M. N’DRI KOUAKOU PHILIPPE
Cette interview a pour rôle d’inciter la population jeune à s’investir dans l’entrepreneuriat comme alternative à la problématique de l’emploi pour contribuer à la réussite de la vision du Président de la République qui ambitionne mettre en emploi un million de personnes pendant 5 ans.
Pour rendre l’AGEPE plus opérationnelle, il a été initié des reformes adoptées par décret et publiées en octobre 2012. Qu’est ce qui a changé ou quels sont les éléments nouveaux ?
Merci. L’AGEPE, Agence d’Etudes et de Promotion de l’Emploi est par son essence la structure opérationnelle de l’Etat qui a pour mission le recueil d’information sur le marché de l’emploi et la mise en exécution de la politique gouvernementale de lutte contre le chômage. Vu le nombre croissant des demandeurs d’emploi du fait des différentes crises qu’a connu le pays, il était apparu nécessaire de donner à cet instrument, les outils opérationnels nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Les reformes communiquées par décret grâce au travail de notre ministère de tutelle ont permis de mettre en place quatre grands Départements qui sont des directions centrales. Il s’agit de la Direction de Promotion de l’Emploi Salarié (DPES), la Direction de Promotion de l’Emploi Indépendant (DPEI), la Direction de Promotion de l’Emploi Local (DPEL) et la Direction de l’emploi, des métiers et de la formation contrairement à l’ancienne organisation qui n’en comptait que deux.
Ces Directions se démarquent des autres entités par leur pro activité sur le terrain. Chacune d’elle renferme des Divisions Opérationnelles qui permettent à l’AGEPE de cibler ses actions et d’agir efficacement contre ce fléau qu’est le chômage. Cette organisation a en outre permis de réveiller certains programmes et d’en initier d’autres. Aujourd’hui la population appréhende mieux la mission de l’AGEPE au point de faire de cette agence du MEMEAS-F, l’épicentre de la lutte contre le chômage en Côte d’Ivoire. Le décret modificatif pris par le Chef de l’Etat a été salutaire pour la structure et nous voulons exprimer notre gratitude au Président de la République, son Excellence Alassane OUATTARA, pour sa claire voyance.
Nous connaissons les activités de placement habituels effectuées par l’AGEPE. Mais, existe-t-il au sein de cette institution des programmes d’accompagnement en faveur des jeunes qui veulent monter leurs propres affaires ? Si oui quelles sont les conditions d’accès à ces différents programmes ?
-Oui, l’AGEPE renferme plusieurs programmes d’insertion. Il est pédagogique de rappeler qu’il existe des programmes d’accès tant en emploi salarié qu’en emploi indépendant ou entrepreneuriat. Deux Départements spécifiques ont en charge l’accompagnement à l’insertion socio professionnelle des demandeurs d’emploi. Il s’agit du Département de la Promotion de l’Emploi Salarié (DPES) et le Département de Promotion de l’Emploi Indépendant (DPEI). Pour ce qui concerne votre question, c’est le second Département sous notre supervision qui s’en occupe. En ce qui concerne nos cibles, il faut y adjoindre les promoteurs : les porteurs de projets désireux de s’insérer par l’auto emploi. Car, il est indéniablement reconnu que les structures publiques et privées pourvoyeuses d’emplois salariés sont sélectives et ne peuvent qu’embaucher une infime partie de la population sans emploi. Or celle-ci connaît une réelle augmentation en rapport avec la croissance démographique caractérisée en majorité par les jeunes. L’une des solutions envisagées pour remédier à cette situation réside dans la création d’activités génératrices de revenus. Ainsi, un encouragement des jeunes, tant en milieu urbain que rural à l’initiative entrepreneuriale en vue de créer des projets individuels ou collectifs pour leur insertion économique est nécessaire. C’est dans ce cadre que l’une des missions de l’AGEPE est aussi de promouvoir l’auto emploi : ainsi des bénéficiaires sont sensibilisé, informés, formés et accompagnés dans la mise en œuvre de leurs projets. A ce titre, L’AGEPE assure le pilotage de 03 programmes de financement de projet et de développement des initiatives entrepreneuriales:
-Projet d’appui au traitement économique du chômage (PATEC), le Projet Défi Jeunes C2D Emploi composante Développement de l’entrepreneuriat (AGR dans l’agro pastorale) et le Fonds Spécial pour l’Emploi dans sa phase 2 à travers les travaux à haute intensité de main d’œuvre (FSE-THIMO). Ces trois projets ouvrent la porte aux jeunes qui veulent entreprendre et leur permettent de se prendre en charge à travers l’auto emploi.
