La première du nouveau Star Wars, mais peu de stars américaines attendues sur le tapis rouge… Entre le Festival de Cannes et Hollywood, c’est toujours un peu “je t’aime, moi non plus”, sur fond de concurrence grandissante des autres festivals et de course aux Oscars.
Pas de Xavier Dolan et son premier film hollywoodien “Ma vie avec John F. Donovan“, reparti au montage, ou de Damien Chazelle (“La La Land”) pour son biopic sur l’astronaute Neil Armstrong, avec Ryan Gosling. Des noms avancés par les parieurs avant la sélection. “Je voulais l’envoyer à Cannes, et je l’ai fait. Mais certains développements de dernière minute nous ont fait penser que ce n’était pas l’endroit idéal”, a confié Dolan au site spécialisé Indie Wire. “Nous avons décidé de le présenter ailleurs”, a-t-il dit, sans dévoiler ses intentions.
“L’importance prise par la course aux Oscars n’aide pas Cannes”, estime Andrew Pulver, journaliste au Guardian, alors que Cannes est bousculé par la montée en puissance des festivals de la rentrée comme Venise et Toronto. “Les grands noms du cinéma indépendant, qui veulent être dans la course aux Oscars, préfèrent une première en août ou en septembre, donc Venise plutôt que Cannes”, souligne-t-il. Grand gagnant des Oscars en début d’année, “La Forme de l’eau” de Guillermo del Toro avait d’abord remporté le Lion d’or à Venise.
Un an plus tôt, c’est “La La Land” qui avait séduit la Mostra, valant à Emma Stone un prix d’interprétation, avant de rafler un Oscar. Autre atout de ces festivals : ils sont ouverts au public, en particulier Toronto où il n’y a pas de compétition, tandis que “Cannes est plus centré sur l’industrie du cinéma”, souligne C. Samuel Craig, professeur de cinéma à la New York University.
Connue pour ses coups de griffe, la critique cannoise peut s’avérer impitoyable. Ce qu’elle fit avec les Américains Gus Van Sant et Sean Penn, dont les films furent hués lors des éditions 2015 et 2016. “Etre à Cannes est un pari car il est expressément demandé que le film ne soit projeté dans aucun autre festival”, renchérit Jason E. Squire, enseignant le cinéma à USC Cinematic Arts à Los Angeles.
Mais, poursuit-il, le festival “reste une plateforme centrale pour lancer un film, en particulier les petits films : son pouvoir est de faire découvrir un film inconnu et de le soutenir en le sélectionnant”, notamment dans les sections parallèles.
Pour les blockbusters aussi, Cannes reste une vitrine majeure, magie du tapis rouge oblige. Cette année, c’est “Solo”, le dérivé de Star Wars réalisé par Ron Howard et produit par Disney qui sera présenté hors compétition, quelques jours avant sa sortie. La Croisette a déjà accueilli par le passé deux épisodes de la saga et choisi en 2006 “Da Vinci Code” du même Ron Howard en ouverture. L’accueil glacial réservé au film fut sans conséquences sur sa destinée en salles.
“Le problème, c’est que Cannes a besoin d’Hollywood plus que l’inverse”, estime Gilles Jacob, l’ancien président du festival, dans son récent “Dictionnaire amoureux” de Cannes.
L’absence du producteur Harvey Weinstein, un habitué du festival qui a amené nombre de stars et films à Cannes, peut-elle encore éloigner un peu plus Hollywood du festival ? “L’âge d’or de Weinstein ne vient pas de s’arrêter. Ça fait au moins trois-quatre ans que c’était plus difficile”, glisse Jérôme Paillard, patron du Marché du film, qui se déroule en parallèle du festival et où les Etats-Unis forment en revanche, cette année encore, le plus gros contingent.
Pour résoudre l’équation entre glamour et exigence artistique, reste au festival une carte maîtresse : son jury, présidé cette année par la très hollywoodienne Cate Blanchett.