Steve Jobs, Sergey Brin ou Elon Musk : et si c’étaient des petits joueurs comparés à James Watt, Thomas Edison ou Carl Benz ?
Après la fin de l’histoire, la fin de la science ? On s’émerveille ou on s’indigne des innovations technologiques. Mais celles-ci semblent bien modestes et limitées au regard des grandes inventions des siècles passés. C’est en tout cas l’argumentation développée par les techno-pessimistes… contestés avec conviction par les techno-optimistes qui voient dans la révolution numérique un avenir spectaculaire et radieux.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Ecoutez les plaidoyers des uns et des autres avant de choisir votre camp (ou de trouver une troisième voie).
1. La querelle entre les techno-optimistes et les techno-pessimistes fait rage
Déjà, des logiciels écrivent des articles, rédigent des actes juridiques, remplacent les traders, se substituent à des professionnels du SEM (Search Engine Marketing), mettent à l’écart des Social Media Managers, coupe la parole à des opérateurs de la relation clients avec des chat bots, etc.
Le débat consistant à trancher la question, faut-il être optimiste ou pessimiste face à la montée en puissance des nouvelles technologies, a commencé il y a quelques années et ne fait que s’intensifier.
2. Les techno-pessimistes comptent dans leurs rangs des personnalités de renoms… venant du digital.
Et non des moindres, avec Robert Gordon, professeur à l’université Northwestern ou encore Peter Thiel, co-fondateur de Paypal et investisseurs très actif dans la Valley.
Peter Thiel en personne déplore que les progrès technologiques s’efforcent de mieux satisfaire les besoins des consommateurs que de développer des technologies d’application générale. Il constate même un ralentissement, voire une stagnation du progrès dans des secteurs comme l’énergie, le transport, l’agriculture, la médecine.
Si vous êtes techno-optimistes ne prenez pas rendez-vous pour le rencontrer dans les locaux de son fond d’investissement. Vous rebrousseriez chemin en lisant ce qui est écrit sur la porte de son bureau : « Nous rêvions de voitures volantes, au lieu de quoi nous avons eu les messages en 140 caractères de Twitter ».
3. Les arguments des techno-pessimistes font mouche
Pour commencer, l’ère dans laquelle nous rentrons ne doit pas être assimilée à une prétendue seconde révolution industrielle. Les machines dotées d’intelligence et d’algorithmes ne sont pas les nouvelles machines à vapeur. Sergey Brin, l’un des co-fondateurs de Google n’est pas l’héritier en ligne direct de James Watt.
Ensuite, la supposée révolution en cours n’est qu’unidimensionnelle et ne peut donc pas être qualifié de révolution industrielle. Rappelons que trois technologies d’application générale, ces rares innovations qui transforment à la fois l’industrie et l’économie tout entière, ont vu le jour à quelques mois d’intervalle. En 1879, Thomas Edison a inventé la première ampoule électrique fonctionnant enfin correctement, Carl Benz a construit le premier moteur à combustion fiable, tandis que deux décennies avant Marconi, David Edward Hughes a transmis un signal radio sans fil. Si on y ajoute les grandes avancées en termes de santé publique, ces inventions avaient à l’orée des années 1930, complètement métamorphosé le monde occidentale. La révolution industrielle fut multidimensionnelle. Le moteur à combustion a donné naissance à l’automobile, donc aux autoroutes, donc aux réseaux de distribution en gros. L’électricité a permis l’éclairage et la climatisation des bureaux, donc le développement du secteur tertiaire. Entre 1891 et 1972, la productivité américaine a progressé en moyenne de 2,36% par an. En revanche la supposée révolution numérique n’a permis qu’une progression de 1,59% de la productivité Américaine.
4. Les techno-pessimistes ne sont jamais à court d’arguments
Pour continuer, les techno-pessimistes assènent quelques arguments cinglant comme les suivant :
*La voiture sans pilote n’est rien comparée à l’invention de la voiture elle-même.
*Le big data est exploité par les entreprises dans un jeu à somme nulle pour les clients.
*Quant aux robots, ils peuvent marcher, mais pas penser. Ou bien penser, mais pas marcher.
5. Les techno-optimistes déploient des arguments enracinés dans le passé
Face à leurs détracteurs les techno-optimistes organisent leur défense et déploient une multitude d’arguments comme ceux-ci :
*Trente ans ont séparé les grandes inventions de 1879 et la hausse de la productivité, comme l’a démontré l’économiste Chad Syverson.
*L’application commerciale des inventions prend du temps ; les entreprises doivent s’adapter, remplacer leurs vielles méthodes par de nouvelles, changer de génération d’employés en recrutant une jeunesse plus aguerrie aux nouvelles technologies.
*La mesure de la productivité, héritée de l’ancienne économie, pourrait sous-estimer l’impact de la révolution digitale. Elle ne prend par exemple pas en compte certains aspects fondamentaux du changement. La numérisation des produits rend leur coût de reproduction quasiment nul. Le bénéfice et le surplus obtenu pas le consommateur n’est pas pris en compte dans la mesure.
6. Les techno-optimistes ajoutent des arguments puisés dans la réalité d’aujourd’hui
Les techno-optimistes ne s’arrêtent pas là et assènent pas moins de quatre arguments additionnels :
*Le potentiel de collaboration mondiale en matière de science, d’innovation et de technologie n’est pas intégré à l’analyse.
*La facilité de l’accès aux données, source majeure d’innovations, est passée sous silence.
*Une impasse est faite sur des secteurs clefs comme la génétique, la pharmacologie, les énergies propres et les nanotechnologies.
*Les remarquables percées permises par la croissance exponentielle de la puissance de calcul dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la robotique ou de l’analyse de données, ne sont pas mise en lumière par les techno-pessimistes.
7. Il appartient à l’homme de réinventer à peu près tout
Pour conclure en répondant à Peter Thiel, chef de file des techno-pessimistes,, nous citerons l’extraordinaire John Maynard Keynes qui dans « Perspective économique pour nos petits enfants » (1930) émettait déjà l’hypothèse d’un « chômage technologique », en écrivant, non plus sur la porte de son bureau mais sur les pages blanches, « nous découvrons des moyens d’économiser de la main d’œuvre à une vitesse plus grande que nous ne savons trouver de nouvelles utilisation du travail humain ».
Charge à l’homme donc d’être imaginatif et d’inventer de nouvelles entreprises inédites, comme Google qui emploie quelques 45 000 collaborateurs dans le monde, ou de développer de nouvelles formes de travail, comme le propose les plateformes de freelancers, ou de découvrir de nouvelles manières de gagner de l’argent, comme le font de plus en plus de ménages qui arrondissent les fins de mois avec une boutique sur eBay…
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