Une Afrique sans Histoire, immobile : à contrepied de ce préjugé, l’exposition “Les forêts natales” au Musée du Quai Branly met en évidence, à travers 300 chefs d’oeuvre, la richesse des migrations, des emprunts, des échanges. Considérées comme des œuvres d’art universelles, les sculptures proviennent du Gabon, de la Guinée équatoriale, du sud du Cameroun et l’ouest du Congo.
Armes, tabourets, portes… de nombreux objets témoignent de l’extraordinaire créativité de ces ethnies qui ne comptaient que quelques milliers de personnes au maximum (4.000 pour les Fang). Mais l’exposition se focalise sur deux types d’objets, les gardiens des reliquaires d’ancêtres, censés repousser ceux qui auraient des mauvaises intentions, et les masques utilisés lors des rituels de sociétés secrètes initiatiques. Pourquoi ce choix ? “Ce sont les deux manifestations artistiques les plus fortes, fait valoir le commissaire. “Et puis je voulais faire quelque chose entre public et privé”.
Arts en mouvement
Les principaux groupes culturels sont les Fang, les Kota, les Tsogo et les Punu, mais chacun d’entre eux se décline en sous-groupes à l’inspiration esthétique parfois très différente. “Les sculpteurs travaillaient pour différents lignages, il y a parfois des parentés mais aucun artiste n’a été identifié”, souligne Yves Le Fur. “L’idée majeure, c’est la mobilité”, poursuit-il, “il n’y a pas de fixité par rapport à ces ethnies”.
Fabriqués la plupart du temps en écorce cousue, les reliquaires contenant les crânes des ancêtres étaient surmontés d’une statue (chez les Fang) ou d’une figure (chez les Kota). A noter que ces sculptures pouvaient être des figures féminines ou masculines. Au-delà de leur diversité, on retrouve chez les divers groupes fang les mêmes jambes courtes et fléchies, le buste et le cou allongés, et parfois l’utilisation d’une patine laquée un peu suintante.
© © Musée du quai Branly – Jacques Chirac; photo Claude Germain
Les figures d’ancêtres des Kota sont ausi différentes que possibles : extêmement stylisé, le visage est en creux, donnant l’impression d’un être abstrait, et recouvert de plaques de cuivre travaillées, souvent de couleurs différentes. Les variations de style sont innombrables au point de permettre à Yves Le Fur de présenter 103 pièces dans une seule vitrine ondulante.
Les masques Punu sont parmi les oeuvres les plus célébres de la sculpture africaine avec le visage blanc, les coiffures en hauteur, les scarifications en losanges sur le front. Ils représentent une jeune femme morte, d’où sa paleur, ses yeux gonflés et quelque chose d’oriental qui a fait couler beaucoup d’encre.
Le titre de l’exposition est emprunté à un poème de Guillaume Apollinaire: “Les Fenêtres” (1913). Une manière aussi pour Yves le Fur d’évoquer son enfance au Gabon.
“Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Quand chantent les aras dans les forêts natales”
Avec culturebox