Le président gambien sortant Yahya Jammeh le jour du scrutin présidentiel le 1er décembre 2016 à Banjul. © Jerome Delay/AP/SIPA
Médiatrice en chef au sujet de la crise gambienne, la Cedeao a déjà une longue expérience pour elle.
La Cedeao peut-elle résoudre la crise gambienne ? Va-t-elle persuader Yahya Jammeh, qui a fait volte-face après avoir dans un premier temps reconnu sa défaite à la présidentielle, de quitter le pouvoir pour céder la place au président élu Adama Barrow ? Rien n’est moins sûr, tant les débuts de sa mission ne sont pas engageants.
Toutefois, les espoirs sont permis pour la délégation conduite par la présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf. Celle-ci a plusieurs cartes en main, de la négociation à l’intervention militaire, en passant par tout un panel de sanctions ciblées. Depuis sa création, le 28 mai 1975, dans le but de favoriser l’intégration économique en Afrique de l’Ouest et de promouvoir les échanges entre ses pays membres, la mission originelle de la Cedeao a bel et bien changé. Médiation, diplomatie préventive, force d’interposition… L’organisation régionale est désormais de chaque coup d’État, crise postélectorale ou guerre civile qui menacent la sécurité des États ouest-africains : Liberia (1990-2005), Guinée-Bissau, Sierra-Leone (1991-2000), Côte d’Ivoire (2002), Togo (2005), Guinée (2008-2010), Niger (2009-2011), Mali (2012-2013), Burkina (2015).
Promotion de la paix et de la sécurité
Avec la crise libérienne à la fin des années 1990 qui a imposé à la Cedeao la nécessité de se doter d’une force d’interposition régionale, « son rôle est devenu de plus en plus politique et son action a finalement plus consisté à promouvoir la paix et la sécurité régionale qu’à stimuler les activités ouest-africaine », avait constaté début juillet Rinaldo Depagne, directeur du projet Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group, dans une tribune publiée sur Jeune Afrique, à l’occasion du 41e anniversaire de la Cedeao.
Au fil des ans, l’organisation régionale est devenue le « pompier » de l’Afrique de l’Ouest, a fortiori un instrument indispensable de règlement des conflits. Prête à dégainer la menace d’une intervention militaire pour remettre dans le rang un chef de l’État tenté par les prolongations ou qui serait menacé par une rébellion et souvent la première à intervenir sur les lieux du drame pour tenter d’y éteindre le feu…
Une dizaine de médiations pour 15 États
La Cedeao dispose d’un bras armé permanent depuis 2004. Son ancêtre, Ecomog (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group, en anglais), créé en 1990 avait seulement pour vocation – comme son nom l’indique – de faire respecter les accords de cessez-le-feu. Mais rapidement, le rôle d’observateurs des « Casques Blancs » s’étend à celui d’une force d’interposition tandis que la situation s’aggrave au Liberia (avant de s’étendre à la Sierra Leone), où au plus fort de la crise, en 1994, la Cedeao déploie jusqu’à 20 000 hommes.
Rétrospectivement, le bilan de la Cedeao, qui s’est engagé depuis la fin des années 1990 dans neuf de ses États membres (sur quinze au total, la Mauritanie s’étant retirée en 1999), est plutôt positif. Au Liberia et au Mali, le déploiement d’une force d’interposition régionale a semé les jalons pour la mise en place d’une force de maintien de la paix de l’ONU. En outre, la médiation de la Cedeao a permis d’accompagner le processus de transition politique au Niger, en Guinée, au Togo, et en Guinée-Bissau, où elle est présente depuis 2012, elle est toujours particulièrement impliquée.
En revanche, le bilan est nettement plus contrasté en ce qui concerne le Burkina Faso, où la Cedeao n’aura joué qu’un rôle mineur dans la restauration du président de la transition, Michel Kafando, à la tête du pouvoir, après le coup d’État raté du général Diendéré. Autre échec de la Cedeao, celui de la crise en Côte d’Ivoire, où elle n’a pas su convaincre Laurent Gabgbo de quitter le pouvoir durant la crise postélectorale de 2010-2011.