Une douzaine d’agents entendus dont six placés en garde-à-vue.
Mohamadou Bayero, le nouveau directeur général de la Société de développement du coton (Sodecoton) nommé le 20 juin 2016, arrive à la tête de la société cotonnière alors que celleci traverse un moment difficile de son histoire. En deux ans, les pertes cumulées sont de l’ordre de 29,5 milliards Fcfa. Cet ex-chef de région de la Sodecoton passé par la délégation de l’Union européenne à Yaoundé ne devra pas seulement redresser les comptes de la société, mais mettre également en place des mécanismes de contrôle rigoureux pour empêcher aux employés de se servir sur la bête.
En effet, depuis avril 2016, douze employés de la Sodecoton ont déjà défilé devant les enquêteurs de la brigade territoriale de gendarmerie de Garoua. En cause, une affaire de détournement de plus 580 millions Fcfa. Le pot-aux-roses a été découvert au début du mois d’avril 2016 quand le directeur des Productions agricoles, Ibrahim Ngamié, instruit le chef de région de Garoua de mettre à la disposition de la ferme agricole de Yoko, quelques 2000 sacs d’engrais.
Dans cette localité du Mayo-Rey, la Sodecoton cultive elle-même du coton. En exécution des instructions de sa hiérarchie, le chef de région de Garoua saisit le magasinier principal de la région, Adamou Sadou, afin qu’il mette le stock nécessaire à disposition. Celui-ci rétorque au chef de région qu’il ne dispose plus de stock.
Caramba ! Le suivi des stocks tant par le chef de région de Garoua que par le directeur des Productions agricoles ne laisse pourtant pas de place au doute. Dans le magasin principal de la région de Garoua, devraient être bien rangés 5772 sacs d’engrais. S’étant rendu compte de sa méprise, Adamou Sadou revient vers son chef hiérarchique pour lui dire qu’il s’était trompé, et que le stock sollicité est bel et bien disponible en magasin.
Flairant un mauvais coup, le chef de région dépêche tout de même au magasin son gestionnaire, Issa, chargé de superviser tous les magasins de la région. En s’appuyant sur la technique de sondage, celui-ci découvre une nette différence entre les chiffres inscrits dans les documents du magasinier principal et ceux obtenus après pointage physique des produits restant dans le magasin. Le trou est profond de 82 millions Fcfa. De quoi sonner l’alerte.
Dès lors, la machine administrative de la Sodecoton se met en branle. L’entreprise saisit le Groupement territorial de la gendarmerie qui met la main sur le magasinier Adamou Sadou, le lundi 16 mai 2016. Tout de suite après, l’inspection de la Sodecoton procède à l’inventaire du magasin, l’un des plus importants de la Sodecoton. «Ce magasin reçoit tous les produits de la Sodecoton et les dispache en fonction des besoins», précise une source à la Sodecoton. Au total, l’Inspection générale met à nu un détournement de 580 millions Fcfa.
CONTRÔLES
«Les procédures de la boite sont bonnes, mais il faut avouer que les contrôles sont menés avec désinvolture à la Sodecoton. Les contrôleurs aiment procéder par sondage, c’est-àdire qu’ils piquent au hasard quelques cartons pour vérifier. C’est vrai que quand vous devez vérifier 60.000 cartons d’herbicides, d’insecticides et des milliers de sacs d’engrais à contrôler, la tâche est, il faut le reconnaître, titanesque. Les magasiniers ont compris cette difficulté et rangent leur stock en conséquence.
Sur 60.000 cartons, 20.000 sont souvent bons et rangés tout autour des cartons vides. Il a fallu que cette affaire éclate pour que la direction générale découvre cette technique», déclare un cadre de la Sodecoton. Preuve de cette désinvolture, le dernier inventaire effectué dans ce magasin remonte à décembre 2015. Personne n’avait rien trouvé à redire sur le travail du magasinier principal, Adamou Sadou alias Moïse Katumbi, du nom du riche homme d’affaires congolais, propriétaire de l’équipe de football Tout Puissant Mazembé et ancien gouverneur du Katanga.
Comme son idole, Adamou Sadou menait grand train, finançait des équipes de football et se faisait remarquer dans les boites de nuit de Garoua. «Le dernier contrôle dans ce magasin remonte à décembre 2015. Il est difficile de croire que les produits de 580 millions de Fcfa se soient évaporés en quatre mois, parce qu’il faut une certaine logistique. Il se peut donc que nous ayons affaire à un réseau structuré, organisé», explique une source proche de l’enquête.
Avec Actu cameroun