayant cessé d’assembler les 717 et 737-600. « De plus, Boeing a reconnu avoir dépassé ses capacités de production de 737 avec plus de 4300 avions dans son carnet de commande », a conclu le représentant de Bombardier.
Boeing a de son côté déclaré ce même jour avoir intenté cette action en vue de l’application de la législation commerciale américaine, qui « reflète les règles largement acceptées du commerce international adoptées par la plupart des pays membres de l’OMC, y compris le Canada ». Les enquêtes du Département du commerce et de l’ITC qui en découlent « s’inscrivent dans le cadre d’un processus factuel de longue date, transparent et rigoureux visant à résoudre précisément ces types de différends commerciaux. L’audience d’aujourd’hui était simplement une nouvelle étape de ce processus, car l’ITC a tenu compte de nombreux éléments de preuve qui ont souligné le tort causé par les actions illicites de Bombardier à l’industrie américaine », poursuit Boeing. Selon lui, ces enquêtes ont déjà établi « sans aucun doute » que Bombardier a reçu des milliards de dollars « en subventions gouvernementales illégales » pour soutenir son programme CSeries, qui « n’existerait même pas à ce stade sans ces subventions ». Les enquêtes ont également prouvé que Bombardier a utilisé ces fonds du gouvernement pour vendre des avions sur le marché américain « à des prix ridiculement bas, des millions en dessous de leur coût de production et des millions en dessous du prix du même avion au Canada ». La conduite de Bombardier est « carrément incompatible avec le droit commercial américain et a causé de graves préjudices à Boeing, à ses employés et à ses fournisseurs ». Le communiqué conclut que Boeing « se réjouit de la concurrence, mais il doit s’agir d’une compétition sur un pied d’égalité. Bombardier peut vendre ses appareils partout dans le monde, à condition de respecter la loi et de se conformer aux règles commerciales que nous avons toutes acceptées ».