Qui était vraiment Mathieu Kérékou ? Décédé mercredi à l’âge de 82 ans, l’ancien président béninois a régné pendant près de 30 ans sur un pays qu’il a d’abord dirigé d’une main de fer avant d’être démocratiquement élu. Portrait de l’ancien président béninois en cinq mots.
Militaire
Avant tout, Mathieu Kérékou est un soldat. Jeune, ce nordiste né le 2 septembre 1933 à Kouarfa, se rend au Mali, puis au Sénégal pour suivre des formations militaires. D’abord à l’École des enfants de troupe de Kati, ensuite à celle de Saint-Louis. Avant d’aller poursuivre son apprentissage de l’art de la guerre en France, notamment à l’École militaire de Fréjus et à l’École d’état-major de Paris.
Lorsqu’il rentre au pays après avoir servi dans l’armée française coloniale, il est bombardé major. Dès 1965, il ne tarde pas à occuper les fonctions d’aide de camp de Hubert Maga, le tout premier président du Dahomey à l’indépendance (1960-1963).
Putschiste
Mais deux ans plus tard, fin 1967, un coup d’État balaye Christophe Soglo. Et Kérékou prend la tête du mouvement de jeunes officiers à la manœuvre. C’est lui qui dirige le nouveau Comité militaire révolutionnaire en charge de la supervision du gouvernement.
Une fois le pouvoir rendu aux civils, l’officier s’éclipse du jeu politique. Et feintde se contenter de sa nouvelle fonction de chef d’état-major adjoint de l’armée. Pas pour longtemps. Profitant de l’instabilité politique qui règne dans les années 1960 (quatre coups d’État s’enchaînent), il sort du bois un après-midi du 26 octobre 1972 et renverse le président Justin Ahomadegbé. Il gardera le pouvoir pendant 19 ans.
Dictateur
De retour aux affaires, celui qui avait rendu le pouvoir aux civils après le putsch de 1967, se tourne vers le marxiste-léniniste et met une croix sur la démocratie. En 1975, il proclame la République populaire du Bénin et impose la chemise à col Mao. Il ira même jusqu’à interdire le vaudou.
Son régime survit à l’invasion avortée de Cotonou par les mercenaires du Français Bob Denard en 1977. Mais vers la fin des années 1980, le marxisme-léninisme s’essouffle, ne permettant pas de repousser la crise économique. La contestation populaire monte dans le pays.
Démocrate
Pour sauver son avenir politique, Kérékou tend la main la classe politique et aux forces vives béninoises. En février 1990, il convoque une conférence nationale, la première du genre, rassemblant opposants et représentants de la société civile. Au menu : un débat ouvert et sincère sur des problèmes économiques du pays. Mais très vite, le forum se transforme en tribune politique.
Kérékou est coincé, mais il parvient à rebondir. Rusé, il reconnaît ses erreurs et demande pardon au peuple pour les excès de son régime. L’idéologique marxiste-léniniste et l’athéisme sont abandonnés. Un gouvernement de transition est installé, avec à sa tête Nicéphore Soglo, ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale. Ce dernier remportera l’année suivante la présidentielle face à Mathieu Kérékou. L’ancien président se retire alors de la vie politique et reste pendant cinq ans dans sa maison aux volets clos, au centre de Cotonou.
Caméléon
Son surnom de « Caméléon », Kérékou l’aura gagné par sa métamorphose politique frôlant l’opportunisme, mais aussi par l’évolution de sa foi. La traversée du désert qu’il connaît entre 1991 et 1996 transforme l’ancien marxiste-léniniste et athée convaincu en un homme de Dieu, un pasteur évangélique aux lunettes fumées dont il ne se dépare jamais en public. Mais en 1996, le « retraité » revient finalement au pouvoir avec le soutien de la quasi-totalité des opposants au président Soglo, qui se rallient à sa candidature à la présidentielle. Le général est élu à 52,7% des voix.
Il repart une dernière fois à l’assaut du pouvoir en 2001 ; il sera réélu à l’issue d’une présidentielle sans véritable enjeu, après la défection en série entre les deux tours de ses principaux opposants. Ce dernier mandat, achevé en 2006, fait de lui l’un des chefs d’État à la plus grande longévité du continent avec près d’une trentaine d’années au pouvoir.
Ayant troqué ses cols « Mao » pour des cols « pasteur », les cheveux blanchis par l’âge, il avait acquis l’image d’un « sage » parmi ses pairs africains, en participant notamment à plusieurs médiations dans des conflits, notamment en Côte d’Ivoire.
Avec JeuneAfrique