Pour les conditions, il faut noter que :
Le PATEC est un programme de crédit remboursable qui prend en compte tous les secteurs d’activités légalement autorisés. Il est ouvert à toute personne porteuse d’un projet viable, rentable et pourvoyeur d’emploi. L’objectif visé est de faire un retour sur investissement afin de permettre à un grand nombre de demandeurs d’en bénéficier. Pour les critères; Il faut être disponible, sans emploi et accepter de mener soi-même l’activité. Les projets individuels, de groupements d’intérêts économiques ou de coopératives sont pris en compte.
Pour le C2D ; Le C2D Emploi est une subvention accordée à tous les porteurs de projet dans le cadre de l’initiative PPTE à travers l’Agence Française de Développement (AFD). Sont éligibles à ce programme :
-les jeunes sans emploi âgés de 18 à 40 ans porteurs de projets agro pastoraux et issus des couches défavorisées. La subvention est de 500 000 FCFA pour les projets individuels et de 8 900 000 FCFA pour les projets présentés par les groupements. Le Fonds de Soutien à l’Emploi par les THIMO a été créé par le décret n° 94-217 du 20 avril 1994. Il a pour mission la mobilisation des ressources nécessaires au soutien de la politique nationale de l’emploi par l’exécution de travaux d’utilité publique à haute intensité de main d’œuvre. Le financement a pour objet de contribuer à améliorer et étendre les activités de FSE-THIMO à l’échelle nationale en favorisant la création d’emplois décents en faveur des jeunes et des femmes. Le financement intervient dans les deux domaines suivants : la mise au travail : travaux d’assainissement général : balayage des rues ; désherbage d’espaces, curage de caniveaux, ramassage d’ordures, création et entretien d’espaces verts ; travaux de construction, réhabilitation, entretien d’infrastructures. Et la création d’activités génératrices de revenu : Assurer aux jeunes et femmes une insertion définitive au terme de leur passage en activité. C’est ce second volet qui assure la réintégration des personnes mises en activité. Cette phase des THIMO permet aux jeunes mis en situation d’emploi de bénéficier d’un accompagnement financier après avoir réalisé une épargne après la phase 1 pour s’installer dans une activité professionnelle à partir des prêts remboursables dans le court terme.
Des entrepreneurs ont-ils pu voir leurs projets se réaliser grâce au soutien de l’AGEPE ?
L’AGEPE a installé plusieurs bénéficiaires dans différents secteurs d’activités.
Certains sont dans l’agro pastorale, d’autres dans le commerce de détail, le transport interurbain, la poissonnerie, la brasserie, la formation, les NTIC et prestations diverses. Certains promoteurs sont installés à Abidjan et d’autres, à l’intérieur du pays. Le nombre de bénéficiaires sera encore plus grand avec le programme C2D qui prévoit l’insertion de mille jeunes dans le domaine agro pastorale sur toute l’étendue du territoire sous le pilotage de l’AGEPE.
Il sera encore démultiplié avec l’opérationnalisation de notre collaboration avec une Micro finance de la place qui a accepté d’accompagner l’AGEPE dans le financement des projets. Ce partenariat a pour objectif d’accroître le portefeuille de projets mais aussi et surtout d’assurer un meilleur suivi- encadrement des projets financés conjointement.
Que pourriez-vous dire à tous les jeunes particulièrement aux diplômés chômeurs qui nous lisent actuellement ?
L’AGEPE a été créé pour eux, l’AGEPE les attend. Nous sommes situés à Abidjan dans la commune du Plateau entre le Parlement et l’immeuble de la fonction publique. Par ailleurs, nous couvrons le territoire national avec 12 Divisions Régionales opérationnelles. 4 à Abidjan (DR Treichville près du CBCG Treichville gare de Bassam, ABOBO près du lycée moderne, Adjamé derrière le restaurant chez Hassan et Yopougon Siporex ancien siège de l’OMOCI) et 8 Divisions Régionales à l’intérieur du pays (DR Abengourou, Bouaké, Gagnoa, San Pedro, Guiglo, Daloa, Korhogo et Dimbokro avec un bureau annexe à Yamoussoukro).
Nos offres sont aussi disponibles sur le site : www.agepe.ci, que je vous invite à visiter.
Les dirigeants d’entreprises estiment que les jeunes diplômés n’ont pas la formation nécessaire ni les compétences adéquates pour qu’ils les engagent. Par rapport à cette préoccupation, qu’est ce que l’Etat ivoirien entreprend en amont pour corriger cette insuffisance ?
