Discours de Brazzaville (30 janvier 1944) : l’empire français, toujours
Les colonies ont été la rampe de lancement de la France libre et de Gaulle, dont les alliés américains voient d’un mauvais œil cette politique coloniale, décide, à la fois pour leur rendre hommage et pour asseoir définitivement sa stature d’homme d’État, de réunir la plupart des gouverneurs qui se sont ralliés à lui. En ouverture de cette conférence, où aucun « indigène » ne prend part, le chef de la France libre remplace le terme de « colonies » par « territoires intégrés », dans l’optique de son projet d’Union française, qui sera mis en place dans l’immédiate après-guerre. Il est question de s’engager socialement vers « des temps nouveaux », de nombreuses réformes étant évoquées, mais politiquement, pas question d’accorder la moindre once d’autonomie ou d’évolution, qui envisagerait un chemin à l’écart de la France : « La constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter. » L’emploi de ce terme anglais n’est pas innocent. L’Union française ne sera pas le Commonwealth libéral instauré par la Grande-Bretagne en 1931.
Discours de Brazzaville (24 août 1958) : la promesse de la décolonisation
De Gaulle n’est pas au pouvoir depuis trois mois qu’il entame un périple de 20 000 kilomètres en Afrique. C’est dire si elle fait partie de ses priorités. Il s’agit en réalité d’une tournée électorale pour convaincre les peuples de l’Union de voter oui au référendum de fin septembre sur la nouvelle Constitution, qui prévoit, entre autres, le remplacement de l’Union par une « Communauté » où chaque pays jouira d’une autonomie politique. « Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d’en décider eux-mêmes. » Habileté du général : voter, oui, n’empêchera pas de demander ultérieurement l’indépendance. En souvenir de son premier passage à Brazzaville, il y tient dans cette ville le discours majeur de sa tournée, symbole, devant la poussée décolonisatrice, du lancement d’une décolonisation qui sauve les apparences d’un empire chancelant. Seule la Guinée de Sekou Touré votera non, demandant une immédiate indépendance, que réclameront deux ans plus tard, quatorze autres pays, encouragés par l’évolution de la guerre d’Algérie.
Discours de Paris (10 mai 1976) : l’Afrique aux Africains, mais…
Lors du troisième sommet France-Afrique, une tradition symbole d’une relation privilégiée, inaugurée en 1973 sous Pompidou, VGE parle, faut-il s’en étonner, économie, monnaie, développement, deux ans après la crise majeure qui a ébranlé le monde. Il est décidé de la création de deux fonds : un fonds de promotion de l’Afrique, financé par les pays industrialisés et un fonds de solidarité africain, financé par les pays africains et la France. Mais cette politique de coopération ne doit pas occulter la réalité d’une Françafrique en place depuis 1958, en parallèle à la politique officielle du Quai d’Orsay et illustrée par la création en 1965 d’Elf-Aquitaine, souvent surnommé Elf-Africaine. Le Sénégal du normalien Sedar Senghor était le pays-phare de l’amitié franco-africaine sous son condisciple Pompidou, le Gabon pétrolifère d’Omar Bongo le supplante sous le septennat suivant. Si VGE réaffirme que l’Afrique est aux Africains, le continent, devenu un enjeu âprement disputé dans le contexte de la guerre froide, continue à être massivement aidé par la France qui se réserve le droit d’intervenir militairement (Mauritanie, Zaïre, Centrafrique).
Discours de la Baule (20 juin 1990) : argent contre démocratie
Un an après la chute du Mur, on veut croire à un vent de liberté qui soufflerait depuis l’est de l’Europe, soufflant vers le sud africain. Plus question de soutenir économiquement des dictatures, affirme Mitterrand lors de ce 16e sommet franco-africain. Il évoque une tiédeur future de la France à l’égard de ces régimes, alors qu’elle accordera tout son enthousiasme aux pays qui s’engageront sur la voie périlleuse de la démocratie. Certains ont voulu y voir la fin de la realpolitik française, qui aurait permis en particulier à la Chine, moins regardante, de s’implanter sur le continent africain. Mais la cellule Afrique dirigée par le fiston est toujours en place et Mitterrand ferme les yeux sur le coup d’État de Sankara au Burkina Faso, sans parler de ses ambiguïtés au Tchad et au Rwanda. L’affaire Elf, qui éclate en 1994, comporte aussi un volet africain, car il s’agit de protéger les intérêts pétroliers de la France.
Discours de Dakar (24 juillet 2007) : haro sur Sarkozy
Nicolas Sarkozy entend mettre fin à la Françafrique, dont son prédécesseur, Jacques Chirac, qui s’était souvent affirmé comme le grand ami de l’Afrique, n’avait pas tout à fait tourné la page, si l’on en croit les accusations de l’homme d’affaires Robert Bourgi sur le financement de l’élection présidentielle de 2002. En 2007, la politique d’immigration et la reconnaissance en 2005 du rôle positif de la colonisation ont écorné l’image de la France. Sarkozy, qui prône l’idée d’un partenariat comme pour les pays de la Méditerranée, arrive à la fin d’une tournée entamée chez Kadhafi avec un discours écrit par sa plume, Henri Guaino, où il commence par admettre que « la colonisation était une faute ». Cette partie-là du discours va être complètement occultée par la suite. « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire… Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance… Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès. » Henri Guaino aura beau affirmer s’être inspiré de Sedar Senghor, qui avait écrit : « Laissez les peuples noirs entrer sur la grande scène de l’Histoire », on n’y verra que condescendance, paternalisme et reprise des stéréotypes racistes des siècles précédents où l’Africain était considéré comme un grand enfant…