L’Afrique est trop défavorisée par la répartition des milliards de dollars d’aide annuelle promis pour lutter contre le changement climatique, et il faut rectifier le tir, a déclaré à l’AFP le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina.
S’ils sont réunis, les 100 milliards de dollars d’aide annuelle des pays riches aux pays pauvres en 2020 se répartiront en deux volets, un pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’autre pour financer l?adaptation des pays au changement climatique.
« Malheureusement, sur le financement, aujourd’hui (un total de 62 milliards à fin 2014 dévoilé cette semaine par l’OCDE), 76% des financements sont dédiés (au premier volet), et seulement 17% à l’adaptation », déplore M. Adesina dans un entretien à l’AFP dans son bureau situé dans la grande tour de Lima où sont installées les délégations des réunions de la Banque mondiale et du FMI.
« L’Afrique aujourd’hui ne contribue qu’à 2% des émissions de gaz à effet de serre, mais c’est l’Afrique qui souffre le plus de l’impact du changement climatique », rappelle dans un français parfait ce Nigérian de 55 ans.
Ancien ministre de l’Agriculture, il a été désigné personnalité africaine de l’année 2013 par Forbes. Tout juste investi en septembre, il effectue à Lima une de ses premières grandes sorties internationales.
La plupart des aides pour réduire les gaz à effet de serre « tendent à bénéficier aux pays asiatiques comme l’Inde, la Chine. Ce dont l’Afrique a besoin, ce sont des fonds l’adaptation, car nous avons des centaines de millions de personnes qui n’ont pas les moyens de s’adapter au changement climatique, et c’est un déséquilibre qui doit être réglé », prévient-t-il.
Pour autant, au-delà de ce problème d’équilibre, « je suis satisfait des discussions » conduites à Lima. « Je crois que les choses vont dans la bonne direction », glisse-t-il.
Car l’idée d’une plus grande part allouée au volet « adaptation » fait son chemin, chez les ONG bien sûr, mais aussi chez les décideurs. « L’adaptation est un enjeu essentiel dans l’accord de Paris, en particulier pour les pays les plus pauvres et les plus vulnérables », a ainsi déclaré vendredi le ministre français Michel Sapin.
Électricité
Elu pour cinq an à la tête de la stratégique BAD sur un continent en forte croissance, M. Adesina entraîne son institution cinquantenaire dans le combat. M. Adesina est « très déterminé » sur le climat, avait glissé avant les réunions M. Sapin.
« La BAD elle-même va augmenter le niveau de l’investissement dans les projets climats, pour le tripler. Aujourd’hui nous finançons environ 1,4 milliard de dollars par an, nous allons passer à 5 milliards d’ici 2020. Cela va représenter 40% de tout le portefeuille de la BAD », explique-t-il.
Ce niveau va faire de la banque celle qui investit la plus forte proportion de ses capacités dans des investissements verts, à égalité avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
Compte tenu du niveau de départ de la BAD, cela représente « une sacrée montée » de l’institution africaine, salue pour l’AFP Josué Tanaka, directeur en charge du changement climatique de la Berd.
Lutter contre la déforestation et électrifier l’Afrique sont deux autres chevaux de bataille de M. Adesina.
« L’Afrique a aussi besoin de soutien pour faire face à une des principales causes de la déforestation. Le problème est qu’aujourd’hui, il y a 700 millions d’Africains qui n’ont pas d’accès à l’énergie propre pour faire leur cuisine. Ils utilisent donc du charbon de bois qui provoque déforestation et émissions », résume-t-il.
Il a sollicité différents partenaires et estime que fournir de l’énergie propre à ces gens « va nous coûter 5 milliards de dollars ».
Lui qui veut lancer un « New Deal » énergétique veut voir le continent électrifié d’ici 2025. « Il faut faire les choses vite et à grande échelle » sur ce point. « L’Afrique est totalement fatiguée de ne pas avoir accès à l’électricité », souligne-t-il.
Avec JeuneAfrique