Depuis donc le vendredi 9 octobre, c’est parti pour quinze jours de campagne électorale au cours de laquelle chacun des candidats s’évertuera à convaincre les Ivoiriens de lui accorder leurs suffrages. Ils étaient dix au départ, mais déjà deux ont jeté l’éponge.
Combien seront-ils à l’arrivée ? Il n’est pas impossible qu’il y ait d’autres abandons. Et l’attitude de certains laisse entrevoir une telle perspective. En tout état de cause, un abandon avant le scrutin vaut sans doute mieux qu’une défaite humiliante qui sonnerait définitivement le glas d’une carrière politique. Qu’invoquent les candidats qui refusent d’aller au combat?
Des conditions d’organisation qu’ils estiment trop favorables au Président de la République sortant, lui aussi candidat. Ce qui est étonnant, c’est que les arbitres de ce scrutin que sont l’Onuci, l’Union africaine, la Cedeao, l’Union européenne et les ambassades des pays qui nous donnent les moyens d’organiser cette élection ont estimé que le processus se déroule très bien, et qu’il n’y a pas à redire.
Ces candidats sont les seuls à se plaindre. Comme l’écrivait, il y a quelques jours, le directeur de campagne d’une formation politique, « qu’est-ce qui a changé entre le moment où ces personnes déposaient leurs candidatures et maintenant ? » Ces candidats voudraient-ils que l’on change les règles du jeu maintenant, à moins de deux semaines du scrutin ? Certains réclament un rééquilibrage de la Commission électorale indépendante (Cei), ou d’y avoir leur représentant.
Il est important de savoir un certain nombre de choses : il n’était pas possible d’attendre la liste définitive des candidats avant de composer la Cei ; ce n’est pas non plus cette structure qui élit le Président, et ce n’est pas dans ses locaux que l’on vote. Plutôt que de marcher sur la Cei, il aurait certainement été plus judicieux pour les candidats protestataires de marcher vers leurs électeurs. C’est probablement faute de ne l’avoir pas fait, et convaincus aujourd’hui de n’avoir pas suffisamment d’électeurs pour un score au moins honorable que certains ont choisi de se retirer. D’autres profèrent des menaces.
Espérons qu’elles resteront seulement verbales ; et que la violence saura être évitée. Nous avons encore le souvenir douloureux de la dernière élection présidentielle qui a coûté la vie à quelque trois mille personnes et ouvert des plaies qui ne sont pas encore toutes pansées. Que ce seul souvenir amène les Ivoiriens à ne pas franchir le Rubicon, aussi bien dans les paroles que dans les actes. La Guinée voisine a voté hier, et selon les échos qui nous en sont parvenus, la consultation s’est déroulée dans le calme, malgré des problèmes d’organisation.
Que l’exemple de ce pays frère inspire toute la Côte d’Ivoire afin que nous aussi allions voter le 25 octobre dans le calme. Il y a cinq ans, notre crise éclatait après la proclamation des résultats. Parce que le vaincu n’avait pas voulu reconnaître sa défaite. Voir ou entendre un perdant contester les résultats d’une élection fait désormais partie du folklore africain.
Nous pouvons affirmer ici, sans grand risque de nous tromper, qu’en Guinée, le résultat sera contesté, quel qu’en soit le vainqueur. Chez nous, ce sera pareil. Mais osons croire que les choses en resteront seulement au stade de la simple contestation, pour respecter le folklore. Lorsque les perdants parleront de fraude, les Ivoiriens devront se rappeler les images de leur dernière crise post-électorale, pour savoir quelle limite ne pas franchir.
Certains observateurs estiment que la campagne de cette année semble un peu timide. Ils ont en souvenir celle de 2010. Cette année, les enjeux sont différents, de même que les acteurs. En 2010, nous avions affaire à trois candidats de poids et jusqu’à la proclamation des résultats, nous étions tous dans l’incertitude la plus totale.
Cette année, nous avons affaire à un très grand candidat, face à sept lilliputiens. Et la seule incertitude qui plane sur ce scrutin est le taux de participation. Souhaitons donc que la campagne se déroule dans le calme, et que la démocratie triomphe.
Avec FratMat