Révolutionner l’Afrique à l’aide de drones ? C’est l’ambition de William Elong, 22ans, entrepreneur et plus jeune diplômé de l’École de guerre économique de Paris. Portrait.
Le parcours est hors-norme. Bachelier à quinze ans, titulaire d’un double-diplôme de la Haute école de commerce de Yaoundé et de l’École supérieure de commerce de la Rochelle trois ans plus tard, plus jeune diplômé en stratégie et intelligence économique de l’École de guerre économique de Paris à vingt ans et fondateur de la start-up Will&Brothers, spécialisée dans le conseil en intelligence économique et innovation technologique, William Elong a le discours déroutant d’un enfant précoce.
Cet aîné d’une fratrie de cinq enfants, né à Eboné, entre Douala et Bafoussam, au Cameroun, de parents exerçant dans le consulting et l’industrie pétrolière, a tout du surdoué. Ennuyé par les cours du collège, qu’il trouve trop léger en matière contenu, le jeune William est au centre des brimades et des moqueries de ses camarades. Passionné d’informatique et d’astrophysique notamment, il se réfugie sur le web, où il étudie au hasard des sujets « par simple curiosité ».
Une démarche encyclopédique
« Mon père me donnait beaucoup de livres d’histoire, d’encyclopédies que je dévorais avec le sourire », se souvient-il. « Je voulais étudier une science qui me permettrait d’allier la technologie, l’histoire, les affaires, l’investigation et la psychologie. Il ne me restait qu’une option : l’intelligence économique », explique encore le jeune entrepreneur.
William Elong se tourne alors vers l’étranger. Trop jeune – il n’a alors que 18 ans -, handicapé par la réputation de la formation africaine, il essuie d’abord des refus, « de l’Asie à l’Amérique ». « C’est foncièrement injuste. Les enseignants qui m’ont forgé venaient de toute l’Afrique. Je ne pense pas avoir été moins bien formé », s’indigne-t-il encore aujourd’hui. Il est toutefois accepté en France, à l’École de guerre économique, une des meilleures formations de la planète. Il s’envole un samedi soir de Yaoundé, la rentrée universitaire étant prévu le lundi suivant à Paris.
Seigneur des drones
William passera deux ans dans la capitale française. Il sort plus jeune diplômé de l’histoire de l’institution, à vingt ans. Avant de rentrer alors au pays, échaudé par l’expérience de la discrimination à l’emploi en France. Passé par Thalès à l’âge de 18 ans, puis par Oracle, il crée en France Will&Brothers, start-up orientée vers l’intelligence économique et l’innovation technologique. En parallèle, ce passionné développe également DroneAfrica, initiative visant à proposer des services associés aux drones dans le tourisme, l’agriculture, la météorologie, la défense ou encore la cartographie.
« Pour avoir des cartes de nos propres pays, nous devons aujourd’hui payer des sommes exorbitantes à des prestataires », s’indigne-t-il. « Les drones peuvent également célébrer la beauté architecturale de nos villes ou couvrir des foires, des défilés, des événements qui valoriseront la culture locale à l’internationale. Après tout, l’image d’un pays est un élément décisif de son développement économique », ajoute encore cet amoureux des jeux vidéo. « J’aimerais que l’Afrique ait des yeux dans le ciel », lance-t-il.
Cadeau du ciel
La levée de fonds de DroneAfrica lancée, avec un objectif de 300 000 dollars, William Elong espère aujourd’hui, malgré le manque d’investissement des banques camerounaises dans le secteur privé et les lacunes dans les technologies de l’information, déployer des drones à l’échelle nationale. Un usage qui pourrait aller de la surveillance du trafic routier à la lutte contre Boko Haram.
« L’Afrique a encore beaucoup de chemin à faire en matière d’intelligence économique. Nos États doivent s’en servir pour se faire une place de choix sur l’échiquier mondial », analyse le jeune Camerounais qui compte bien jouer un rôle de premier plan. Impliqué, via la communauté RASP4DEV, dans la diffusion de la technologie Raspberry, un mini-ordinateur à bas-coût, il cherche à améliorer les conditions de l’éducation en zones rurales, à l’aide des nouvelles technologies. William Elong espère ainsi « briser le complexe d’infériorité des jeunes Africains vis-à-vis de l’étranger ». Et de conclure : « La technologie à mes yeux est un cadeau du ciel qui n’appartient à personne, à nous de l’exploiter. »
Avec JeuneAfrique