En ce qui concerne l’AGEPE, nous avons lancé la formation complémentaire qualifiante qui est un programme de requalification des demandeurs d’emploi inscrits chez nous. Elle permet de combler une partie des insuffisances de compétences relevées par les employeurs. Par ailleurs, nous sommes en train de mettre en place un mécanisme de suivi des sortants des écoles de formation. Plus précisément, le mécanisme a été mis en place conceptuellement depuis 2000 par le cabinet RESTEK. Nous l’avons expérimenté sur l’Ecole Pratique de la Chambre de commerce et d’industrie en 2013 et sur cette base, nous avons obtenu un financement auprès de la BAD pour mettre en place un Système Intégré de Suivi des Sortants des Ecoles de Formation (SISSEF°). Il s’agit d’un système qui va permettre de rendre compte régulièrement de l’efficacité externe du système de formation. Autrement dit, pour chaque ordre d’enseignement, pour chaque filière pour chaque niveau et pour chaque type d’établissement, le taux d’insertion et la qualité de l’insertion seront connus. Ceci permettra de corriger les insuffisances de la formation à tous les niveaux.
Comment vous expliquez le fait qu’il n’y ait pas suffisamment d’emploi salarié en Côte d’Ivoire?
La réponse est simple à cette question. L’emploi salarié existe dans l’Administration Publique et dans les entreprises privées. L’Administration Publique ne pouvant recruter indéfiniment, car il faut bien tenir compte des besoins et des coûts salariaux, et le tissu d’entreprises privées étant peu développé, l’on peut comprendre qu’il n’y ait pas assez d’emplois salariés. La question est peut-être comment accroître le nombre d’entreprises. Des actions ont déjà été menées à ce niveau, notamment la révision du code des investissements, la création du guichet unique, etc. Mais il en reste encore, par exemple la transformation de nos matières premières qui permettrait de créer beaucoup d’emplois sur différentes chaînes de valeur. En d’autres termes, il faut une transformation structurelle de notre économie. En clair, l’on ne peut occulter la question de l’industrialisation si l’on veut créer assez d’emplois salariés.
Le chef de l’Etat, Alassane Ouattara avait dit le 6 août dernier, que 300 mille emplois ont été créé pourtant le ministre de l’Emploi, des Affaires sociales et de la Formation professionnelle, Dosso Moussa, avait dit en juillet, lors d’un séminaire, que de 2011 à mars 2014, 220 milles emplois ont été créés dans le secteur moderne. Et que la cadence moyenne mensuelle de création d’emplois est passée de 2511 emplois créés par mois en 2011, à 5983 emplois par mois en 2014. Comment vous expliquez cette différence de 80 mille emplois entre ces deux assertions?
Il est important de comprendre que pour produire l’information sur l’emploi, diverses sources sont utilisées. Il ne faut donc pas s’attendre à une égalité exacte des données produites à travers ces diverses sources. Et en ce qui concerne ces chiffres, la différence n’est pas si importante. Cette différente indique seulement qu’il faille affiner l’information sur le marché du travail et retenir les chiffres les plus fiables. Nous sommes justement dans un processus d’amélioration du système d’information sur le marché du travail depuis 2012 et dans quelques années, nous serons à même de produire des informations de meilleure qualité pour la prise de décision à tous les niveaux. Pour le moment, apprécions déjà qu’il soit possible de donner un ordre de grandeur sur les créations d’emplois.
Le chef de l’Etat, Alassane Ouattara a dit aussi le 6 août dernier, que 500 mille emplois sont créés dans le secteur agricole. Nous voulons savoir concrètement comment cela peut se faire.
Comme nous l’avons déjà dit, il existe diverses sources d’information pour produire les données sur les créations d’emplois entre autres. Le Ministère de l’agriculture est à même de donner une estimation des emplois créés à travers ses initiatives. Par ailleurs, le secteur agricole est celui qui occupe le plus de personnes en emploi. En outre, ces emplois sont généralement des emplois indépendants et faciles à créer. Ce chiffre ne devrait donc pas étonner.
A combien peut-on estimer le nombre de personnes qui sont à la recherche du premier emploi ?
Selon la dernière enquête que nous avons réalisée, en février 2014, il y avait environ 426 226 personnes au chômage, c’est-à-dire des personnes en âge de travailler qui remplissent les trois critères suivants : être sans emploi, être à la recherche d’un emploi et disponible pour occuper un emploi. Parmi ces personnes, 237 382 sont à la recherche d’un premier emploi.
A combien peut-on estimer le nombre de personnes qui ont perdu leur emploi ?
Le complément du chiffre cité ci-dessus est de 186 230 personnes qui sont au chômage parce qu’elles ont perdu leur emploi, 44%. Merci de nous avoir permis de communiquer.
Soumahoro Karamoko