Après une première tentative de fusion, le milliardaire sud-africain Christo Wiese change de méthode pour réunir les deux groupes de distribution afin de poursuivre leur expansion sur le continent.
On pourrait croire à la frénésie du Black Friday, ce jour de remises exceptionnelles qui a lieu chaque année, fin novembre, aux États-Unis. Dès l’ouverture des portes des magasins ShopRite, en Angola, ce sont des milliers d’acheteurs qui vident les rayons en quelques minutes. Faisant fi de l’insuffisance des infrastructures et des difficultés d’approvisionnement et d’échange de devises dans la plupart des États, le groupe sud-africain continue de s’étendre sur le continent
Présent dans 15 pays, avec 437 magasins hors d’Afrique du Sud et 43 ouvertures prévues cette année, son succès continental est unique parmi les chaînes de distribution. Il réalise à l’international presque 20 % de son chiffre d’affaires, qui a atteint lors de l’exercice clôturé en juillet 130 milliards de rands (8,5 milliards d’euros). Le groupe est loin devant ses concurrents.
ShopRite réalisera autant de profits en Afrique l’année prochaine que Pick n Pay dans ses seules opérations sud-africaines
Son principal rival, Pick n Pay – qui s’est revendiqué pendant de nombreuses années comme étant le distributeur le plus important en Afrique du Sud –, déclarait l’an dernier 77,5 milliards de rands de chiffre d’affaires, dont 4,3 milliards gagnés en dehors de ses bases sud-africaines. D’après les calculs de Mark Ingham, directeur du cabinet sud-africain Ingham Analytics, « ShopRite réalisera autant de profits en Afrique l’année prochaine que Pick n Pay dans ses seules opérations sud-africaines ».
Des ambitions panafricaines qui sont largement encouragées par son président, Christo Wiese. Premier actionnaire de ShopRite (16,9 % fin 2016) mais aussi du groupe Steinhoff (23 %), autre géant de la distribution, le milliardaire veut aller plus loin en rapprochant les deux multinationales sur le continent.
Un premier mariage raté
La première étape du projet a eu lieu en septembre, quand Steinhoff a introduit 23,19 % de ses opérations africaines sur la Bourse de Johannesburg sous le nom de Steinhoff Africa Retail (Star). L’opération a rapporté près de 1 milliard d’euros. Par ailleurs, Star a, par le truchement de l’option d’achat, obtenu l’assurance de pouvoir acquérir à une date indéterminée, mais probablement avant la fin de l’année, 23,1 % du capital de ShopRite, et, plus important encore, avec 50,6 % des droits de vote. Christo Wiese contrôlera alors ShopRite via Star.
Dans la corbeille de ce mariage, contrarié par un premier échec de fusion en février 2017 (les actionnaires ne se sont pas mis d’accord sur les termes d’échange des actions), l’apport de Star sera important. Le revenu du groupe s’élevait à plus de 51 milliards de rands lors de l’exercice clôturé en septembre, avec des opérations dans 12 pays africains : Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Malawi, Namibie, Nigeria, Afrique du Sud, Swaziland, Ouganda, Zambie et Zimbabwe. Au mois de mars, il disposait de 4 498 magasins en Afrique du Sud et de 310 dans le reste de l’Afrique.
Des affaires florissantes
Si Christo Wiese cherche à rapprocher les deux groupes, c’est parce que leurs affaires africaines sont florissantes. Star et ShopRite représentent ensemble une force majeure de distribution sur le continent. Alors que ShopRite domine le secteur de l’épicerie, Star vend surtout des vêtements, des chaussures, des articles ménagers, des meubles, de l’électroménager, de l’électronique grand public, des matériaux de construction mais offre également des services financiers et de téléphonie mobile.
Star et ShopRite « peuvent presque remplir un centre commercial à eux deux, leurs magasins sont complémentaires », déclare Mark Ingham. Cela signifie aussi que, du point de vue immobilier, il pourrait y avoir des synergies entre les deux entreprises, ainsi qu’une fusion possible de leurs activités respectives d’ameublement.
L’alimentation-épicerie est le segment de marché qui possède les plus fortes perspectives de croissance en Afrique
Pour Star, cette fusion offre la possibilité de renforcer son attrait aux yeux des consommateurs africains : « L’alimentation-épicerie est le segment de marché qui possède les plus fortes perspectives de croissance en Afrique. L’accès à ce segment et à ses clients augmentera significativement la pénétration de Star sur le continent. De son côté, ShopRite profitera de l’approvisionnement du groupe Steinhoff, d’économies d’échelle, d’un partage des meilleures pratiques et d’une stratégie venant d’un des plus grands discounters mondiaux », explique Mark Ingham.
Mais la cotation de Star peut aussi être considérée comme une opération visant à protéger Steinhoff des impératifs imposés par la politique du Black Economic Empowerment (BEE) mise en place par l’Afrique du Sud. L’entreprise Lancaster, dirigée par Jayendra Naidioo, a pris 8,8 % dans Star dans le cadre du BEE, limitant la part de capital réellement flottant. Dans cette perspective, les prochains grands projets d’acquisition devraient être plutôt opérés via Steinhoff International plutôt qu’à travers Star. Cela signifie que la croissance des opérations africaines devra être organique.
ShopRite a créé des marchés là où il n’y en avait pas. Si on reprend ce principe, ils peuvent bâtir quelque chose que personne n’a jamais vu auparavant
C’est là où la collaboration entre Star et ShopRite devrait être d’une aide précieuse, car elle permet des synergies tout en gardant – pour le moment – les deux groupes séparés, selon Michael Treherne, gestionnaire de portefeuille chez Vestact. Star et ShopRite ciblent les mêmes consommateurs et leurs stratégies sont alignées. Tous deux souhaitent augmenter le nombre de leurs clients en offrant les produits essentiels à prix abordable. La stratégie a fonctionné pour les deux à ce jour.
Pour Evan Walker, fondateur de 36One Asset Management, Star et ShopRite ont l’avantage d’être des leaders en matière d’expansion africaine, ce qui leur offre des possibilités importantes de croissance sans avoir à envisager d’acquisitions. « ShopRite a créé des marchés là où il n’y en avait pas. Si on reprend ce principe, ils peuvent bâtir quelque chose que personne n’a jamais vu auparavant », conclut Mark Ingham.
Made in Nigeria
Lancé en 2005 dans le pays, ShopRite y compte aujourd’hui plus de 23 magasins. Toujours au Nigeria, le groupe envisage d’ouvrir deux nouvelles enseignes et a récemment acquis un centre de distribution. Il emploie 2 650 personnes et accroît le nombre d’entreprises locales dans sa chaîne de stockage avec presque trois quarts de ses biens provenant du pays.
Avec jeuneafrique