Elles n’ont pas de complexe, car elles savent qu’elles tiennent l’avenir de l’Afrique entre leurs mains. Femmes d’exception, aux parcours hors du commun, ces leaders africaines veulent changer le visage du Continent. Et s’en donnent les moyens. Témoignages.
Organisée par l’Unesco avec le concours de l’ONG « Femmes de Demain », que préside Christine Jouan Bruneau, la journée consacrée le 7 juillet aux « Femmes leaders africaines » sur le thème « Actrices du changement pour l’émergence de l’Afrique », a fait salle comble. Et le débat animé par Marie Roger Biloa, présidente du Groupe Africa International et du Club Millenium, fut de haute tenue car les Africaines réunies pour l’occasion constituaient un plateau de choix. Et quel panel !
« Il ne peut y avoir de développement dans nos pays sans statut de la femme », devait souligner en ouverture des débats Mme Rachel Annick Ogoula Akiko, ambassadeur du Gabon auprès de l’Unesco, en rappelant que le président Ali Bongo (candidat à sa réélection le 27 août prochain) avait décrété une « décennie de la femme », de 2015 à 2025.
C’est l’Ivoirienne Janine Kacou Diagou qui ouvrit le bal. Directrice générale depuis un an du groupe NSIA (Nouvelle société interafricaine d’assurances), où elle a succédé à son père, Jean Kacou Diagou, le patron des patrons en Côte d’Ivoire, avoue « ne pas avoir été très fan de rejoindre le groupe familial », où elle a gravi tous les échelons en di-huit ans de carrière, même si elle se dit « très ambitieuse ». Être la fille de son père « ne fut pas un avantage du tout », ajoute-t-elle, mais l’a poussé à « travailler un peu plus dur que les autres » pour s’imposer. « Je me plais à souligner que toutes nos sociétés les plus rentables sont aujourd’hui dirigées par des femmes », assène-t-elle, et « pour moi, l’histoire ne fait que commencer ». Un témoignage qui décoiffe !
« Pour être manager, on se doit d’être un modèle »
« Je suis persuadée que je n’aurai pas eu cette carrière ailleurs qu’en Afrique », considère pour sa part Françoise Le Guennou-Remarck qui, après avoir dirigé le groupe Canal + pendant dix-sept ans en Côte d’Ivoire, se retrouve aujourd’hui vice-présidente de la CFAO (Compagnie française de l’Afrique Occidentale). « Le travail paie, la rigueur paie », lâche cette femme de tête qui se donne en exemple, et ajoute : « Pour être manager, on se doit d’être un modèle et capable de s’imposer des règles énormes ». Un véritable défi où la seule volonté ne peut suffire. « Il faut toujours avoir envie de progresser et de ne pas se contenter de sa zone de confort ». Etre prête à se remettre en question, changer de filière et de métier pour sortir du lot et s’imposer.
Ce fut également le parcours de Marlyn Moulion Roosalem qui, après avoir été ministre du Commerce et de l’Industrie en République centrafricaine, fut la première femme à diriger la Bourse des valeurs de Libreville (Gabon) puis d’être administrateur d’Afriland First Bank.
« La banque ne me manque pas du tout. J’ai fais il y a deux ans un virage à 180° pour devenir ambassadrice de la culture africaine », explique la jeune Ivoirienne Diane Tiacoh, styliste et PDG de Sanvé (La clé, en langue baoulé), qui se veut une maison de luxe et une marque de vêtements pour femmes. « Je n’ai pas fait d’école de couture, mais je dessine des pièces uniques qui sont réalisées avec du fil de coton tissé à la main et je travaille avec des artisans qui cultivent des trésors. C’est ma participation au développement de mon pays ».
Confrontées à des choix de société pour le développement de l’Afrique, ces femmes leaders ne fuient pas le débat – bien au contraire – et défendent des valeurs qui, à l’image de leurs parcours, inspirent le respect. Elles n’hésitent pas à tenir des propos anti-conformistes qui dérangent, bousculent les idées reçues et poussent à la réflexion. En voici un florilège.
« Les autres continents sont en train de mourir »
En raison d’une démographie impressionnante, pour ne pas dire galopante, on sait que l’Afrique comptera en 2050 plus de 2,5 milliards d’habitants et que cette réalité constitue une « bombe à retardement » si l’éducation, la formation et l’emploi ne font pas des sauts qualitatifs à la hauteur des enjeux, et si une grande partie de cette extraordinaire richesse humaine se retrouve demain au chômage.
« Dès 2030, il nous faudra créer en Afrique 200 millions d’opportunités professionnelles, ce qui ne s’est jamais vu dans l’histoire de l’Humanité. Il nous faut donc anticiper, en matière d’éducation notamment. On n’a pas le choix », observe la Somalienne Haweya Mohamed, directrice générale d’Afrobytes (la plateforme dédiée à l’innovation technologique africaine) prête à relever le défi car « le continent africain inspire et est en avance sur bien des sujets ».
Dans ces conditions, l’actuel taux de démographie – avec un record de sept enfants par femme au Niger – constitue-t-il une chance ou une menace pour l’Afrique ?
« C’est une grande chance pour ce continent car les autres continents sont en train de mourir », affirme d’emblée Janine Kacou Diagou. Mais « les Africains sont les seuls à ne pas savoir que ce continent est un trésor ». Avant d’ajouter toutefois avec un certain bon sens : « Ce problème démographique ne pourra être résolu que par les femmes ». Rien ne servirait donc d’imposer aux Africaines un « contrôle des naissances ». Mieux vaut privilégier l’éducation des petites filles qui – en une génération – devrait faire son chemin tout en respectant traditions et coutumes.
« Moi, j’ai deux garçons, ajoute-t-elle, que je traite comme de futures femmes. Ils doivent savoir faire la cuisine et ranger leurs affaires pour que demain ils ne disent pas à leurs épouses de le faire à leur place… ». Voilà une réflexion qui cadre parfaitement avec le « nouveau féminisme » que prône l’organisation « Femmes de Demain » : un « féminisme fondé sur la complémentarité hommes-femmes et le respect mutuel », aux antipodes totales de la « théorie du genre » voulant abolir les différences entre les sexes.
avec afriquefemme